Communément appelée « l’année sans été », l’année 1816 a été marquée par le paroxysme de catastrophes durant cette période post guerres napoléoniennes. Mauvais temps, froid, mauvaise récolte, pénurie, famine, maladies comme le typhus, le choléra… tous les maux se sont manifestés un peu partout dans le monde, causant des millions de morts. Mais que s’est-il réellement passé cette année-là ?
Tout a commencé par l’éruption apocalyptique du mont Tambora
Au lendemain des guerres napoléoniennes, l’Europe essayait de s’en remettre peu à peu, tandis qu’à l’autre bout du monde, sur la péninsule de l’île de Sumbawa en Indonésie, le volcan du mont Tambora entrait en éruption en avril 1815. L’explosion était d’une ampleur sans précédent (on l’estime à 10 000 fois les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki réunies), à tel point que les conséquences ont perduré au moins 3 ans.
Déjà en 1812, des signes avaient fait leur apparition mais personne ne se doutait que la plus importante éruption volcanique de l’histoire se produira quelques années plus tard. C’est le 5 avril 1815 que le volcan s’est réellement réveillé en produisant des explosions avec un son tellement puissant qu’on pouvait l’entendre jusqu’à 2 600 km de là. Les ondes de choc ont été ressenties à plusieurs centaines de kilomètres et sur un rayon de 600 km, tandis que le noir et le froid se sont installés pendant plus de 2 jours. Les roches qui se sont détachées, effondrées et expulsées en mer ont été si volumineuses qu’elles ont créé des tsunamis avec des vagues hautes de 4 mètres.
Une perturbation climatique spectaculaire
1816 a été le pic de la manifestation des conséquences de l’éruption du mont Tambora avec une importante perturbation climatique. Suite à la projection du soufre qui a produit 100 millions de tonne d’aérosol en haute atmosphère pendant l’éruption, l’albédo (pouvoir réfléchissant) atmosphérique a en effet été très perturbé. Résultat : l’énergie lumineuse du soleil a été réfléchie et renvoyée dans l’espace, ce qui a entraîné une baisse de température mondiale allant jusqu’à 0,7 °C.
• Une vague de froid a alors déferlé sur la moitié nord du globe, de l’Europe occidentale jusqu’en Amérique du Nord, privant ainsi plusieurs contrées d’un été chaud et ensoleillé.
• Aux États-Unis, les habitants ont dû faire face à un froid si intense avec des gelées fréquentes que même des chutes de neige ont été recensées jusqu’au mois de juin dans le Maine et aux environs de New York. De la glace a même été observée dans les lacs en juillet et août en Pennsylvanie.
• Dans la partie est, un brouillard sec a persisté dès le printemps, ce qui a atténué la lumière du soleil. En Europe, le froid s’est abattu et de fortes pluies ont été constatées surtout en France et dans la ville de Genève.
• En Asie, notamment en Chine, le climat a été également désastreux durant cette période : des chutes de neige en plein été et une température saisonnière qui a diminué de 2 à 3 °C par rapport à la normale. À Taïwan, les routes ont été couvertes de glace durant l’hiver à cause des chutes de neige anormalement abondantes.
L’année 1816 a été marquée par la disette
Dès le début du XIXe siècle, les récoltes ont été médiocres, surtout en Amérique du Nord, suite aux éruptions volcaniques qui se sont succédé durant cette période. C’est après l’éruption du mont Tambora que la situation s’est considérablement empirée : non seulement 1816 était une année de catastrophe agricole, mais les épidémies ont également été très présentes.
En Amérique, les cultures ont beaucoup souffert du temps hivernal, les routes étaient impraticables et le chauffage difficile à trouver. Le prix des céréales et de l’avoine a grimpé en flèche passant de 1,68 dollar à 13,86 dollars. Face à une telle hausse de prix, de nombreuses familles dans le besoin ont été obligées de mendier leur nourriture.
En Europe, des cultures ont également été détruites dans de nombreuses villes. Une pénurie alimentaire est survenue, et des émeutes ont éclaté au Royaume-Uni, en France et en Allemagne. Cette période sombre a été marquée par des pillages sanglants, tandis qu’en parallèle, le typhus s’était propagé en Irlande entre 1816 et 1819.
En Chine, le froid était si intense qu’il a tué la récolte de riz, mais aussi des arbres et des animaux comme le buffle d’eau. Dans certaines régions, la famine a même duré 3 ans. Les récoltes et les cultures restantes ont été ravagées par des inondations accablantes. En Inde, le choléra s’est propagé à cause des pluies torrentielles tardives.
Une très mauvaise année empirée par un lourd bilan de pertes humaines
Tout le monde s’accorde à dire que l’année 1816 a été une véritable année de malchance : ce n’est pas pour rien qu’elle a hérité des surnoms de l’« année de la pauvreté » ou de « dix-huit cent quatre-vingt-dix morts ». Déjà durant les guerres napoléoniennes, les pertes humaines étaient considérables, mais les catastrophes qui ont suivi l’éruption du Tambora ont entraîné la mort de plusieurs milliers de personnes supplémentaires et nul ne connait exactement le bilan humain de cette période.
À elle seule, l’éruption du Tambora qui a eu lieu en 1815 a réalisé le plus lourd bilan humain pour une catastrophe naturelle de ce genre, car l’événement a entraîné la mort de 10 000 personnes d’après une estimation de l’époque. Aujourd’hui, le bilan est plus lourd encore, car l’estimation varie de 70 000 à 90 000 victimes. Quant à la série de catastrophes qui s’est abattue sur le monde, on estime que le nombre de victimes de l’épidémie de typhus en Irlande a atteint 100 000 morts. Enfin, d’après un documentaire de la BBC, le nombre de décès de l’année 1816 s’est élevé à 200 000, soit un taux de mortalité deux fois supérieur au taux normal de l’Europe.
Malgré ces multiples désastres, dans le milieu culturel, l’année sans été a été une source d’inspiration pour certains auteurs comme la romancière Mary Shelley ou encore le poète Lord Byron : ils ont pu créer leurs chefs-d’œuvre Frankenstein et le poème « Ténèbres ».