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145 000 euros le drone : comment l’armée américaine échoue à copier une arme ukrainienne à 800 euros

Quand un drone western coûte plus cher que 140  armées de drones ukrainiens, faut creuser…

Comparaison entre un drone artisanal improvisé et un drone militaire américain sophistiqué
À gauche, un drone de guerre bricolé avec les moyens du bord ; à droite, un drone américain dernier cri : deux approches radicalement différentes de la technologie. © DailyGeekShow.com

Sur les champs de bataille modernes, les drones sont devenus les kalachnikovs du XXIe siècle. Faciles à fabriquer, bon marché, mortels : les FPV (first-person view = vue à la première personne) font des ravages en Ukraine, en Syrie, et désormais à Gaza. L’armée américaine, toujours à l’affût des dernières tactiques de ses adversaires, a tenté de s’en inspirer. Mais entre la version artisanale ukrainienne et le prototype high-tech de Washington, il y a un gouffre… budgétaire.

Un drone ukrainien coûte souvent moins de 1 000 €. Le modèle américain, lui, atteint… 145 000 € pièce. Comment expliquer un tel écart ? Est-ce une simple question de technologie, ou le symptôme d’un système incapable de produire vite, bien et pas cher ?

Le modèle américain s’inspire des FPV ukrainiens… mais avec une surcharge technologique

À Kiev, à Moscou ou à Téhéran, les drones FPV s’achètent comme des pièces détachées de scooter. Certaines versions coûtent à peine 800 €, montées dans des garages ou des ateliers militaires, parfois avec des composants achetés sur AliExpress.

Drone artisanal équipé d’un obus attaché avec du ruban adhésif, volant en plein ciel
Représentation réaliste générée par intelligence artificielle : ce type de drone, construit pour moins de 1 000 euros, est utilisé dans certains conflits pour des frappes ciblées. © DailyGeekShow.com

Face à cette efficacité redoutable, les États-Unis ont lancé en 2023 le programme LASSO, directement inspiré des FPV ukrainiens. Ils ont voulu développer un drone capable de détruire des véhicules blindés à 20 kilomètres de distance, tout en assurant un déploiement rapide depuis un tube de lancement.

Contrairement aux modèles ukrainiens, le LASSO intègre des capteurs infrarouges, des caméras thermiques et un système de guidage de pointe. Forcément, ces ajouts font exploser le prix, qui grimpe jusqu’à 145 000 € l’unité, d’après Forbes.

Un bijou technologique… mais un cauchemar industriel à grande échelle

En Ukraine, un drone FPV fonce vers sa cible et explose. C’est rustique, mais ça marche. Le LASSO, de son côté, embarque toute la sophistication du Pentagone, sans faire appel à des composants chinois bon marché et en étant produit sur le sol américain, où la main-d’œuvre coûte cher.

Les États-Unis ne comptent produire que 294 exemplaires. En misant sur cette technologie complexe, ils s’éloignent de la logique de production de masse qui fait la force des armées ukrainienne et russe. C’est un peu comme si on voulait équiper une armée avec des Rolls Royce en pleine guerre de tranchées.

Et au fond, cela pose une question presque philosophique : dans une guerre où l’on perd des drones par centaines chaque semaine, faut-il viser la précision ultime ou la reproductibilité ? L’Ukraine montre que la simplicité peut l’emporter, car un drone qui arrive au bon endroit au bon moment — même s’il n’est pas parfait — peut faire la différence. Cette approche pragmatique contraste fortement avec la logique d’excellence technologique américaine, souvent déconnectée du terrain.

Les PBAS : une tentative plus réaliste pour coller au modèle ukrainien

L’armée américaine semble l’avoir compris. En parallèle du programme LASSO, elle développe les PBAS (Purpose Built Attritable System). Ces drones sont plus simples, non réutilisables, et conçus pour être sacrifiés sur le champ de bataille. En somme, on revient à l’esprit FPV : frapper, puis disparaître.

Ils sont vendus en kits : un écran, des lunettes FPV, une télécommande, et six drones pour 30 000 €. À ce tarif, chaque drone revient à environ 5 000 €, ce qui reste élevé, mais bien plus abordable. D’ailleurs, 1 057 kits ont déjà été commandés, preuve que l’état-major cherche à rationaliser ses choix.

Cette approche marque un tournant stratégique : plutôt que de viser le drone parfait, les États-Unis misent ici sur un équilibre entre fonctionnalité, coût et rapidité de déploiement. C’est une façon de reconnaître que dans un conflit asymétrique, la capacité à réagir vite — et souvent — vaut parfois plus que la supériorité technique.

La course à la production : le vrai défi des États-Unis

Avec LASSO, les États-Unis prouvent qu’ils savent créer du matériel redoutable. Mais avec les PBAS, ils admettent que la guerre moderne exige aussi des volumes. Des drones jetables, rapides à produire et suffisamment efficaces : voilà l’équation à résoudre.

Le vrai pari, aujourd’hui, consiste à transformer l’industrie militaire américaine. Elle devra produire plus vite, à moindre coût, tout en conservant un niveau de fiabilité élevé. Ce ne sera pas simple, mais c’est nécessaire si les États-Unis veulent rester dans la course.

Par Eric Rafidiarimanana, le

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