On a longtemps considéré la forêt comme un panier de ressources dans lequel puiser à souhait. Si son existence est en effet essentielle à notre survie, l’humain n’est en aucune question sa raison d’être. Bien au contraire, la forêt, vieille de 370 millions d’années, est un réseau d’êtres vivants à part entière qui se serait bien passé de l’apparition de l’espèce humaine.
Avez-vous remarqué que les branches d’arbres se croisent sans jamais se toucher ?
Rendez-vous dans la forêt, ou même dans un parc bien arboré, et levez les yeux au ciel. Les branchages de chaque arbre s’étendent aussi largement que des bras dans un cri de joie mais ne touchent jamais ceux de leur voisin. L’espace entre les arbres est calculé pour que chacun ait son espace propre, tout en demeurant extrêmement proches les uns des autres. Les humains n’auraient-ils pas quelques leçons à tirer de ce mode de vie en communauté ?
C’est par les racines que les arbres tissent leur réseau invisible. Ceux-ci entrent alors en contact, et une communication constante s’installe entre les arbres d’une même espèce. Ils s’alimentent ainsi les uns les autres pour se maintenir en vie, par le biais de la photosynthèse. La science enchaîne d’étonnantes découvertes à leur sujet depuis dix ans. En 2019, une équipe néo-zélandaise a démontré que les arbres maintenaient collectivement en vie des souches pour s’en servir de réserve d’eau et de minéraux.
Les arbres développent l’équivalent d’une « conscience » de soi
Les arbres ont suivi des voies radicalement différentes de celles des animaux pour s’adapter aux évolutions des conditions de vie. Nous avions connaissance depuis plusieurs siècles de la ligno-cellulose qui les compose, du système de circulation de l’eau et de la sève ainsi que de la photosynthèse. Désormais, la science explore leur intelligence. En 2013, le laboratoire Physique et physiologie intégratives de l’arbre en environnement fluctuant (Piaf, Clermont-Ferrand) découvre que les cellules végétales sont dotées de proprioception : c’est-à-dire qu’elles perçoivent leur déformation et la corrigent si nécessaire.
Cela met au jour la présence, chez l’arbre, d’une certaine « conscience » de soi, qui ouvre depuis dix ans les recherches concernant la « neurobiologie végétale ». Nous savons aujourd’hui que les arbres possèdent les mêmes molécules que celles servant de neurotransmetteurs chez les animaux (dopamine, adrénaline, mélatonine), mais le mystère demeure quant à leur utilité dans le fonctionnement organique des arbres.
Les prémices d’un changement dans notre relation à la communauté des arbres
D’après une étude de l’université de Yale, le nombre d’arbres dans le monde en 2015 a diminué de 50 % depuis les débuts de l’agriculture. Le Botanic Gardens Conservation International (BGCI) nous révèlait également en 2017 que sur 60.065 espèces différentes d’arbres, plus de 9600 étaient menacées d’extinction.
Jusqu’à présent, les arbres sont abattus sans regard pour les liens souterrains qu’ils partagent. Or, couper un arbre, c’est aussi couper une branche du système de connexion qui assure le maintien de la forêt. C’est pourquoi Ernst Zürcher soutient la notion de « foresterie naturelle », qui consiste en des coupes d’arbres intelligentes, prenant en compte les connexions qui les unissent. Cette méthode permettrait de préserver l’activité des sols, contrairement à la coupe rase qui oblige à effectuer de nouvelles plantations, en repartant de zéro.
Considérer la vie des arbres mène à des remises en question d’ordre juridique. Christopher Stone en a eu l’intuition dès 1972, lorsqu’un projet de la Walt Disney Company menaçait une forêt de séquoias en Californie. Le juriste propose dans un poignant article de reconnaître des droits aux arbres et « à l’environnement naturel dans son ensemble ». Son texte a été traduit en français et remarquablement commenté dans le livre Les arbres doivent-ils pouvoir plaider ?, des éditions Le Passager clandestin.
Par Solene Planchais, le
Source: Sciences et avenir
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Catégories: Actualités, Animaux & Végétaux
Peter Wohlleben dans « La vie secrète des arbres » soutient de manière très convaincante les mêmes thèses. Je pense en effet qu’on doit prendre conscience de la façon d’exister des forêts ancestrales et de la respecter. Nous, les humains, nous avons perdu les liens entre nous et avec la terre, mais ne forçons pas celle-ci de s’aliéner à son tour. Il est temps de ré-enchanter le monde, mais sans exagérations écolos à deux balles…
Entièrement d’accord avec vous. Le livre magnifique de Peter WOHLLEBEN m’a également entièrement convaincu sur l’intelligence des arbres et le grand respect qu’on leur doit