La vitesse de la lumière via Shutterstock
Depuis qu’il scrute les étoiles, l’Homme rêve de s’affranchir de l’attraction terrestre et de voguer vers d’autres cieux. Et si pour l’instant, les lois de la physique l’empêchent de voyager plus vite que la lumière, il existe tout de même certains cas où cette barrière infranchissable n’a plus cours. SooCurious vous présente ces incroyables exceptions aux lois élémentaires.
Albert Einstein a assurément révolutionné la physique, et plus largement, la science. Il a notamment été le premier à dire que la lumière voyage à la même vitesse partout dans l’univers, à un peu moins de 300 000 000 de mètres par seconde, soit assez vite pour faire 8 fois le tour de la Terre en une seconde.
Avant les théories du génie, la masse et l’énergie étaient considérées comme deux entités différentes. Mais en 1905, Einstein changea à jamais la vision des physiciens sur l’univers. Ainsi, sa théorie de la relativité restreinte de 1905 lia la masse et l’énergie dans l’équation désormais universelle : E=mc². Celle-ci implique notamment qu’aucun objet disposant d’une masse ne peut se déplacer plus vite, ni même aussi vite, que la lumière.
Bien sûr, la curiosité de l’Homme et son irrésistible quête de savoir le poussèrent à tout de même relever le défi. Ainsi, la vitesse la plus proche de celle de la lumière jamais atteinte sur Terre le fut dans de puissants accélérateurs de particules, comme le Grand collisionneur de hadrons, en Suisse, ou le Tevatron, dans l’Etat américain de l’Illinois.
Le Grand collisionneur de hadrons, en Suisse
Là encore, la théorie de la relativité restreinte s’avéra exacte, puisque les colossales machines ne purent accélérer les particules subatomiques au-delà de 99,99 % de la vitesse de la lumière. Certains éminents scientifiques, parmi lesquels le prix Nobel de physique David Gross, expliquèrent alors que ces particules n’atteindraient jamais la barrière cosmique de la vitesse de la lumière. Et pour cause : cela aurait nécessité une énergie infinie et aurait poussé la masse d’un objet à un niveau infini également, ce qui est théoriquement impossible. En effet, les seules particules à pouvoir atteindre la vitesse de la lumière sont les particules de la lumière elle-même, les photons, qui n’ont pas de masse.
Depuis Einstein, les physiciens ont trouvé certaines entités qui peuvent atteindre la vitesse supraluminique (plus rapide que la lumière) et respecter tout de même les règles cosmiques énoncées par la relativité restreinte. Tout en respectant la théorie d’Einstein, ces phénomènes nous donnent un aperçu du comportement étrange de la lumière et du royaume quantique.
David Gross
La lumière équivalente à un bang supersonique
Lorsque des objets voyagent plus vite que le son, ils produisent un bang supersonique. Donc, en théorie, si quelque chose voyage plus vite que la lumière, il produit un « bang lumineux ». En réalité, cela se produit quotidiennement dans le monde et il est même possible de l’observer avec des yeux humains. C’est ce qu’on appelle « l’effet Tcherenkov », un phénomène similaire à une onde de choc. C’est notamment cet effet qui provoque la luminosité bleue de l’eau entourant le coeur d’un réacteur nucléaire.
L’effet porte le nom du physicien russe Pavel Tcherenkov, qui l’a mesuré en 1934. C’est aussi lui qui a prouvé que la radiation produite était indépendante de la composition du liquide. Pour ses découvertes sur cet incroyable phénomène, le scientifique a même remporté le prix Nobel de physique en 1958.
Pavel Tcherenkov
L’effet Tcherenkov rayonne parce que le coeur du réacteur nucléaire est plongé dans l’eau pour le garder froid. Or, dans l’eau, la lumière voyage à 75 % de sa vitesse dans le vide. Les électrons créés par la réaction à l’intérieur du coeur, eux, voyagent dans l’eau plus vite que la lumière ne le fait. Ce faisant, ils créent une onde de choc similaire à celle d’un bang supersonique.
Quand une fusée, par exemple, voyage dans l’air, elle génère des ondes de pression devant elle qui s’échappent à la vitesse du son. Plus la fusée s’approche du mur du son, moins les ondes ont à s’échapper du chemin de l’objet. Une fois que la fusée a atteint le mur du son, les ondes s’entassent pour créer une onde de choc qui crée un bruyant bang supersonique.
L’effet Tcherenkov dans l’eau entourant un coeur de réacteur nucléaire
De la même manière, quand des électrons voyagent dans l’eau plus vite que la lumière dans l’eau, ils génèrent une onde de choc qui reluit parfois en une lumière bleue, mais peut aussi s’illuminer en ultraviolet. Alors que ces particules voyagent plus vite que la lumière ne le fait dans l’eau, elles ne dépassent pas réellement la vitesse absolue de la lumière, mais tout du moins sa vitesse dans l’eau.
