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Un peuple oublié, des cercueils en falaise et une révélation ADN qui secoue l’histoire officielle de la Chine

Pendant des millénaires, d’étranges cercueils en bois ont défié la gravité. Suspendus à flanc de falaise dans le sud de la Chine, ils ont intrigué les générations. Longtemps restée mystérieuse, cette pratique funéraire ancestrale dévoile aujourd’hui, grâce à la génétique, un récit de migrations et d’héritages oubliés.

Cercueils suspendus sur une falaise en Chine, vestiges funéraires du peuple Bo
Des cercueils suspendus à flanc de falaise dans le sud de la Chine, témoins d’un rituel funéraire unique du peuple Bo. – China News Service

Comment les cercueils suspendus ont traversé les siècles et protégé les morts

On les appelle « xuanguan« , littéralement « cercueils suspendus », et ils continuent de marquer les falaises du Sichuan, du Yunnan et du Guizhou. L’image frappe : des cercueils en bois, encastrés dans des cavités rocheuses ou fixés à même la paroi, comme si les morts cherchaient à s’élever.

Ce choix n’était pas seulement rituel. Il protégeait les corps de l’humidité et des animaux. Cette stratégie, à la fois spirituelle et pratique, fascine encore les chercheurs.

Autrefois, on pensait que cette tradition venait des montagnes reculées du sud-ouest chinois. Mais des analyses génétiques récentes ont changé la donne. La coutume des cercueils suspendus serait née sur les côtes du sud-est de la Chine, puis aurait progressé lentement vers l’ouest, suivant le cours du Yangtsé.

En effet, les études ADN permettent aujourd’hui de retracer avec précision les mouvements anciens des peuples. Ce travail révèle des connexions inattendues entre des régions que tout semblait opposer. De quoi remettre en question nos idées reçues sur les civilisations dites isolées.

Un vaste réseau funéraire reliant la Chine aux traditions d’Asie du Sud-Est

Et si cette pratique dépassait les frontières ? Des cercueils similaires ont été découverts en Thaïlande. Ce n’est pas un hasard : les génomes des défunts thaïlandais révèlent une parenté claire avec ceux retrouvés dans les falaises chinoises. Cette découverte confirme l’existence d’un vaste réseau culturel transrégional.

Les premiers adeptes de cette coutume étaient proches des ancêtres des locuteurs taï-kadaï et austronésiens. Ces familles linguistiques dominent encore aujourd’hui des régions comme Taïwan, les Philippines ou la Thaïlande. Leur lien génétique révèle une continuité culturelle bien plus vaste qu’on ne l’imaginait.

Par ailleurs, la transmission de ces rituels funéraires a probablement suivi les routes fluviales et côtières. Cela illustre la manière dont les peuples anciens échangeaient bien plus que des marchandises : des croyances, des pratiques, une vision du monde.

Des profils génétiques inattendus qui révèlent l’ouverture des sociétés anciennes

Sur le site de Wa Shi, dans le Yunnan, deux dépouilles intriguent. L’une vient du nord, près du fleuve Jaune ; l’autre montre une origine mongole. Ce ne sont pas des exceptions. Elles prouvent des contacts anciens entre régions très éloignées, probablement à l’époque de la dynastie Tang.

Même dans des communautés aux traditions fortes, les échanges et le métissage existaient. La Chine ancienne était ouverte, mouvante, connectée. Une réalité bien éloignée de l’image figée qu’on lui associe souvent.

Ces échanges à longue distance révèlent l’ampleur des circulations humaines à travers la Chine médiévale. Ce brassage a enrichi les sociétés locales, sans effacer leurs rituels.

Le peuple Bo : un héritage génétique et rituel que l’histoire n’a pas pu effacer

Les Bo, peuple à l’origine des cercueils suspendus, ont été éliminés ou assimilés de force sous la dynastie Ming. Mais leur trace n’a pas disparu. Leurs descendants vivent encore aujourd’hui dans quelques villages du Yunnan.

Ils perpétuent une autre tradition funéraire : les sépultures en grotte, très proches dans l’esprit des cercueils suspendus. Même ignorés par l’État chinois, ces groupes conservent un héritage culturel et génétique tangible — preuve qu’un peuple peut survivre dans la mémoire et le geste.

Aujourd’hui, certaines pratiques locales gardent vivante la mémoire des Bo. Ces traditions ne sont pas figées : elles s’adaptent, évoluent, mais gardent le même souffle ancien.

En somme, comprendre ces coutumes, c’est aussi redonner une place à ceux que l’histoire officielle a oubliés. Une manière de réparer, un peu, les silences de la mémoire collective.

Par Eric Rafidiarimanana, le

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