Grâce à un réacteur à sels fondus ultra-efficace, ce cargo géant pourra parcourir les mers pendant plusieurs années sans escale. Derrière cette prouesse technique se cache une ambition stratégique. Ainsi, la Chine veut faire du thorium un pilier de sa puissance énergétique, maritime et géopolitique. Le message est clair : le pays entend s’imposer comme un leader mondial.

Un cargo propulsé par un réacteur au thorium, conçu pour voguer des années sans interruption
Et si le futur du transport maritime se jouait loin des énergies fossiles ? C’est le pari audacieux que fait la Chine. Elle présente le plus grand cargo nucléaire jamais conçu.
Le Jiangnan Shipbuilding Group a dévoilé ce monstre des mers, qui embarquera jusqu’à 14 000 conteneurs standards, soit autant qu’un porte-conteneurs de classe Panamax. Mais surtout, il fonctionnera grâce à un réacteur à sels fondus au thorium (TMSR) de 200 MW thermiques.
Concrètement, le réacteur n’entraîne pas directement les moteurs. Il fournit de l’énergie à un cycle au dioxyde de carbone supercritique (sCO2). Ce système novateur alimente une turbine qui génère 50 MW d’électricité. Par ailleurs, son rendement peut atteindre 50 %, bien au-delà des 33 % des réacteurs classiques.
Un modèle de sécurité et de sobriété technologique grâce au thorium
Le choix du thorium n’est pas anodin. Ce métal lourd, plus abondant que l’uranium, offre une réactivité plus stable et plus sûre. Le réacteur fonctionne à pression atmosphérique, ce qui réduit fortement les risques d’explosion. En cas de surchauffe, la réaction ralentit d’elle-même. Ainsi, la sécurité repose sur la physique du système, non sur des interventions humaines complexes.
Par ailleurs, la conception inclut deux boucles d’évacuation de chaleur passives, qui opèrent sans intervention. En cas de défaillance extrême, le combustible fondu s’écoule dans une chambre de sécurité. Là, il se solidifie immédiatement et bloque toute fuite radioactive. Enfin, les ingénieurs ont encapsulé le réacteur dans un module autonome de 10 ans, facile à remplacer sans ouvrir la coque. Cette architecture facilite grandement la maintenance.
Le cargo, vitrine d’une stratégie nucléaire et maritime d’ampleur
Avec ce projet, la Chine ne se contente pas d’innover. Elle affirme son ambition géopolitique. Le pays dispose de vastes réserves de thorium, notamment en Mongolie intérieure. Grâce à ces ressources, Pékin veut devenir un acteur incontournable du nucléaire de nouvelle génération.
Hu Keyi, ingénieur en chef du groupe naval, affirme que ce navire inaugure une flotte plus vaste. Un pétrolier Suezmax refroidi au plomb-bismuth et une centrale nucléaire flottante sont déjà en développement.
Ce programme ne reste pas isolé. Récemment, la Chine a franchi une étape-clé dans la filière thorium. Elle a réussi à convertir du thorium en uranium fissile dans un réacteur à sels fondus. Cette avancée confirme la faisabilité technique du concept. Ainsi, ce cargo devient le symbole visible d’une stratégie énergétique et géopolitique globale.
Une autonomie inédite pour une logistique maritime stratégique
Imaginez un navire capable de naviguer plusieurs années sans escale ni ravitaillement. Dans un monde où les routes maritimes se tendent, cette capacité change tout. Les ports deviennent des points de pression, les détroits des zones de tension. Grâce à sa technologie, ce type de cargo évolue dans des zones isolées. Il reste autonome, discret, et toujours opérationnel.
En combinant innovation technologique, efficience énergétique et autonomie logistique, la Chine pose un jalon stratégique. Ce navire dépasse le simple progrès naval. Il s’impose comme une pièce maîtresse dans la course au leadership nucléaire civil mondial.
Par Eric Rafidiarimanana, le
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