Un fossile de 60 centimètres vient bousculer notre vision des crocodiliens préhistoriques. Dans le Montana, des paléontologues ont découvert les restes d’une espèce méconnue, minuscule, terrestre et sans doute insectivore. Un crocodile du Crétacé très loin du cliché du prédateur aquatique redoutable…

Une espèce minuscule vieille de 95 millions d’années, découverte aux États-Unis
Quand on entend « crocodile », on pense tout de suite à une bête massive, les mâchoires grandes ouvertes, tapie dans l’eau boueuse d’une mangrove. Pourtant, la nature adore les exceptions. Et le fossile découvert au Montana en fait clairement partie.
Surnommé « Elton » par ses découvreurs, ce minuscule crocodilien vieux de 95 millions d’années ne mesure que 60 centimètres de long. D’après les scientifiques, il aurait atteint 90 centimètres à l’âge adulte. Autrement dit, la taille d’un gros chat !
Ce fossile appartient à une espèce jusqu’alors inconnue : Thikarisuchus xenodentes. C’est une petite révolution, car il s’agit de la plus petite espèce jamais identifiée au sein du groupe des Neosuchia, la grande famille des crocodiles modernes. Cette découverte nous oblige donc à repenser ce que l’on croyait savoir sur les crocodiliens préhistoriques. Et ce n’est que le début.
Un crocodile terrestre et insectivore qui creusait pour survivre

Mais ce n’est pas tout. Ce qui frappe, c’est que Thikarisuchus vivait très probablement sur la terre ferme, loin des rivières et marécages qu’on associe d’habitude aux crocodiles. Plus étonnant encore, il aurait creusé des terriers pour se cacher, un comportement qu’on retrouve plutôt chez certains mammifères.
Pourquoi faire ça ? Pour survivre, bien sûr ! À cette époque, de nombreux prédateurs gigantesques rodaient dans les parages. Imaginez un dinosaure carnivore qui passe, et là, juste sous ses pieds, un petit crocodile reste tapi, attendant que le danger passe… Une scène digne d’un documentaire animalier.
Ses dents nous en disent également beaucoup. Le crâne d’Elton, qui mesure à peine 5 cm, montre une dentition très différente de celle des crocodiles chasseurs. Les chercheurs pensent qu’il était insectivore, et peut-être même partiellement herbivore.
Il devait probablement se nourrir de coléoptères, de fourmis, ou encore de racines tendres. Une stratégie alimentaire bien plus douce que celle de ses cousins carnassiers.
Cette alimentation atypique confirme qu’il ne vivait pas dans un milieu aquatique, mais plutôt dans un environnement terrestre, peut-être semi-aride ou boisé. Là encore, l’adaptation est la clé.
Une ressemblance frappante avec des crocodiles européens du Crétacé
Autre détail passionnant : Thikarisuchus ressemble beaucoup à un groupe de crocodiliens anciens appelés Atoposauridae, qu’on a retrouvés en Europe et en Asie. Eux aussi étaient petits, et ils vivaient à la même époque. Cette coïncidence soulève une vraie question : s’agit-il d’une parenté directe, ou d’une simple ressemblance ?
Alors, hasard ou lien évolutif ? En réalité, les scientifiques pensent à une évolution convergente. Cela signifie que deux groupes très différents ont fini par se ressembler parce qu’ils ont dû s’adapter aux mêmes contraintes environnementales. Par exemple : taille réduite, alimentation spécifique, vie discrète.
La nature, parfois, aime bien réutiliser ses bonnes idées. Et cette convergence illustre à quel point des espèces éloignées peuvent suivre des trajectoires similaires quand elles font face aux mêmes défis.
Cette découverte révèle une diversité insoupçonnée chez les crocodiles anciens
Finalement, ce petit fossile pourrait bien changer notre regard. Il nous rappelle que les crocodiliens anciens étaient bien plus variés qu’on ne le pensait. Ils n’étaient pas tous géants, aquatiques et carnivores.
Elton, avec sa petite taille et son mode de vie discret, incarne une autre facette de cette famille fascinante. Il montre que certains crocodiles ont exploré des stratégies bien différentes, creusant, grignotant des insectes, et vivant loin des marais.
Cette découverte ouvre la porte à de nouvelles recherches. D’autres espèces similaires ont peut-être existé ailleurs dans le monde, attendant simplement qu’un coup de pinceau dans la poussière les révèle au grand jour. C’est toute une partie de l’histoire évolutive des crocodiles qui reste à écrire.
Alors, qui sait ? Peut-être qu’en fouillant encore un peu, d’autres mini-crocodiles sortis tout droit du passé attendent d’être découverts. Et peut-être qu’eux aussi, comme Elton, changeront à jamais notre façon de voir ces reptiles d’un autre temps.
Par Eric Rafidiarimanana, le