OpenAI s’apprête à lever un tabou que la Silicon Valley avait toujours soigneusement évité : autoriser les conversations érotiques, mais dans un cadre vérifié et sécurisé. Une décision inédite, assumée par Sam Altman, qui redéfinit la frontière entre technologie et intimité. Derrière cette ouverture, une question brûlante : jusqu’où une IA peut-elle comprendre, et partager, nos émotions les plus humaines ?

Une IA qui parle enfin aux adultes
OpenAI s’apprête à franchir une frontière que peu d’entreprises technologiques osaient approcher : autoriser les conversations érotiques, mais uniquement pour les utilisateurs ayant vérifié leur âge. L’annonce, confirmée par Sam Altman lui-même, pourrait marquer un tournant historique dans la relation que nous entretenons avec les intelligences artificielles.
Dans un message publié sur X, Altman a expliqué vouloir “traiter les adultes comme des adultes”. En une phrase, il vient de résumer une évolution culturelle aussi bien que technologique : permettre à l’IA d’explorer, avec tact et respect, ce que signifie être humain, y compris dans nos désirs et nos contradictions.
“Les adultes peuvent faire leurs choix”
D’ici décembre, OpenAI prévoit donc d’ouvrir l’accès à des discussions plus “matures”. L’objectif n’est pas de transformer ChatGPT en simulateur de fantasmes, mais d’accepter que l’intimité, la curiosité et le jeu émotionnel font partie de la communication humaine.
Altman résume cette nouvelle direction comme une question de confiance : si un adulte peut choisir de parler de politique, de religion ou de deuil, pourquoi ne pourrait-il pas parler d’amour, de sensualité ou de sexualité dans un cadre sécurisé ?
C’est une petite révolution culturelle : pour la première fois, un géant de la tech reconnaît que les conversations ne sont pas toutes “productives”, certaines sont simplement… humaines.
Une concurrence déjà installée sur le terrain du sensible
OpenAI n’est pas pionnier sur ce terrain glissant. Elon Musk, via xAI et son chatbot Grok, a déjà expérimenté avec des avatars 3D capables de flirter. Ces projets, souvent moqués, révèlent pourtant une réalité : il existe une demande pour une relation numérique plus sensible, plus incarnée.
Jusqu’ici, OpenAI restait prudente, presque timorée. Ses filtres draconiens rendaient ChatGPT lisse, froid, “trop propre”. Beaucoup d’utilisateurs regrettaient cette absence de naturel. Altman l’a reconnu publiquement : en voulant trop protéger, l’entreprise avait “rendu le chatbot moins agréable pour les personnes qui ne présentaient aucun risque de santé mentale”.
Résultat : retour de GPT-4o, jugé plus spontané et empathique que GPT-5. Ce rétropédalage prépare le terrain pour l’arrivée de ce “mode adulte” : plus libre, mais pas anarchique.
Le pari de l’humanisation contrôlée
Ce tournant n’est pas une dérive. Il s’inscrit dans une stratégie claire : rendre la conversation avec l’IA plus vivante sans la laisser dérailler. Pour cela, OpenAI annonce la création d’un Conseil sur le bien-être et l’intelligence artificielle, composé de huit experts en technologie et en psychologie cognitive. Leur mission : analyser les effets de ces interactions sur la santé mentale et définir les limites acceptables.
Curieusement, aucun spécialiste de la prévention du suicide n’en fait partie — un manque souligné par plusieurs observateurs. Cela rappelle que le terrain est miné : comment créer une IA capable d’érotisme sans tomber dans la dépendance affective, la manipulation ou le malaise émotionnel ?
OpenAI dit avoir les outils nécessaires pour identifier les situations sensibles. En clair, une IA qui saura quand répondre et quand écouter.
Les risques restent nombreux
Derrière la promesse d’une liberté “mature”, les zones grises demeurent.
– Psychologiques : certaines personnes risquent de développer un attachement excessif à leur IA.
– Culturelles : ce qui est toléré en France peut être illégal ailleurs.
– Éthiques : jusqu’où peut-on simuler le désir sans tromper l’utilisateur ?
Ces questions n’ont pas encore de réponses définitives. Mais elles montrent que l’IA n’est plus seulement une technologie : c’est un miroir social qui reflète nos tabous, nos désirs et nos fragilités.
La fin du chatbot aseptisé ?
En autorisant partiellement l’érotisme, OpenAI ne cherche pas à choquer, mais à rendre la machine plus humaine.
Cette évolution s’inscrit dans un mouvement plus large : la reconnaissance que les émotions, même les plus intimes, ne doivent pas être bannies du dialogue numérique.Ce n’est pas une dérive morale, c’est un test de maturité collective.
La véritable question n’est pas “ChatGPT deviendra-t-il sexy ?” mais “Sommes-nous prêts à parler à une machine sans lui mentir sur ce que nous sommes vraiment ?”
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Technologie, Robots & IA