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Virginia Hall, la femme considérée comme « la plus dangereuse des espionnes alliées » par les nazis

Une espionne américaine intrépide et munie d'une jambe de bois

Durant la Seconde Guerre mondiale, les nazis traquaient méthodiquement les résistants et les espions alliés qui les aidaient. Mais il y avait une femme que les dirigeants du Troisième Reich craignaient tout particulièrement : Virginia Hall, une espionne américaine intrépide… et munie d’une jambe de bois.

UNE ESPIONNE REDOUTABLE

Sous la France occupée, celle que les nazis surnommèrent « la femme boiteuse » organisa de nombreuses opérations de sabotage et de sauvetage, pavant la voie pour le débarquement allié en 1944. Considérée comme l’espionne la plus redoutable que le Troisième Reich ait eu à affronter, Virginia Hall fit un jour dire à Klaus Barbie, l’infâme chef de la Gestapo en poste à Lyon : « Je donnerais tout pour mettre la main sur cette Canadienne boiteuse. » Mais en dépit de leurs efforts, les nazis ne mettront jamais la main sur l’espionne.

Virginia Hall n’était pas canadienne et devait son étrange démarche à un regrettable accident de chasse qui avait nécessité l’amputation de sa jambe gauche au niveau du genou, remplacée par une prothèse en bois qu’elle surnommait affectueusement Cuthbert. L’espionne avait grandi à Baltimore, dans le Maryland, au sein d’une famille aisée, et avait terminé ses études à Paris et Vienne, devenant par la même occasion trilingue français, allemand et italien, et parlant occasionnellement le russe.

Espionne redoutable, Virginia Hall deviendra l’un des principaux ennemis de la Gestapo sous l’occupation © German Federal Archives/Wikimedia Commons

HALL PERD SA JAMBE À LA SUITE D’UN ACCIDENT DE CHASSE

Suite à l’obtention de son diplôme, Hall s’inscrivit au Service extérieur des États-Unis, impatiente de voir le monde et de servir son pays, et se vit refuser le poste qu’elle convoitait en raison de sa condition de femme. N’étant pas prête à abandonner, elle décidait de gravir lentement les échelons de l’organisation, décrochant d’abord un poste de secrétaire à l’ambassade des États-Unis à Varsovie, puis au consulat des États-Unis à Smyrne, en Turquie.

Au cours d’une partie de chasse organisée en Turquie en 1933, Hall trébucha en escaladant une clôture et se tira accidentellement une balle dans le pied, ce qui allait nécessiter l’amputation de sa jambe gauche. Se rétablissant dans le Maryland, Hall tenta à nouveau de rejoindre le service extérieur, mais reçut une nouvelle lettre de refus mettant cette fois en avant le fait qu’elle ait été amputée.

Illustration représentant l’espionne américaine en train de coder un message © CIA/Wikimedia Commons

En 1940, la jeune femme retourna à Paris, cette fois en tant que civile. Durant plusieurs semaines, elle conduisit des ambulances pour l’armée française, mais fut contrainte de se réfugier en Angleterre lorsque le pays capitula. Alors qu’elle critiquait violemment Hitler au cours d’un cocktail organisé à Londres, Hall fut interrompue par une inconnue qui lui remit une carte de visite en déclarant : « Si vous souhaitez tant mettre fin aux agissements d’Hitler, contactez-moi. »

Cette femme n’était autre que Vera Atkins, une espionne britannique qui serait la principale source d’inspiration de Ian Fleming pour le personnage de Miss Moneypenny dans la série James Bond. Chargée de recruter des agents pour le Special Operations Executive (SOE) de Winston Churchill, Atkins fut particulièrement impressionnée par la détermination sans faille de Virginia Hall, sa connaissance du territoire français et sa maîtrise de plusieurs langues.

