Beaucoup d’éléments culturels japonais sont en fait des déclinaisons et des évolutions d’éléments chinois. Il en va de même pour le bonsaï, car même si son nom vient du pays du Soleil-Levant, son art trouve ses origines dans la Chine d’il y a 1300 ans. Depuis, l’art s’est développé en Asie puis aux quatre coins du monde et permettant à ses pratiquants de cultiver et de styliser des centaines d’arbres différents.
Même si le principe nous vient d’Égypte, c’est en Chine que le phénomène se développe véritablement. Il y a plus de 2300 ans, la cosmologie chinoise engendre le concept des Cinq Phases ou cinq éléments que sont le métal, le bois, l’eau, le feu et la terre. L’un des concepts est qu’en créant des miniatures de ce que l’on trouve dans la nature, en ramenant quelque chose d’immense ou de mystérieux à l’échelle humaine, on pourrait étudier ses propriétés magiques et en maitriser les pouvoirs. Le plus petit est la miniature, le plus magique elle serait. Alors que les étudiants s’entraînent à reproduire des petites montagnes, le commerce se développe dans la Chine ancienne et encourage alors la création de nouvelles vaisselles reprenant le concept.
On trouvera des brûleurs d’encens en forme de petite montagne dont s’échappe la fumée où même un volcan sortant des vagues de l’océan. La tradition s’est perfectionnée avec l’apparition de lichen et de mousse attachée aux petites créations, le tout dans un désir de recréer la nature en miniature pour se rapprocher d’elle. La première trace de bonsaï que l’on connaisse remonte à 706 sur une peinture de la tombe d’un prince où l’on voit clairement à l’intérieur de plats creux de petits arbres. L’art se développe au fur et à mesure que les hommes comprennent comment les faire survivre durant de longues périodes.
Car l’artisan taille l’arbre d’une certaine façon, il contrôle la pousse des tiges et donc la forme de l’arbre. Les formes les plus anciennes sont assez grotesques dans le premier sens du terme et rappellent des poses de yoga où le pratiquant a le corps complètement replié. Ces poses reproduites par les arbres symbolisent la circulation vitale et une très longue vie pour celui qui les pratique ou entretient l’arbre. Différents styles se répandent à travers les régions de la Chine et suivant les zones, les locaux travaillent avec des arbres différents et des vaisselles différentes, donnant du relief à la diversité culturelle de cet art particulier.
Introduits au Japon il y a environ 1200 ans, les bonsaïs deviennent réellement populaires que deux cents ans plus tard alors que les premières références littéraires les décrivent comme un art. L’arbre dans son état naturel ne produira que bien peu d’émotions chez l’homme. Mais lorsqu’il est ramené à notre échelle et stylisé dans une certaine forme avec soin, patience et amour, le bonsaï peut toucher votre coeur. Le bouddhisme Zen s’est ensuite approprié l’art et en a développé d’autres styles s’accordant avec leur philosophie. Ancrés dans la philosophie nationale, beaucoup se mettent à faire pousser les petits arbres, que ce soit un paysan ou un shogun.
Le Japon étant bien plus petit que la Chine, on y trouve moins d’espèces différentes d’arbres. Cela n’arrête pas les Japonais qui développent d’autant plus la maîtrise de la culture du bonsaï et sa stylisation. Le savoir et son résultat se commercialisent dans les siècles suivants jusqu’à être catalogués dans des livres sur les arbres qui expliquent les caractéristiques, les outils et les pots utilisés. Suite au grand tremblement de terre qui détruit Tokyo en 1923, un groupe de trente familles de professionnels de cet art migre à plusieurs kilomètres à Omiya et y fondent le centre de la culture du bonsaï : le village bonsaï d’Omiya.
La connaissance de cet art est déjà présente en Europe au début du XVIIe siècle, mais ce n’est qu’après les Expositions de Paris en 1878 et 1889 puis celles des États-Unis dans les décennies suivantes que la pratique s’enracine sur les autres continents. Le premier livre étranger sur le sujet est français et date de 1902 et on trouve de nos jours plus de 1200 ouvrages de référence sur le sujet. Même si à la base il était surtout question de l’étude des propriétés de la nature et du paysage en entier, c’est vraiment les arbres miniatures qui sont restés populaires à travers les siècles.
Mais attention, l’entretien d’un bonsaï n’est pas chose aisée. Le mot en lui-même signifie « plante cultivée dans un pot » et ne donne donc pas l’impression qu’il y sera question de finesse. Pourtant, la pousse, la coupe, le rempotage, l’arrosage, l’atmosphère et la gestion des branches sont les premiers éléments d’un art qui demande à son pratiquant de faire attention à un tas de détails. Il faut souvent tailler ses racines annuellement et le rempoter en prenant soin de ne pas trop arroser l’arbre pour ne pas faire pourrir les racines. Fragiles durant leurs premières années, les bonsaïs peuvent cependant devenir robustes avec l’âge. Mais tout cela dépend aussi de l’espèce dont on parle.
Au niveau des dimensions, on considère qu’un bonsaï fait entre quelques centimètres pour les shôhin et un mètre trente pour les ômono. Tous possèdent leur symbolique et une esthétique particulière. Imitant la nature, les styles de bonsaïs sont aussi diversifiés que la nature. Aucune limite pour l’artisan si ce n’est une philosophie principale : il ne s’agit pas de copier la nature en plus petit, mais de capter l’essence même de la puissance de l’arbre. En voyant un bonsaï de maître, on est aussi impressionné voire plus que devant un arbre immense de la même espèce. On retrouve la même démarche que chez les habitants de la Chine ancienne. Il s’agit avant tout d’étudier la nature pour en appréhender son pouvoir.
Petits par la taille, les bonsaïs peuvent vivre plusieurs siècles et conservent une symbolique et un mysticisme présents depuis des millénaires. Avec des centaines d’espèces et de styles différents, l’art du bonsaï est un domaine où l’apprentissage est inépuisable. Entre l’art et la botanique, le bonsaï est une véritable sculpture vivante pour les maîtres de la pratique qui demande du temps et de la pratique. Avez-vous déjà pris soin d’un bonsaï ?