Aller au contenu principal

Adolf Wölfli, l’artiste schizophrène qui repoussait les limites de la création

Lumière sur cet homme dont l’œuvre reste trop inconnue aujourd'hui

Il est courant de coller une étiquette à l’artiste. Celle du créatif incompris, en marge de la société dont le caractère frôle la folie. Mais ces préjugés ne datent pas d’hier. D’où viennent-ils ? Et qui est Adolf Wölfli, artiste fou des XIXe et XXe siècles, dont l’œuvre reste trop inconnue aujourd’hui ?

Les liens entre art et folie sont explorés par les romantiques du XIXe siècle. Il faut toutefois attendre le début du XXe pour que l’on s’y intéresse réellement. Pablo Picasso ou Paul Klee, artistes d’avant-garde, sont en quête de nouvelles formes artistiques offrant une alternative de ce qu’ils perçoivent comme « l’académisme desséché de la tradition occidentale ».

Girl before a Mirror de Pablo Picasso

L’avènement de la critique esthétique instituée par l’art moderne amène à réévaluer la production des malades mentaux ainsi que l’appropriation de la notion « d’art aliéné ». Notion dont la complexité se renforce par les mouvements expressionniste et Dada. Deux médecins du monde germanophone vont jouer un rôle majeur dans cette réappropriation : Hans Prinzhorn et Walter Morgenthaler. Véritables influenceurs de la réception de l’art des aliénés, ils inspireront le concept d’art brut que Jean Dubuffet envisagera par la suite.

Adolf Wölfli

Adolf Wölfli, patient déclaré schizophrène à 31 ans, est interné à l’hôpital psychiatrique de Waldau en Suisse où il y restera jusqu’à sa mort. Devenu dessinateur, écrivain, compositeur, collagiste et chanteur, ses œuvres passionnent par leur diversité et leur cohérence. L’étude de sa biographie prouve que la pathologie dote l’artiste d’une forte singularité dans son processus créatif.

Ses œuvres sont en général des compositions détaillées, quasi symétriques, soulignant un fort vocabulaire et des portées musicales. L’artiste introduit également des lettres, des mots ainsi que des petits motifs distincts. Il adopte la méthode de l’horror vacui signifiant que chaque espace de la feuille est rempli d’éléments figuratifs ou décoratifs qui se combinent pour former des compositions aux textures riches et aux lignes fluides. Présentant une foule de détails, l’œil n’aura jamais fini d’explorer totalement l’œuvre.

Une œuvre d’Adolf Wölfli

Les premiers dessins d’Adolf Wölfli sont en noir et blanc car il ne disposait de rien d’autre qu’un crayon à papier. Grâce à la vente modeste de certaines de ses illustrations, il obtient des crayons de couleur et réalise des œuvres flamboyantes. D’après les médecins, il écrivait et dessinait « toute la journée ». Mais outre son obsession pour la création, il modifiait l’espace et s’appropriait son environnement en dessinant sur les murs de sa cellule. Il avait pour projet de la remplir entièrement afin d’habiter littéralement son univers.

PENDANT 35 ANNÉES PASSÉES EN HÔPITAL PSYCHIATRIQUE, IL A PRODUIT UN CORPUS ARTISTIQUE UNIQUE ET IMPRESSIONNANT

Aujourd’hui, seule une infime partie de ses œuvres est exposée au musée des Beaux-Arts de Berne. Pendant 35 ans passés en hôpital psychiatrique, Adolf Wölfli a produit un corpus artistique unique et impressionnant. Il fait partie de ces artistes pensant à voix haute et exhalant toute trace de leur esprit. La moindre idée le traversant est aussitôt extériorisée, preuve d’une absence totale de manipulation ou d’anticipation quelconque mais reflétant une forte sincérité.

Une œuvre d’Adolf Wölfli

AUJOURD’HUI, SEULE UNE INFIME PARTIE DE SES ŒUVRES EST EXPOSÉE

La maladie mentale libèrerait alors quelque chose d’archaïque. Adolf Wölfli incarne les archétypes de l’inconscient collectif en décrivant les formes hallucinatoires surgies de son moi profond. En résulte alors une plus forte originalité grâce à son insouciance totale. Une originalité qui n’est pas synonyme d’imprécision ou de « travail bâclé » comme en témoignent ses riches compositions.

En plus de créer sans but commercial, Adolf Wölfli remet en question et nous permet de ne pas être dans la réponse immédiate. Grâce à lui, l’engouement et les réflexions autour de l’art brut existent de nos jours.

Par Céline Quintin, le

Étiquettes: , , ,

Catégories: ,

Partager cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *