Du mélomane expérimenté au simple amateur de musique, chacun est capable de ressentir les sentiments véhiculés par une mélodie. Mais alors, d’où vient cet amour du rythme et des sonorités ? Le DGS vous en dit plus sur la passion humaine pour la musique.
D’un point de vue évolutif, il n’y a aucune raison pour que la musique nous fasse ressentir des émotions. Pourquoi nos ancêtres auraient-ils prêté attention à la musique ? Celle-ci n’est tout simplement pas nécessaire à la survie comme peuvent l’être la peur ou la joie, qui permettent respectivement de survivre à la dangerosité du monde et de s’adapter aux relations sociales. L’appétence humaine pour la musique pourrait donc n’être qu’un accident de l’évolution.
Selon le neuroscientifique Robert Zatorre de l’université McGill, « le sens de la musique pourrait avoir évolué chez l’Homme de façon hasardeuse, mais une fois qu’il s’est développé, il est devenu très important ». Car des études ont montré que lorsque nous écoutons de la musique, notre cerveau libère de la dopamine, molécule qui nous rend heureux. En conséquence, la musique, à travers les tons et les rythmes, active des zones du cerveau similaires à la joie.
Cela peut expliquer pourquoi nous aimons tant la musique, mais n’explique pas pourquoi nous avons développé cette appétence en premier lieu. En règle générale, notre cerveau libère de la dopamine lorsque nous avons un comportement qui est essentiel à la survie (comme les rapports sexuels ou le fait de manger) et cela a donc un sens : c’est une adaptation qui nous encourage à adopter ces comportements nécessaires. Mais la musique n’est pas essentielle de la même manière.
GÉNÉRALEMENT, NOUS N’AIMONS PAS LES STYLES DE MUSIQUE AVEC LESQUELS NOUS NE SOMMES PAS FAMILIERS
« La musique engage le même système [de récompense], même si elle n’est pas biologiquement nécessaire à la survie », selon Robert Zatorre. Une possibilité, selon le chercheur, est que notre amour de la musique résulte de notre appétence des schémas. Car nous avons vraisemblablement évolué pour reconnaître des schémas, associant, il y a des milliers d’années déjà, un bruit provenant d’un buisson à la présence d’un prédateur. Ainsi, lorsque nous écoutons une musique, nous anticipons constamment les mélodies et les rythmes qui la composent : « Donc, si j’entends une progression d’accords, je saurai probablement quel sera l’accord suivant, c’est une prédiction », selon Zatorre. « Cela est basé sur mon expérience passée. »
C’est pourquoi nous n’aimons généralement pas les styles de musique avec lesquels nous ne sommes pas familiers : lorsque nous ne connaissons pas un style de musique, nous ne disposons pas d’une base pour prédire ses schémas. Nous ne pouvons pas prédire les tendances musicales et nous nous ennuyons. A travers nos cultures, nous apprenons quels sons constituent la musique et le reste n’est que du bruit aléatoire. Ces précisions peuvent expliquer pourquoi nous ressentons de la joie en écoutant de la musique, mais n’expliquent pas toutes les autres gammes d’émotions que la musique peut produire.
Lorsque nous écoutons un morceau de musique, son rythme se verrouille sur nous dans un processus appelé « entraînement ». Si la musique est rapide, nos battements de coeur et notre respiration vont accélérer au rythme du tempo. Ceci peut alors être interprété par le cerveau comme de l’excitation. Ainsi, la recherche a montré que plus la musique nous est plaisante, plus le niveau d’entraînement est élevé.
Une autre hypothèse est que la musique se verrouille sur les régions du cerveau liées à la parole, qui véhicule toutes nos émotions. Selon Jean-Julien Aucouturier, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), « il est logique que nos cerveaux génèrent des émotions dans la parole ». Car il nous est essentiel de comprendre si ceux qui nous entourent sont heureux, tristes, en colère ou effrayés. Une grande partie de cette information est contenue dans le ton généré par le discours d’une personne. Ainsi, les voix plus aigües nous paraîtront plus heureuses, par exemple.
La musique peut alors être perçue comme une version exagérée de la parole. Tout comme les voix plus aigües et rapides connotent l’excitation, il en est de même pour les musiques plus rapides et au rythme plus soutenu. Jean-Julien Aucouturier va même plus loin et octroie à la musique un pouvoir plus fort que les sonorités de la voix d’une personne : « Quel que soit le niveau de bonheur que je peux transcrire dans ma voix, un piano, un violon ou une trompette peuvent le faire 100 fois plus » car ces instruments peuvent produire une gamme bien plus grande de notes que la voix humaine. Et parce que nous avons tendance à refléter les émotions que nous entendons chez les autres, si la musique imite un discours heureux, alors l’auditeur deviendra heureux aussi.
Ces explications sur le pouvoir de la musique sur l’Homme sont incroyables. Car l’évolution joue un immense rôle dans cette appétence des sonorités et des mélodies, mais les goûts sont également importants. Si ce type d’explications comportementales vous intéresse, découvrez également comment mieux communiquer avec les chats en décodant leurs attitudes.