Dans Black Sails, vous aurez votre part de piraterie sanglante et d’abordages de magnifiques navires, mais vous aurez également l’un des traitements les plus originaux sur cette époque que l’on ait pu voir à la télévision, voire au cinéma. Car non seulement le casting incarne des pirates ayant réellement existé, mais l’histoire se concentre avant tout sur la vie du capitaine Flint, vingt ans avant les événements de L’Île au trésor, le roman légendaire de Robert Louis Stevenson.
La version définitive du récit légendaire de Robert Louis Stevenson est publiée en 1883. Le lecteur s’identifie rapidement au protagoniste, Jim Hawkins, le fils d’un gérant d’auberge sans histoires. Un vieux pirate du nom de Billy Bones visite ladite auberge avant de mourir dans des circonstances mystérieuses. Le jeune homme fouille ainsi dans sa chambre et tombe sur une carte au trésor qui va le propulser au coeur d’une aventure pleine de rebondissements et de personnages devenus mythiques. Le trésor en question est celui du capitaine Flint et le quartier-maître Long John Silver compte bien s’en emparer.
L’histoire a été adaptée des dizaines de fois en films et bandes dessinées et a largement participé à la vision de la piraterie qu’ont les lecteurs du XXe siècle. Mais vingt ans avant les événements de L’Île au trésor, Black Sails nous propose de suivre l’histoire de l’équipage du Walrus alors qu’ils tentent de faire fortune et que le capitaine Flint dérange l’ordre établi sur les sept mers dans un but bien précis. En 1715, l’âge d’or de la piraterie entre bientôt dans sa dernière décennie et les plus grands pirates des Caraïbes se retrouvent sur l’île de New Providence pour y fonder une colonie de pirates : Nassau.
Le lieu fait peur au monde entier et le nom du capitaine Flint fait trembler la bourgeoisie anglaise ainsi que les colons des Amériques et les marchands marins. Sur son bateau, on retrouve entre autres John Silver et Billy Bones qui deviennent peu à peu indispensables à la vie de l’équipage. Nassau est gouvernée par la famille Guthrie et plus particulièrement Eleanor, la fille de Richard Guthrie ayant fait fortune sur le marché noir en revendant les prises des pirates à des ports de la couronne. Depuis sa taverne, Eleanor dirige le commerce de l’île et rêve de voir fleurir une vraie colonie indépendante.
À côté de l’équipage du Walrus se dresse le reste des célébrités de l’âge d’or de la piraterie. On retrouvera sur les plages de Nassau des pirates historiques comme Charles Vane, connu pour être l’un des pirates les plus terrifiants de sa génération et l’un des plus proches d’Edward Teach (Barbe Noire). Dans la série, il est accompagné de celui qui lui a succédé à la tête du navire Ranger dans la réalité : Jack Rackham. Black Sails le dépeint comme un pirate peu apte au combat, mais hautement stratégique et ayant toujours trois coups d’avance sur tout le monde pour sécuriser les prises.
Et qui dit Rackham, dit forcément Anne Bonny et Mary Read. Si la série n’a pour le moment pas introduit cette dernière, Anne est présente depuis le début et entretient une relation de codépendance avec Jack. Une femme pirate, mais pas n’importe laquelle. Aussi redoutable dans la série que dans la réalité, elle est celle qui protège Jack pendant qu’il réfléchit à la façon de surmonter leurs épreuves. Après Charles Vane et le capitaine Flint, elle est peut-être la personne la plus dangereuse de l’île une fois l’épée à la main. Le casting est efficace pour la série qui, à l’origine, était produite par Michael Bay et qui explique le budget alloué dès la première saison.
La série ne lésine pas sur les moyens et les décors sont magnifiques dès les premiers épisodes. L’attention aux détails est appréciée dans chaque scène et permet de revenir trois cents ans en arrière le temps de quarante cinq minutes par semaine. Le budget et la qualité de la production s’améliorent d’épisode en épisode et de saison en saison, avec des navires construits spécialement pour le tournage et des scènes en haute mer plus vraies que nature. Si certains acteurs mettent quelques épisodes à se sentir à l’aise dans leur peau de pirate, le souci est largement réglé après les premières heures.
Le réalisme apparent de la série nous fait rapidement oublier que le personnage de Flint n’est pas lui non plus un pirate ayant réellement existé. Le personnage se développe de façon captivante et surprenante dans la seconde saison où l’on découvre non seulement son passé à l’extrême opposé de ce qu’il est aujourd’hui. Les raisons ayant entamé sa transformation se révèlent touchantes et humaines, offrant un net relief avec le mystère laissé par Robert Louis Stevenson dans son roman. Une écriture qui manque parfois d’intensité et de précision dans les dialogues, mais qui se rattrape largement par sa narration et ses rebondissements bien ficelés.
Car si la série démarre doucement en tant que divertissement, elle passe au niveau supérieur dès le début de la deuxième saison. De série pop-corn, Black Sails devient l’une des séries les plus prenantes de la télévision américaine actuelle. Les créateurs n’oublient pas les côtés romanesques de la piraterie, mais soulignent les malheurs causés par cette dernière. Une vision qui permet de garder un certain sérieux tout en faisant rêver les spectateurs d’aventure et de trésors, le tout accompagné par la bande-son incroyable de Bear McCreary. La série a voulu capitaliser sur sa dualité entre littérature et histoire ; force est de constater que le pari est réussi.
Il y avait mille et une façons de rater la cible en faisant une série sur les pirates. Vaste sujet qui demande non seulement une compréhension globale de la situation géopolitique de l’époque, mais aussi un énorme budget afin de pouvoir faire voyager les spectateurs dans de vrais décors et voguer sur de vrais navires. Black Sails est devenu l’un des rendez-vous incontournables des séries américaines, notamment grâce à une prise de risque au niveau de la narration et une vision non manichéenne de la piraterie. Préférez-vous les pirates historiques ou ceux issus du L’Île au trésor ?
Par Florent, le
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