En 1941, Hall se vit remettre de faux papiers et devint officiellement la première agente résidente du SOE en France. Se présentant comme une journaliste américaine travaillant pour le New York Post, elle se montra particulièrement efficace pour transmettre par radio des informations sur les mouvements de troupes et les postes militaires allemands et recruter un réseau d’espions et de résistants français loyaux. La mission du SOE était simple : mettre le feu à l’Europe et s’attaquer aux nazis grâce aux sabotages et à l’usage de techniques de guérilla.

HALL DEVINT OFFICIELLEMENT LA PREMIÈRE AGENTE RÉSIDENTE DU SOE SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS EN 1941

Faux papiers utilisés par Virginia Hall, alias Marcelle Montagne, en 1942 © US Gov/Wikimedia Commons

À cette époque, le milieu de l’espionnage britannique compensait le manque de sophistication technologique par la créativité : la BBC insérait des messages codés dans ses émissions, et Hall faisait de même dans les articles qu’elle envoyait au New York Post afin de fournir des informations cruciales aux dirigeants du SOE à Londres.

Comme l’explique Judith Pearson dans sa biographie consacrée à l’espionne, intitulée The Wolves at the Door : The True Story of America’s Greatest Female Spy : « Lorsqu’elle était à Lyon, Hall mettait généralement un géranium en pot sur sa fenêtre lorsqu’elle avait un message à transmettre. Le message en question pouvait être dissimulé derrière les briques d’un mur ou collé sous le verre qu’un barman vous tendait. »

En dépit de ses efforts, Barbie, dit « Le Boucher de Lyon », ne parviendra jamais à arrêter Virginia Hall © Archives du Rhône/Wikimedia Commons

Hall devint si célèbre auprès des dirigeants nazis qu’ils finirent par la surnommer « la plus dangereuse des espionnes alliées ». Lorsque Barbie et la Gestapo commencèrent à placarder des affiches dans tout Lyon afin de mettre la main sur la « dame boiteuse », Hall fut contrainte de fuir le pays en novembre 1942 et se lança dans une éprouvante marche de 80 km à travers les Pyrénées afin de rallier l’Espagne.

Une fois en lieu sûr, elle contacta par radio ses supérieurs à Londres, leur expliquant qu’elle allait bien mais que Cuthbert lui causait bien des ennuis, ce qui donna lieu à un quiproquo invraisemblable. Persuadé que Cuthbert était un informateur, le quartier général du SOE lui répondit le plus sérieusement du monde : « Si ce Cuthbert vous donne tant de fil à retordre, faites-le éliminer. »

Hall n’en avait cependant pas terminé avec les nazis. Le SOE britannique refusant catégoriquement de la renvoyer en France, elle s’engagea dès l’année suivante auprès de l’Office of Strategic Service (OSS) des États-Unis, considéré aujourd’hui comme le précurseur de la CIA. En 1944, Hall sillonnait le territoire français et organisait de nombreuses missions de sabotage afin de faciliter le débarquement allié. Selon un rapport de l’OSS, son équipe fit dérailler plusieurs trains de marchandises, détruisit quatre ponts, tua 150 nazis et en captura près de 500.

EN 1944, SON ÉQUIPE FIT DÉRAILLER PLUSIEURS TRAINS DE MARCHANDISES, DÉTRUISIT 4 PONTS, TUA 150 NAZIS ET EN CAPTURA PRÈS DE 500

Virginia Hall recevant la Distinguished Service Cross des mains du général Donovan en septembre 1945 © Wikimedia Commons

À l’issue du conflit, Hall reçut la Distinguished Service Cross, considérée comme l’une des plus hautes distinctions militaires américaines pour bravoure au combat. Elle fut d’ailleurs la seule et unique femme à recevoir ce prix au cours de la Seconde Guerre mondiale. De retour en Amérique du Nord, elle continua à travailler pour le compte de la CIA jusqu’à l’âge de 60 ans. Réputée pour son extrême discrétion, l’espionne mourut en 1982, et l’histoire veut que certains de ses proches n’aient jamais eu connaissance de sa double vie.

Pour aller plus loin, découvrez également l’histoire de Christine Granville, l’espionne favorite de Churchill qui a inspiré l’auteur de James Bond.

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