Malheureusement, avec le réchauffement climatique, la séparation de gigantesques blocs de glace depuis l’Antarctique ne fait que s’accroître. Mais en contrepartie, la dérive d’un immense iceberg vient de révéler l’existence d’un écosystème marin vieux de plusieurs milliers d’années. Le Daily Geek Show vous en dit plus.
Sous l’iceberg A-68
En juillet dernier, un iceberg de la taille de l’état du Delaware aux États-Unis s’est détaché du glacier Larsen C situé en Antarctique. Ce genre d’événements, la création d’icebergs, est appelé vêlage en glaciologie. Si sa taille impressionnante et la vitesse alarmante à laquelle ces gigantesques blocs de glace se détachent du continent ont fait les gros titres, l’iceberg refait parler de lui dernièrement pour une toute autre raison.
Il se trouve qu’en se détachant de la péninsule antarctique, l’iceberg A-68 a libéré près de 5 800 km² de sous-sol marin qui était jusque-là caché sous la glace pendant près de 120 000 ans.
« C’est tout simplement une zone fantastique et inconnue pour la recherche scientifique » , raconte Susan Grant, biologiste marine au sein du British Antarctic Survey (BAS). « Nous savons très peu de choses sur ce qui pourrait ou ne pourrait pas vivre dans ce type de zones, et en particulier savoir comment cela pourrait changer avec le temps » .
Une course contre la montre
Désormais, les biologistes du monde entier sont face à une course contre la montre pour explorer ce nouvel écosystème. S’ils sont suffisamment rapides à accéder à la zone désormais libérée de la glace, ils pourront étudier ce qu’il se passe là-dessous… Avant que l’écosystème préservé ne soit modifié par la perte de la glace.
Julian Gutt, écologiste marin pour l’Institut des recherches marines Alfred Weneger à Bremerhaven (Allemagne), renchérit : « Je ne peux pas imaginer un changement plus radical dans les conditions environnementales de n’importe quel écosystème sur Terre« .
Le cas de 2005
En 2005, des géophysiciens d’un programme américain en Antarctique avaient capturé des images du fond sous-marin sous le glacier Larsen B. Sur ces images, les scientifiques ont pu observer un sol tapissé d’une substance blanche, que ceux-ci ont interprété comme étant une couche de microbes se nourrissant au souffre. Ils ont également pu observer de très gros spécimens de mollusques et d’autres organismes chimiotrophiques (qui se nourrissent sans avoir besoin de la lumière du soleil).
C’était la première observation d’un écosystème chimiotrophique en Antarctique. Le problème, c’est que lorsque l’équipage du Polarstern est arrivé sur les lieux deux ans après la découverte, l’équipe de Julian Gutt n’a pu observer que des coquilles de mollusques morts ainsi qu’une couche de plantes en décomposition et des sédiments.
Il s’agit donc de ne pas reproduire la même erreur avec l’iceberg A-68.
L’espoir d’une mission rapide
Les biologistes sont au moins certains d’une chose : aucun navire commercial ne viendra perturber cet écosystème. Depuis 2016, la région du glacier Larsen C est protégée par un accord de la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique qui prévoit que toute zone de l’océan qui se retrouve soudain exposée par la chute ou le vêlage de blocs de glace devient une zone spéciale pour les études scientifiques. Ce qui interdit donc aux navires de pêche commerciale, par exemple, de pénétrer dans cette zone pendant une période de deux ans.
Le problème pour les scientifiques de l’Antarctique est qu’il faut souvent une longue période d’attente avant de pouvoir s’aventurer au pôle Sud. En général, les navires de recherches polaires sont réservés plusieurs mois à l’avance, parfois plusieurs années. Le planning est difficilement modifiable.
Il y a toutefois des chances pour que le BAS atteigne la zone avant l’été antarctique (période pendant laquelle le soleil ne se couche pas). L’agence a d’ores et déjà réalisé une proposition de mission, motivée dès juillet par le vêlage de l’iceberg, pour envoyer un navire de recherche au début de l’année 2018. La proposition est donc actuellement revue par un comité britannique.
Si cette mission est validée, ce serait la première fois que des biologistes marins seraient en mesure d’explorer un tel écosystème aussi rapidement après la cassure du glacier.
Par Corentin Vilsalmon, le
Source: Nature
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