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Ce nouvel algorithme capable de détecter les pensées suicidaires va sauver des millions de vies

Les scientifiques ont élaboré un programme informatique capable de repérer les personnes souffrant de pensées suicidaires grâce à leurs scanners cérébraux. Une méthode inédite qui pourrait considérablement améliorer le diagnostique des troubles mentaux. 

 

Un mal planétaire

Le suicide cause la mort de 800 000 personnes chaque année à travers le monde, ronge à 78 % les pays à revenus faibles et intermédiaires, et représente la deuxième cause de mortalité chez les 15-29 ans. Malgré les campagnes de prévention, les tentatives de suicide liées aux harcèlements internet et scolaire continuent de faire la une des gros titres. Un fléau que les autorités peinent à endiguer pour la simple et bonne raison qu’il n’a pas de visage : certains présenteront des signes avant-coureurs quand d’autres seront tels qu’ils ont toujours été ; certains se donneront la mort à cause de la solitude quand d’autres le feront par déception amoureuse… Il n’existe aucune vérité générale ni symptôme universel permettant d’anticiper les vagues de suicides. Mais il nous reste la médecine.

Publiée dans le journal Nature, l’étude de Marcel Just pourrait enfin changer la donne. Ce professeur de psychologie à l’Université Carnegie Mellon – et son équipe de recherche – sont parvenus à créer un algorithme unique. Leur programme informatique est capable d’identifier les personnes victimes de pensées morbides par la seule étude de leur activité cérébrale lorsqu’ils pensent à des mots tels que « mal » ou « éloge ». Une prouesse technologique sans précédent qui ne saurait concurrencer le diagnostic médical : l’algorithme restera une assistance médicale mise à la disposition des praticiens.

 

17 + 17 = 91 %

L’équipe de Just a réuni 34 personnes : une moitié d’entre elles souffrait de pensées suicidaires tandis que l’autre moitié n’en éprouvait aucune. Les volontaires ont lu une trentaine de mots – tantôt positifs (« bonheur »), tantôt négatifs (« cruauté ») et même directement liés à la mort (« suicide ») – en songeant à ce qu’ils exprimaient, pendant que les scientifiques scrutaient attentivement les réactions de leur cerveau via la technologie IRMf – l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Nos neurones réagissent de différentes manières suivant les mots auxquels nous pensons : par exemple « marteau » ne va pas suivre le même schéma que « chien ». L’étude de Just repose entièrement sur sur le « comment » plutôt que sur le « où ». Un aspect qu’avaient jusque-là négligé la plupart des études cérébrales menées dans le domaine, qui s’attachaient essentiellement à l’activation des différentes régions du cerveau.

Parmi tous les mots proposés aux candidats, 6 ont retenu l’attention de Just et son équipe : « mort », « problème », « insouciant », « bien », « éloge », et « cruauté » ont montré les différences les plus significatives entre les deux groupes. L’ensemble des résultats – à l’exception de ceux d’un participant – ont ensuite été transférés à un algorithme d’apprentissage automatique. À chaque mot, les chercheurs lui ont spécifié quel schéma neuronal celui-ci déclenchait dans chaque groupe de participants. Ils lui ont enfin soumis les résultats de la personne manquante afin qu’il prédise à quel groupe elle appartenait. La machine a obtenu 91 % de réussite. Lors d’une deuxième expérience, les scientifiques ont appliqué la même méthode pour cette fois-ci lui apprendre à distinguer les personnes ayant tenté de se suicider : 94 % de réussite.

Bluffant, mais pas mirobolant

Le neuroscientifique Blake Richards, de l’Université de Toronto, relativise la portée de cet exploit technologique : « Il y a indubitablement un socle biologique qui poussera les gens à passer à l’acte. Il y a aussi un socle biologique pour chacun des aspects de notre santé mentale. La question est la suivante : est-ce que ces bases biologiques sont suffisamment accessibles par IRMf pour développer un test fiable pouvant être utilisé en milieu clinique ? » Malgré des taux de réussite proches des 100 %, le procédé n’est pas assez rodé pour être utilisé en conditions réelles dans un établissement médical – il lui faudrait être irréprochable, parfaitement maîtrisé pour y prétendre selon Richards.

Le directeur de l’étude reconnaît volontiers que le nombre des participants est un frein à ses recherches. Malgré cela, Just reste persuadé que l’algorithme a un rôle prépondérant à jouer dans le diagnostic des pensées suicidaires, capable dans le même temps d’évaluer l’efficacité des traitements prescrits dans les troubles psychiatriques. Le professeur a les yeux tournés vers l’avenir et songe déjà à améliorer la précision de son algorithme en recourant à plus de participants, et en se focalisant sur la distinction de troubles psychiatriques spécifiques.

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