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Les bourdons sont capables de faire fleurir les plantes jusqu’à un mois plus tôt

Cette technique leur permet de se prémunir contre les pénuries de pollen

Si le pollen s’avère indispensable à la survie des bourdons, en raison du changement climatique, ceux-ci ont tendance à sortir de plus en plus prématurément de leur hibernation. Ce réveil intervenant parfois des semaines avant le début de la période de floraison, les insectes se trouvent par conséquent confrontés à une pénurie de nourriture.

Une floraison intervenant jusqu’à un mois plus tôt

Comme le montre cette étude récemment publiée dans la revue Science, ces créatures incroyablement intelligentes et résilientes ont mis au point un ingénieux stratagème afin d’inciter les fleurs à fleurir plus tôt. Une équipe de chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Zurich a en effet découvert que les bourdons terrestres (Bombus terrestris) endommageaient leurs feuilles afin d’accélérer leur floraison, et il s’est avéré que les dommages causés pouvaient la faire intervenir jusqu’à 30 jours plus tôt que prévu.

Les scientifiques ont remarqué ce comportement par hasard, alors qu’ils réalisaient une expérience en laboratoire. L’observation des bourdons en train de perforer, sans raison apparente (ils ne semblaient ni manger les morceaux arrachés, ni les rapporter vers leurs nids), des feuilles à l’aide de leurs appendices buccaux n’ayant pas manqué d’éveiller leur curiosité, l’équipe a ensuite cherché à savoir si un tel phénomène avait déjà été documenté et exploré, et ont constaté que très peu de recherches avaient été effectuées sur le sujet.

« De précédents travaux avaient montré que différents types de stress pouvaient induire la floraison des plantes, mais le rôle des dommages infligés par les bourdons pour accélérer la production des fleurs était inattendu. En approfondissant les recherches, nous avons constaté que d’autres équipes avaient observé les mêmes comportements mais personne ne s’était intéressé à la raison pour laquelle les bourdons faisaient ça aux plantes, ni l’effet de ces actions sur la production de fleurs », explique Mark Mescher, auteur principal de l’étude.

Des comportements aussi bien observés en laboratoire qu’en plein air

Pour en savoir plus, l’équipe a mené une première expérience consistant à placer deux groupes d’insectes (l’un privé de pollen depuis 3 jours et le second ayant bénéficié de ressources abondantes) dans des serres à l’intérieur desquelles se trouvaient des plants de tomate et de moutarde dépourvus de fleurs. Et la différence ne s’est pas fait attendre : tandis que les bourdons affamés s’attaquaient largement aux feuilles avec leurs mandibules, les spécimens rassasiés ne leur infligeaient que de rares dommages.

L’équipe s’est également attachée a recréer manuellement les dommages causés aux feuilles par les insectes, mais bien que l’expérience ait montré que toutes les plantes perforées fleurissaient de façon plus précoce, chez celles ayant été attaquées par les bourdons, la floraison intervenait des semaines plus tôt : 30 jours d’avance pour les plants de tomate, contre 14 pour les plants de moutarde. Ce qui suggère, selon les auteurs de l’étude, qu’un produit chimique contenu dans la salive des abeilles accélère ce processus, ou que les dommages causés par les chercheurs n’étaient pas suffisamment bien imités.

Dans un second temps, les scientifiques ont cherché à savoir si ces conclusions s’avéraient également valables dans la nature, où les plantes sont plus dispersées et rares, en étudiant des colonies de bourdons en plein air. Et il s’est avéré que les insectes, qu’il s’agisse des spécimens élevés en captivité ou des deux espèces de bourdons sauvages suivies, adoptaient strictement le même comportement, particulièrement marqué lorsque peu de plantes étaient en fleurs dans leur environnement.

— Ant Cooper / Shutterstock.com

Une stratégie porteuse d’espoir dans la lutte contre le changement climatique

L’étude suggère que les bourdons ont développé un tel comportement afin de faire face aux pénuries de pollen. Ce qui constitue une bonne nouvelle non seulement pour ces créatures, mais également pour les nombreuses espèces animales et végétales en dépendant : on estime qu’environ un tiers de la nourriture que les humains consomment chaque jour dépend de la pollinisation, assurée principalement par les abeilles.

« Une des interprétations encourageantes de ces nouvelles découvertes reste que les adaptations comportementales des insectes peuvent permettre aux systèmes de pollinisation de bénéficier de plus de plasticité et d’adaptabilité qu’on ne pensait pour faire face au changement climatique », souligne Lars Chittka, spécialiste de la Queen Mary University of London, dans un essai accompagnant l’étude.

La question de savoir dans quelle mesure ce mécanisme d’adaptation aidera les abeilles à survivre au chaos climatique reste cependant ouverte. En février dernier, une étude, également publiée dans la revue Science, avait révélé qu’en raison du changement climatique et de la hausse de températures, les chances de survie des populations de bourdons d’Europe et d’Amérique du Nord dans un endroit donné avaient en moyenne diminué de plus de 30 % en l’espace de vingt ans seulement.

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