Bouteilles en plastique, sacs de course, bidons d’huile… On les retrouve de plus en plus dans nos océans et pourtant, ils n’ont rien à y faire. Face à ce fléau qu’est la pollution des mers, des projets voient le jour. Le dernier en date est le fruit du travail d’Yvan Bourgnon, un skipper et fondateur de l’association The Sea Cleaners : un bateau capable de collecter les déchets plastiques et de les recycler.
La naissance du projet Manta
Lors d’un tour du monde effectué entre 2013 et 2015, le skipper suisse Yvan Bourgnon a constaté les dégâts : les océans sont infestés de déchets plastiques. Pendant des mois, ce dernier a navigué entre des amas énormes de filets de pêche, de poussettes, de frigos, qui venaient taper contre la coque de son bateau. Face à ce spectacle effroyable, le navigateur a créé il y a deux ans l’association « The Sea Cleaners« et a décidé d’agir avant qu’il ne soit trop tard. Pour nettoyer les océans, une idée a progressivement germé : un bateau capable de récolter les déchets en mer et de les recycler.
De cette réflexion sur le papier est né le Manta, un bateau autonome ramasseur de déchets. Ce projet est le résultat d’une étude de faisabilité longue d’un an et demi. En partant d’une page blanche, Bourgnon et son équipe ont regroupé deux concepts : un bateau fonctionnant de manière autonome et qui ramasse les déchets pour les trier. Ainsi, le Manta sera capable de récupérer les déchets plastiques en mer et plus technique, il sera autonome en énergie, notamment grâce au soleil et au vent. Le modèle sera de fait le premier bateau de 2500 tonnes totalement autonome en énergie (ce qui est très complexe à réaliser). La maquette a été dévoilée au public en avril dernier.
Un bateau au fonctionnement complexe
Comme évoqué plus tôt, le Manta est un projet de grande envergure, déjà par la taille du bateau. Ce dernier devrait donc peser 2500 tonnes et faire la taille d’un terrain de football, ce qui est considérable. Mais le plus impressionnant dans ce projet, c’est l’utilisation de plusieurs technologies pour rendre le bateau autonome en énergie. Si elles existaient déjà, il a fallu penser à comment les utiliser à bon escient. Malgré sa taille, le Manta n’a pas énormément de place. Il a donc fallu penser à trouver la meilleure combinaison en utilisant des panneaux solaires, des éoliennes mais aussi la pyrolyse. Cette technique permet de transformer une partie du plastique ramassé en carburant.
De fait, le point de départ du projet d’Yvan Bourgnon, c’est le nettoyage des océans. Pour collecter le maximum de déchets, le skipper a imaginé un bateau à quatre coques, avec trois entrées d’eau naturelle entre chacune d’elles. Grâce à cette particularité, les déchets se font piéger par des tapis roulants qui basculent dans la mer, jusqu’à un mètre de profondeur. Ils remontent ensuite naturellement dans le bateau et le triage se fait à bord. Le Manta sera capable de ramasser jusqu’à 20 000 mètres cube de plastique par an. Grâce à la pyrolyse, une partie des déchets permettra de faire avancer le bateau (cela vient en complément des panneaux solaires et éoliennes) en produisant jusqu’à trois tonnes de carburant par jour… Le reste des déchets sera ramené à terre dans des unités de recyclage s’il y en a. Sinon, le bateau aura ses propres unités à bord (jusqu’à 30 conteneurs d’environ 25 mètres carré). L’équipage proposera ensuite aux populations locales de les recycler elles-mêmes ou de fabriquer leur propre carburant.
Un projet qui doit sensibiliser la planète
Le plus important dans ce projet reste de parvenir à sensibiliser les différentes populations. Bourgnon le répète : « Cela va au-delà du simple ramassage de plastique ». Conscient que ce n’est pas grand chose face à la pollution existante, il convient de sensibiliser et éduquer les populations. A priori, le prototype se rendra là où il y a le plus de besoins : certaines zones comme les Philippines, l’Asie du Sud, le Nigeria ou l’Amazonie sont particulièrement contaminées. Aujourd’hui, l’association recrute une quinzaine d’interlocuteurs dans 15 pays différents, afin d’avoir l’autorisation des pays et de trouver des accords avec les gouvernements.
Aujourd’hui, le Manta est vu comme un projet ambassadeur, qui doit ouvrir les consciences et amener d’autres projets. Malgré leurs deux ans d’existence seulement, l’association « The Sea Cleaners » a déjà un million d’euros de chiffre d’affaires (notamment grâce à l’aide de 30 mécènes et de 7 500 donateurs). Point positif, de grands groupes les ont contactés pour collaborer et un quart du projet est déjà financé. Plus que le financement, l’inquiétude de Bourgnon réside dans le fait de développer cela à grande échelle afin de financer une flotte de bateaux. Chaque pays doit s’approprier cette solution mais cela risque de prendre des années : la phase « convaincre » a été enclenchée. Malgré tout, le skipper suisse reste optimiste : il est possible de lutter contre la pollution des océans, et pas seulement grâce à son projet. Selon lui, trouver des alternatives au plastique est la clé. En agissant à tous les niveaux, il estime qu’une vraie réduction peut avoir lieu d’ici 10 à 20 ans.
Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin de projets moteurs comme celui du Manta pour assainir nos océans et réduire drastiquement la pollution. Plus que la mise en place du projet, la difficulté réside dans le fait de convaincre les gens et de faire prendre conscience de l’urgence de la situation : nous avons souillé les mers, à nous de les nettoyer.
Par Thomas Le Moing, le
Source: We demain
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