L’épidémie actuelle a conduit les autorités à lancer un appel à la mobilisation pour aider les agriculteurs à nourrir la France. La réponse massive des Français démontre les rêves de ruralité que beaucoup gardent au fond d’eux.
Un vieux rêve enfoui dans le coeur de nombreux Français
Suite à l’épidémie de Covid-19 et la fermeture des marchés et restaurants, le métier d’agriculteur est désormais devenu l’un des métiers les plus considérés. Pourtant, généralement victimes d’agribashing et dénigrés notamment parce qu’on les accuse de polluer les sols à cause des pesticides, ils sont aujourd’hui en première ligne pour nous nourrir. Toutefois, les bras manquent : Christiane Lambert, la patronne de la FNSEA (le premier syndicat agricole), affirmait qu’il fallait des personnes supplémentaires pour aller récolter les fruits et légumes de saison, ce à quoi le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a répondu en lançant un appel au patriotisme agricole des Français confinés et désoeuvrés. Le nombre de saisonniers réclamés varie en fonction des mois, selon Jérôme Volle, président de la commission emplois à la FNSEA (« 45 000 en mars, 80 000 en avril et 80 000 en mai« ).
Fait surprenant, plus de 173 000 personnes ont déjà répondu à l’appel, il y a donc pour l’instant plus de demandes que d’emplois à pourvoir. Qu’est-ce qui a poussé les Français à vouloir se ruer vers les campagnes ? Beaucoup de citadins rêvent de quitter la ville pour « se mettre au vert ». En 2019, un sondage Ifop révélait que 57 % des citadins souhaitaient partir du monde urbain pour vivre au plus près de la nature. La même étude révèle également que 41 % des Français considèrent qu’on n’accorde pas assez de place à la nature dans leurs villes. Les bouchons, la pollution peuvent pousser à prendre une telle décision. Mais certains rêvent depuis longtemps de se reconvertir, de quitter les rues bouillonnantes de Paris pour aller par exemple élever des brebis. Le désir des Français de vivre une vie plus saine pour eux-mêmes et plus respectueuse de l’environnement y est également pour beaucoup.
Un besoin de se rendre utile
Cet appel à la mobilisation rappelle des moments de notre Histoire où l’effort de tous était particulièrement demandé. Ainsi, en 1914, le président appelait les femmes, restées à l’arrière, à venir remplacer les hommes aux champs. De même, pendant la Seconde Guerre mondiale, la Women’s Land Army au Royaume-Uni mobilisait les femmes pour les travaux de ferme. Afin de permettre la mobilisation de tous, le préfet de Seine-et-Marne a décidé de faire appel à des réfugiés pour soutenir l’agriculture locale. « Ils seront rémunérés comme tous les ouvriers agricoles avec un titre de travail », a affirmé le préfet dans un tweet, et les conditions sanitaires seront garanties.
#coronavirus #agriculture
— Préfet de Seine-et-Marne (@Prefet77) March 31, 2020
Les réfugiés se sont portés volontaires. Ils seront rémunérés comme tous les ouvriers agricoles avec un titre de travail. Ils travailleront dans les conditions sanitaires garanties avec bien évidement la mise en place des gestes barrières.#TousMobilises
Cette décision affirme la volonté de beaucoup de mettre tout le monde à contribution. Cela permettra également aux supermarchés de pouvoir s’approvisionner uniquement en produits français. Cela nous amènera, à la fin de cette épreuve, à nous interroger sérieusement sur nos modes de production et la façon dont nous nous approvisionnons en produits de première nécessité.
Toutefois, cet appel a pu faire l’objet d’interrogations de la part de Français appelés à ne pas sortir de chez eux et encouragés à aller travailler à la campagne. Les autorités ont toutefois précisé que les gestes barrières seront respectés. On peut se demander également si beaucoup de personnes ayant répondu à l’appel le font réellement par envie d’aider ou simplement par désoeuvrement. La bureaucratie et les formalités administratives ont également pu empêcher certains stagiaires dans différents domaines de l’agriculture d’être mobilisés du fait de l‘incompatibilité entre le statut de stagiaire et celui de saisonnier (statut donné à tous les volontaires), alors qu’ils pourraient avoir une réelle utilité. Enfin, les rêves de campagne de certains citadins se heurtent parfois à la vision qu’ils ont malgré tout du monde rural : si 81 % des Français considéraient en 2018 que la vie à la campagne est idéale, 46 % l’associent pourtant à des territoires en grandes difficultés socio-économiques.
En période de guerre contre le coronavirus, tous les secteurs nécessitent de l’aide. L’engouement particulier des Français pour les travaux des champs renvoie à une nostalgie, peut-être héritée des générations passées, pour la vie à la campagne. Allons-nous, après l’exode rural, assister à un exode urbain ?
Par Marine Guichard, le
Source: Le Monde
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