Un plongeur est tombé nez à nez avec un animal que l’on croyait disparu depuis des millions d’années : le cœlacanthe. Photographié vivant dans son habitat naturel, ce poisson préhistorique bouleverse les certitudes scientifiques. Il relance aussi l’espoir de mieux comprendre les mystères de l’évolution marine.

Un fossile vivant filmé pour la première fois dans son habitat naturel au large de l’Indonésie
Imaginez : vous plongez à plus de 120 mètres de profondeur, au large des îles Maluku, en Indonésie. L’eau est sombre, silencieuse, presque immobile. Et là, dans cette obscurité bleutée, un éclat de mouvement attire votre regard. Un poisson gigantesque, à l’allure déconcertante, nage lentement près d’une paroi rocheuse. C’est le cœlacanthe indonésien.
Longtemps considéré comme éteint depuis 70 millions d’années, ce poisson préhistorique vient d’être photographié vivant pour la toute première fois dans son milieu naturel. L’exploit revient à l’équipe d’exploration sous-marine menée par Alexis Chappuis. Ils ont immortalisé le Latimeria menadoensis grâce à un équipement de pointe, et une logistique de haute voltige.

Un animal emblématique de l’évolution : lent, massif et incroyablement rare
Le cœlacanthe, ce n’est pas qu’une relique du passé. C’est une véritable machine à remonter le temps. Avec ses nageoires charnues à l’apparence quasi-tétrapode, son corps massif de deux mètres, et son espérance de vie qui peut frôler le siècle, il semble avoir ignoré l’évolution depuis des millions d’années.
Mais ce qui frappe surtout les scientifiques, c’est son extrême lenteur biologique. Le cœlacanthe ne devient adulte qu’à 50 ans. De plus, la gestation d’une femelle peut durer jusqu’à cinq ans. Ce rythme de vie très lent le rend extrêmement vulnérable aux perturbations.
Aujourd’hui, selon l’UICN, le Latimeria menadoensis est classé comme « vulnérable ». On ne compte que quelques centaines d’individus recensés. Autant dire que chaque apparition relève du miracle.
Une expédition extrême : 125 mètres de fond, trois heures de décompression et un courant imprévisible
Ce genre de plongée ne s’improvise pas. Pour atteindre le royaume du cœlacanthe, les plongeurs doivent descendre à plus de 125 mètres, sur des pentes volcaniques abruptes, où l’eau chute à 20°C.
L’équipe d’Alexis Chappuis a dû affronter trois heures de remontée par paliers, avec une décompression à la seconde près. En parallèle, elle a géré des courants imprévisibles et une houle changeante. Ces conditions extrêmes expliquent pourquoi il a fallu attendre si longtemps pour observer le cœlacanthe dans son élément.
Mais le plus étonnant reste à venir. Deux jours après la première observation, l’équipe a revu le même individu, 30 mètres plus haut. Comment l’affirmer ? Chaque cœlacanthe possède un motif de taches latérales unique, validé ici par les biologistes marins.
Une avancée scientifique majeure et un appel à la protection des espèces oubliées
La redécouverte du cœlacanthe indonésien ne se limite pas à l’émotion de l’instant. Elle a fait l’objet d’une publication dans la revue Nature en avril 2025. Cette étude apporte des données cruciales sur l’écologie, le comportement et l’état de santé de ce poisson mystérieux.
Ce type d’observation ouvre la voie à une nouvelle génération de programmes de conservation. Cela concerne non seulement le cœlacanthe, mais aussi l’ensemble des « fossiles vivants« . Beaucoup peuplent encore nos océans, sans que nous en ayons conscience.
Car oui, l’océan reste l’un des derniers territoires vraiment inexplorés. Et si ce poisson antédiluvien, avec ses airs de dinosaure marin, nous rappelait surtout à quel point le vivant est plus résilient, surprenant et fragile que ce que l’on imagine ?
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Animaux & Végétaux, Sciences