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La justice va enfin prendre en compte l’emprise psychologique dans les cas de violences conjugales

En France, cette année, 137 femmes sont mortes sous les coups de leur compagnon

— Tiko Aramyan / Shutterstock.com

Très peu prise en considération et bien trop souvent méconnue, l’emprise occupe pourtant une place centrale au sein des violences conjugales. Ce lundi, lors de la clôture du Grenelle sur les violences conjugales, lancé le 3 septembre, le Premier ministre Edouard Philippe a présenté diverses mesures ayant pour objectif de provoquer un « électrochoc ». Parmi celles-ci, l’emprise de l’auteur des violences sur la victime sera enfin prise en compte.

LA PRISE EN COMPTE DE « L’EMPRISE PSYCHOLOGIQUE DE L’AUTEUR DES VIOLENCES CONJUGALES »

Lors du Grenelle, treize mesures judiciaires ont été retenues. Parmi elles, quatre évoquent « l’emprise psychologique de l’auteur des violences conjugales » sur la victime. Ainsi, les violences psychologiques engendrées par ces situations invivables sont enfin prises en compte de manière plus importante. Le gouvernement souhaite mieux encadrer les réponses judiciaires des victimes.

Mal connue, l’emprise est bel et bien au centre des violences conjugales. Afin de mettre en avant ce sujet, le Grenelle a mis en place un groupe de travail, codirigé par Yael Mellul, spécialiste des violences conjugales, et Hélène Furnon-Petrescu, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes à la direction générale de la cohésion sociale. Les membres de cette équipe expliquent que l’emprise est la principale cause des violences psychologiques. Les preuves ne sont pas physiques, mais elles anéantissent considérablement les capacités psychiques des victimes. Ces dernières sont emprisonnées dans une situation de laquelle elles n’arrivent pas à sortir et à en juger la dangerosité.

LEVÉE DU SECRET MÉDICAL POUR SORTIR LA VICTIME DE CETTE EMPRISE

Le Premier ministre a tout d’abord confirmé que les règles en matière de secret médical seraient modifiées et adaptées lorsque cela est nécessaire. Cette nouvelle mesure permettra aux médecins de signaler « les cas d’urgence absolue où il existe un risque sérieux de renouvellement de violence. Nous devons, lorsque cela peut sauver des vies, offrir la possibilité aux médecins de déroger au secret médical« , a expliqué Edouard Philippe. Une grande partie des médecins confirment que les victimes ont peur de se confier. En effet, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, sur 220 000 femmes victimes de violences conjugales, moins de 1 sur 5 porte plainte.

Aujourd’hui, le secret médical vise à couvrir « tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris », comme cela est expliqué dans le Code de santé publique. Afin de sauver les victimes, le médecin pourra désormais – « sans l’accord de la victime » – alerter le procureur de la République « lorsqu’il estime qu'(elle) se trouve sous l’emprise de l’auteur des violences ». Cette mesure complète celles déjà existantes concernant les mineurs et les personnes vulnérables.

Le gouvernement négocie encore avec le Conseil national de l’ordre des médecins afin de déterminer si elle deviendra une obligation ou bien un éventuel recours en cas d’extrême nécessité. Si cela est le cas, le médecin ne subira en aucun cas des poursuites disciplinaires.

LA MISE EN PLACE DE L’INCRIMINATION DE SUICIDE FORCÉ DANS LE CODE PÉNAL

Le Premier ministre a également annoncé la mise en place d’une « nouvelle circonstance aggravante pour les auteurs de violences dans le cas de harcèlement ayant conduit au suicide. Il faut mieux définir ce que recouvre dans le droit le terme de violence. » De plus, il a fortement comparé « l’emprise psychologique à un enfermement à l’air libre ». La notion d’incrimination de suicide forcé sera donc enfin inscrite dans le Code pénal. Elle fait d’ailleurs l’objet d’un réel harcèlement moral.

L’auteur des violences conjugales sera condamné à 10 ans de prison et à 150 000 euros d’amende « lorsque le harcèlement (de ce) conjoint ou (de ce) partenaire a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider ». Yael Mellul considère que cette autre mesure est « une avancée spectaculaire« . « C’est fondamental pour les victimes, car on reconnaît enfin que le harcèlement moral est aussi meurtrier que les violences physiques », ajoute-t-elle. Selon l’étude Psytel, 217 femmes se seraient suicidées en 2018 après avoir subi des violences conjugales.

Le droit de visite en détention afin d’éviter « tout risque de pression »

Enfin, parmi ces mesures, la mise en place d’une permission de visites en détention évoque également l’emprise au sein des violences conjugales. Elles seront encadrées par décret dès 2020. Ces visites permettent généralement d’entretenir les liens familiaux. Ici, cette mesure vise à prendre en considération « le lien d’emprise ou de dépendance affective » de la victime par rapport à son partenaire lorsque celui-ci est condamné pour violences conjugales ». Le gouvernement souhaite donc « éviter tout risque de pression et « réduire les risques de réitération des faits », lorsque la peine du coupable est achevée.

Ainsi, « cela ne fait pas si longtemps que l’emprise est un mécanisme identifié. Par méconnaissance, magistrats et avocats ne comprenaient pas le comportement ambivalent des victimes, susceptibles de déposer une plainte puis de la retirer », explique Isabelle Rome, haute fonctionnaire chargée de l’égalité femmes-hommes à la Chancellerie et pilote du groupe de travail sur la justice. Depuis le 1er janvier 2019, 137 femmes sont mortes sous les coups violents de leur conjoint. Des chiffres qui ne cessent d’augmenter de manière inquiétante. Edouard Philippe souhaite que ces nouvelles mesures provoquent un « électrochoc » au sein des sociétés.

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  • Ce qu’il faut c’est que la justice casse un mariage dès que des violences physiques sont avérées et prenne des mesures d’éloignement. Point.

    • il me semble que vous oubliez que nous avons affaire à deux adultes. D’autre part la Justice ne peut pas décider toute seule qu’un mariage devienne invalide en cas de violences. ce serait la porte ouverte à l’arbitraire du / de la juge. de plus, quelle solutions pour les enfants? pour ma part, en cas de violences avérées (certificats médicaux), le conjoint violent devrait perdre son autorité parentale à l’égard des enfants, être éloigné (prison) avec obligation de soins.

  • la plupart des gens ne savent pas que le conjoint violent est avant tout un pervers qui a mis en place , consciemment ou pas, toute une stratégie pour créer ce phénomène d’emprise. L’homme violent, en début de relation est une personne très gentille, attentionnée à l’égard de l’autre, prévenant, bref, le conjoint idéal. Le partenaire est très content d’avoir trouvé le conjoint idéal. Je rappelle que n’importe qui peut se faire « avoir ».Les faits de violence commencent dès qu’il sent que l’autre est bien « ferré » ( = sous emprise) quand l’autre décide de vivre ensemble, à l’occasion du mariage, ou bien à la naissance d’un enfant.Les violences sont progressives et le conjoint violent, au départ s’excuse de cette impulsivité incontrôlée… puis peu à peu se mettra en place ce type de relation de violence chaque fois que le conjoint aura besoin de s’affirmer dans n’importe quelle situation. La plupart des femmes se sentent prisonnières de ce type de relation surtout si elles ne travaillent pas ou peu ou avec un salaire insuffisant et ou se trouve dans un milieu aisé. De plus le conjoint violent est en général toujours très « séducteur » en dehors du cercle familial de telle sorte que la famille de la femme violentée ne va pas la croire. Le partenaire violent a besoin de son conjoint pour exister. Tous les types socio-économiques sont représentés.