Menée au Botswana sur une période de quatre ans, cette nouvelle étude a montré que les bovins portant des marques d’yeux peintes sur le postérieur étaient moins susceptibles d’être tués par des prédateurs.
Protéger à la fois le bétail et les prédateurs
Dans le nord du Botswana, garder son bétail en vie n’a rien de simple. Les fermiers de la région du delta de l’Okavango sont régulièrement confrontés à des scènes de carnage dans leurs pâturages, généralement provoquées par un lion ou un léopard en maraude. En représailles, les éleveurs peuvent être amenés à abattre les prédateurs ou à les empoisonner, ce qui contribue à la perte d’habitat et alimente inexorablement leur déclin : en Afrique, la population de lions africains est en fait passée de 100 000 dans les années 1990 à entre 23 000 et 39 000 en 2016.
Mais comme le montrent ces travaux récemment publiés dans la revue Communications Biology, le simple fait de peindre des yeux sur le postérieur des bovins pourrait représenter une solution efficace pour dissuader les prédateurs de les attaquer. Le concept est assez simple : Les lions et les léopards sont ce que les écologistes appellent des prédateurs en embuscade, ce qui signifie que leur stratégie repose en grande partie sur l’effet de surprise. Selon les auteurs de l’étude, lorsque ces derniers sont repérés, ils abandonnent souvent complètement la chasse.
Après que l’expérience initiale à petite échelle a montré que des yeux peints sur le postérieur des vaches pourrait fonctionner, l’écologiste Neil Jordan et ses collègues se sont lancés dans un étude de plus grande envergure au Botswana. Pendant quatre ans, les chercheurs ont suivi plus de 2 000 bêtes issues de 14 troupeaux. Des motifs d’yeux ont été peints à l’acrylique sur un tiers du bétail, le second n’a reçu que des marques de croix, tandis que le dernier n’a pas été marqué. « Nous avons cherché à influer sur la réponse des prédateurs afin de réduire les pertes, et ainsi potentiellement protéger les lions et le bétail », explique Jordan.
Des résultats probants
Bien que l’ensemble des bovins aient évolué dans des zones de pâturage où des attaques de prédateurs étaient susceptibles de se produire – la nuit, les vaches étaient gardées dans des enclos sûrs – les vaches chez qui des paires d’yeux avaient été peintes avaient beaucoup plus de chances de survivre. Sur les 683 bovins composant ce groupe, aucun n’a été tué au cours des quatre années de l’étude. En revanche, 15 des 835 vaches non marquées et quatre des vaches chez qui de simples croix avaient été peintes ont connu une fin sanglante. Les lions constituaient de loin les prédateurs les plus meurtriers, avec 18 vaches tuées.
La plus grande réserve concernant les résultats de l’étude reste le fait que les vaches dont le postérieur était pourvu d’yeux évoluaient aux côtés d’animaux non marqués, ce qui ferait de ces derniers d’éventuels « agneaux sacrificiels ». Selon les auteurs de l’étude, de futures études seront nécessaires afin de savoir si un troupeau uniquement composé de vaches disposant de « paires d’yeux supplémentaires » restera indemne, et si ces motifs appliqués au pochoir conserveront leur efficacité avec le temps.
Une approche simple et peu onéreuse
Mais pour Jordan, toute protection offerte par quelque chose d’aussi simple et peu onéreux vaut la peine d’être explorée lorsqu’il s’agit de réduire les conflits entre prédateurs et bétail.
« La protection du bétail contre les carnivores sauvages – et des carnivores eux-mêmes – est une question importante et complexe qui nécessite probablement l’utilisation d’un ensemble d’actions, incluant des interventions pratiques et sociales », souligne Jordan. « La technique des yeux peints représente l’un des nombreux outils qui peuvent prévenir les conflits entre les carnivores et le bétail, même si aucun d’entre eux ne constitue à lui seul une solution miracle. »
Les chercheurs espèrent que leurs travaux pourront un jour aider les lions et les locaux à vivre en plus grande harmonie.
Par Yann Contegat, le
Source: Smithsonian Magazine
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