Organisation paramilitaire pionnière composée uniquement de femmes pilotes, le Women Airforce Service Pilots comptait près de 1 000 membres en 1943. Retour sur l’histoire de ces femmes courageuses chargées de convoyer les avions et de transporter les officiels à travers les États-Unis, qui risquèrent leur vie pour leur pays et furent injustement oubliées de l’Histoire durant des décennies.
UNE CONTRIBUTION CRUCIALE
L’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale à la suite de l’attaque de Pearl Harbor déclenche la mise en place d’une nouvelle politique de rationnement. La nourriture et le matériel sont distribués avec soin, et la demande de pilotes dépasse rapidement le personnel disponible. En 1942, l’US Air Force se rend compte qu’elle va devoir engager et former de nouvelles unités pour poursuivre sa campagne.
Jacqueline Cochran a la solution : pilote émérite et contemporaine d’Amelia Earhart, cette dernière sait qu’un grand nombre de femmes possèdent des licences de pilote et peuvent être recrutées pour des missions de soutien. Elle demande au général de l’US Air Force Henry Harley Arnold d’approuver son programme de formation qui utilisera les installations d’Avenger Field au Texas. Une autre pilote, nommée Nancy Harkness Love, soumet également une proposition similaire.
Cochran et Love se heurtent à une forte résistance. Peu de généraux sont disposés à impliquer des femmes dans des opérations militaires d’envergure et Dwight D. Eisenhower admettra quelques années plus tard qu’il était « violemment contre cette idée », avant de concéder que ces femmes avaient joué un rôle important dans la réussite du programme de l‘US Air Force.
En interne, on se demande si ces femmes seront capables de manipuler des avions massifs comme le bombardier B-29. Deux organisations distinctes composées uniquement de femmes pilotes sont finalement créées en 1942.
Love s’occupe de l’escadron auxiliaire féminin de convoyage, une organisation chargée de convoyer des avions sur le territoire américain, tandis que Cochran supervise le détachement féminin d’entraînement au pilotage. Moins d’un an plus tard, ces deux groupes sont fusionnés en une seule et unique organisation : le fameux WASP.
Ce nouveau groupe exige que les femmes qui postulent aient au moins 35 heures de vol au compteur avant de venir à Avenger Field. Plus important encore, celles-ci seront considérées comme des pilotes civiles, et non comme des membres à part entière du corps militaire.
Près de 25 000 femmes posent leur candidature. Environ 1 900 d’entre elles sont acceptées et 1 100 terminent leur formation. À leurs propres frais, ces femmes arrivent en nombre au Texas pour commencer un programme de sept mois qui leur enseignera les principaux aspects du pilotage d’avions militaires, à l’exception du tir d’artillerie et du vol en formation.
Ces longues journées de formation comprennent des leçons de vol intensives, un entraînement physique poussé et de nombreuses heures de cours théoriques. Les appareils qu’elles pilotent étant conçus pour des hommes, ces dernières sont souvent obligées d’utiliser des coussins afin d’atteindre plus facilement les commandes. Le soir venu, les femmes dansent, chantent ou jouent au ping-pong.
Les diplômées sont ensuite envoyées aux quatre coins du pays afin de rapatrier les milliers d’avions fraîchement sortis d’usine sur la côté Est, d’où ils prendront leur envol pour rejoindre l’Europe. Elles transportent également les aumôniers militaires de base en base afin que ces derniers assurent les services religieux et effectuent des vols d’essai avec les avions réparés afin de s’assurer qu’ils sont opérationnels. Parfois, elles sont aussi chargées de remorquer des cibles derrière leurs appareils afin que les soldats puissent s’entraîner au tir à balles réelles.
Lors de leurs manœuvres, les WASP ne sont malheureusement pas à l’abri d’un dysfonctionnement mécanique ou de problèmes de carburant. Au cours des deux années d’activité de l’escouade, 38 femmes périssent durant la réalisation de leurs missions. À l’époque, leurs familles se voient refuser bon nombre des privilèges de base accordés à celles de leurs homologues masculins.
Lorsqu’une WASP meurt, ce sont ses collègues, et non le gouvernement américain, qui se cotisent afin de payer son enterrement, et sa famille n’est pas autorisée à recouvrir son cercueil du drapeau américain, comme le veut la coutume pour les militaires.
Le 20 décembre 1944, les WASP sont renvoyées chez elles. La guerre n’est pas encore terminée, mais les hommes qui reviennent du front européen sont consternés en découvrant que les emplois qu’ils s’attendent à retrouver sont occupés par des femmes. Cochran rédige une pétition afin que les WASP fassent partie de façon permanente de l’US Air Force, mais celle-ci est rejetée par le Congrès américain.
La fierté que ces femmes ont ressentie en servant leur pays se transforme peu à peu en rancœur. En étant considérées comme des « pilotes civiles » et destituées de leur poste, les WASP ont beaucoup de mal à retrouver du travail au sortir de la guerre. À l’époque, aucune compagnie aérienne commerciale n’embauche de femmes pilotes, et certaines d’entre elles sont même contraintes de devenir hôtesses de l’air.
Nouvel affront dans les années 1970, lorsque l’US Air Force annonce qu’elle va accepter les recrues féminines pour « la première fois de son histoire ». Une déclaration qui irrite les anciennes WASP, qui ont la désagréable impression que le gouvernement souhaite les effacer complètement de l’Histoire.
Les choses changent le 23 novembre 1977 lorsque le sénateur Barry Goldwater leur accorde finalement le statut militaire, après que les dossiers du WASP ont été déclassifiés. En 1984, chaque membre de l’organisation reçoit la World War II Victory Medal, et le 1er juillet 2009, le Congrès américain et le président Obama leur décernent la médaille d’or du Congrès. Une véritable victoire et un juste retour des choses pour ces femmes qui ont servi leur pays avec courage durant la Seconde Guerre mondiale, en pilotant 77 types d’appareils différents et en parcourant plus de 60 millions de kilomètres.
Pour aller plus loin, découvrez également Amelia Earhart, l’aviatrice de tous les records qui a mystérieusement disparu.