Lorsque les règles physiques ne s’appliquent plus
Il faut garder en tête que la théorie d’Einstein sur la relativité restreinte établit que rien avec une masse ne peut dépasser la vitesse de la lumière. Et pour autant que les scientifiques le sachent, l’univers répond à cette règle. Mais qu’en est-il de quelque chose sans masse ? Les photons, de par leur nature, ne peuvent dépasser la vitesse de la lumière, mais ces particules ne sont pas les seules entités sans masse de l’univers. L’espace vide ne contient aucune substance et par définition, n’a pas de masse.
Michio Kaku
« Puisque « rien » n’est que de l’espace vide, il peut s’étendre plus vite que la lumière si aucun objet matériel ne dépasse la vitesse de la lumière », selon l’astrophysicien Michio Kaku. « Par conséquent, l’espace peut certainement s’étendre plus vite que la lumière. » C’est ce que les physiciens pensent qu’il s’est produit immédiatement après le Big Bang durant ce qu’on appelle l’inflation cosmique, dont l’hypothèse a été émise en premier par les physiciens Alan Guth et Andrei Linde dans les années 80. Durant un fraction de seconde, l’univers a doublé de volume de manière répétée et finalement, sa barrière externe se serait étendue très vite, plus vite que la vitesse de la lumière.
L’intrication quantique
L’intrication quantique est une notion complexe. En clair, il s’agit d’un phénomène observé en mécanique quantique lors duquel deux objets, même séparés par de grandes distances spatiales, doivent être considérés comme un système unique. Ainsi, d’après la théorie quantique, même en séparant deux électrons à plusieurs centaines ou même milliers d’années-lumière l’un de l’autre, ils continueront de communiquer par un pont ouvert.
Un atome via Shutterstock
« Si je secoue un électron, l’autre « ressent » cette vibration instantanément, plus vite que la vitesse de la lumière, selon Michio Kaku. Einstein pensait que cela réfutait la théorie quantique, puisque rien n’est censé voyager plus vite que la lumière. » En réalité, en 1935, Einstein, Boris Podolsky et Nathan Rosen ont tenté de réfuter la théorie quantique avec une expérience théorique sur ce qu’Einstein avait appelé « les actions fantômes à distance ».
Ironiquement, leur article jeta les bases de ce qu’on appelle aujourd’hui le paradoxe d’EPR (Einstein, Podolski, Rosen) qui décrit cette communication instantanée de l’intrication quantique – une partie intégrante de certaines des technologies les plus avant-gardistes du monde, comme la cryptographie quantique.
Les trous de ver
Puisque rien disposant d’une masse ne peut voyager plus vite que la lumière, il est exclu de voyager à la manière du film Interstellar, au moins dans l’utilisation commune des fusées ou dans la pratique du vol spatial. Et même si Einstein a piétiné les rêves humains de voyager à travers l’espace lointain avec sa théorie de la relativité restreinte, sa théorie de la relativité générale, en 1915, offre un nouvel espoir pour les voyages interstellaires.
Alors que la relativité restreinte lie la masse et l’énergie, la relativité générale associe l’espace et le temps ensemble. Michio Kaku explique donc que « la seule manière viable de briser la barrière de la lumière serait à travers la relativité générale et la déformation de l’espace-temps ». Cette déformation est ce qu’on appelle familièrement un « trou de ver », qui permettrait théoriquement de voyager à travers de vastes distances instantanément et de briser ainsi la vitesse limite cosmique.
Un trou de ver
Un trou de ver via Shutterstock
En 1988, le physicien Kip Thorne, producteur exécutif et consultant scientifique pour le film Interstellar, a utilisé les équations d’Einstein de la relativité générale pour émettre la possibilité d’apparition de trous de ver qui seraient constamment ouverts pour des voyages spatiaux. Mais pour être traversables, ces trous de ver nécessitent d’être gardés ouverts par une matière étrange.
« Désormais, c’est incroyable mais cette matière exotique peut exister grâce à des bizarreries dans les lois de la physique quantique », d’après les propos de Kip Thorne dans son livre « La Science d’Interstellar ». Et cette matière exotique a même été créée en laboratoires sur Terre, mais en très petites quantités. Et lorsque Thorne a proposé sa théorie des trous de ver stables en 1988, il a appelé la communauté scientifique à l’aider à déterminer si assez de matière exotique pourrait exister dans l’univers pour supporter la possibilité d’un trou de ver.
« Cela a déclenché beaucoup de recherches par un grand nombre de physiciens. Mais aujourd’hui, près de trente ans plus tard, la réponse est encore inconnue », selon le physicien. A l’heure actuelle, cela ne semble cependant pas en bonne voie, mais « nous sommes encore loin d’une réponse définitive » selon Thorne.
Ces phénomènes et théories qui permettent d’atteindre la vitesse supraluminique sont réellement intrigants. Mais ils permettent surtout d’en apprendre toujours davantage sur la vitesse de la lumière, qui apparaît aujourd’hui comme une barrière physique infranchissable. Reste que l’Homme a toujours éprouvé une irrépressible envie de briser les limites de son environnement et de surpasser ses capacités. Dès lors, rêver à des voyages spatiaux à l’autre bout de l’univers n’apparaît plus si utopique. Si le cosmos vous intéresse, découvrez également 21 faits sur l’espace qui vous feront réaliser l’insignifiance de l’Homme.
Par Maxime Magnier, le
Source: Techinsider
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