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Commandé par de Gaulle, boudé par la France, adoré par la critique US : l’incroyable destin de L’Armée des Ombres

Plus que quelques jours pour (re)découvrir sur Netflix un chef-d’œuvre du cinéma français, longtemps méprisé dans son propre pays, rejeté pour ses choix politiques, mais redécouvert à l’étranger comme un modèle de cinéma. Un film sombre, puissant, radical, que le monde encense aujourd’hui.

Homme en imperméable assis face à plusieurs officiers dans une salle sombre, scène d’interrogatoire inspirée de L’Armée des Ombres.
Un résistant confronté à une pression silencieuse dans une salle d’interrogatoire, reflet de l’atmosphère oppressante de L’Armée des Ombres – DailyGeekShow.com / Image Illustration

Un livre né en pleine guerre, écrit pour témoigner de la Résistance à travers les mots de Joseph Kessel

C’est un fait peu connu, mais pourtant fascinant : L’Armée des Ombres, avant d’être un film, est un roman de Joseph Kessel publié en 1943. Ce livre a été écrit à la demande expresse du général de Gaulle. Le chef de la France libre avait missionné Kessel – trop âgé pour combattre – pour raconter au monde ce qu’était vraiment la Résistance française.

Le livre circule alors clandestinement dans une France occupée. Il devient un symbole littéraire de courage et de sacrifice. Vingt-cinq ans plus tard, Jean-Pierre Melville, lui-même ancien résistant, s’en empare. Il en fait un film qui ne glorifie pas, mais expose, avec une rigueur glaçante, les dilemmes moraux et les violences extrêmes vécus par les résistants.

Une mise en scène oppressante, portée par des tensions réelles entre les acteurs et le réalisateur

Dès ses premières images – les Champs-Élysées désertés sous les bottes nazies –, L’Armée des Ombres annonce la couleur. Ce ne sera ni une fresque héroïque ni un film d’action. C’est un film de silence, de regards, de peur contenue et de décisions impossibles.

Mais la tension ne se limitait pas à l’écran. Le duo Melville-Ventura était en froid depuis un précédent tournage houleux. Obligés par contrat de retravailler ensemble, leurs échanges furent strictement professionnels. Pourtant, c’est l’une des performances les plus intenses de Lino Ventura, dans le rôle du chef résistant Philippe Gerbier.

Autour de lui, un casting sobrement exceptionnel : Simone Signoret, Paul Meurisse, Claude Mann, Jean-Pierre Cassel… Tous incarnent des ombres prêtes à se sacrifier pour l’idée même de liberté, dans une ambiance où la tension se lit dans chaque regard. Pas d’effets spectaculaires ici, mais une gravité maîtrisée. Un jeu sec, digne, sans fioritures. Jamais de pathos, toujours du silence et du poids.

Un rejet initial en France, entre contexte post-soixante-huitard et malentendu idéologique

On l’oublie aujourd’hui, mais à sa sortie en 1969, le film fait un quasi-flop. À peine 1,4 million d’entrées. Dans une France post-Mai 68, marquée par la démission récente de de Gaulle, certains critiques voient dans le film une œuvre trop favorable au gaullisme.

Par conséquent, les médias de gauche l’ignorent ou le boudent. Le grand public, lui, ne suit pas non plus. Melville, pourtant habitué des succès critiques, voit son film relégué en marge. Il faudra attendre plus de 30 ans pour qu’il connaisse la reconnaissance internationale qu’il mérite.

Trente-sept ans après sa sortie, le chef-d’œuvre est enfin reconnu comme un sommet du cinéma mondial

Ce n’est qu’en 2006 que le film sort enfin aux États-Unis, dans une version restaurée. Et là, c’est le choc critique. Les journaux américains le qualifient de chef-d’œuvre absolu. Ils saluent sa rigueur, sa sobriété, son intensité dramatique rare. Il reçoit même le prix de la critique américaine, consacrant ce film longtemps ignoré en France.

Aujourd’hui, L’Armée des Ombres figure en haut de nombreuses listes des plus grands films de guerre. Mais c’est surtout un film sur le doute, la peur, l’engagement moral. Il se tient à des années-lumière des blockbusters hollywoodiens ou des films de propagande.

Si vous n’avez jamais vu L’Armée des Ombres, il est grand temps de réparer cette lacune. Et si vous l’avez déjà vu… revoyez-le. Car c’est un film qui se dévoile par couches, à la manière d’un roman noir ou d’un souvenir enfoui. Découvrez la bande annonce ci-après.

Par Gabrielle Andriamanjatoson, le

Source: AlloCiné

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