
Certains fossiles changent une chronologie. D’autres, une vision du monde. Celui de l’Homme d’Altamura fait les deux. Découvert en 1993 dans une grotte du sud de l’Italie, ce squelette néandertalien complet, figé depuis 150 000 ans dans un cocon de pierre, est l’un des plus vieux jamais trouvés. Et surtout, l’un des plus mystérieux. Il est là, sous nos yeux, mais personne ne peut le toucher.
Ce Néandertalien est figé dans une gangue de cristaux naturels qui le rend intransportable
C’est au fond d’une cavité étroite, dans la grotte de Lamalunga, que des spéléologues découvrent par hasard un crâne. En s’approchant, ils réalisent que l’ensemble du squelette est là, intact, mais complètement recouvert de concrétions calcitiques. Des cristaux naturels, formés goutte à goutte, comme du givre sur un corps figé.
Ce qui aurait pu être une malédiction — une chute dans une faille profonde, devient une bénédiction archéologique. Les cristaux ont préservé les os mieux que n’importe quel linceul. Mais cette gangue minérale a aussi fusionné avec le squelette. Impossible à extraire sans le briser. Le fossile est devenu une œuvre d’art naturelle, piégée pour toujours dans sa vitrine de calcaire.

Des technologies miniatures permettent d’explorer le squelette sans jamais le déplacer
Longtemps, les chercheurs se sont contentés de photos. Puis ils ont tenté l’impossible : étudier le squelette sans le toucher. Grâce à des caméras endoscopiques, glissées entre les parois, et des scanners laser miniatures, ils ont pu créer un modèle 3D extrêmement précis du corps.
Ce modèle a révélé un homme robuste, adulte, sans doute dans la force de l’âge. Plusieurs dents manquaient, probablement perdues à cause d’infections. Ce détail intime rend le squelette presque vivant. Il ne s’agit plus d’un fossile abstrait, mais d’un individu, avec ses douleurs et ses faiblesses.
En 2015, un petit morceau d’omoplate a été extrait avec soin. L’analyse ADN a confirmé qu’il s’agissait bien d’un Néandertalien. Un très ancien. La datation par uranium-thorium a estimé son âge à environ 150 000 ans.
Ce fossile révèle une lignée néandertalienne isolée au sud de l’Europe
Ce n’est pas seulement l’état de conservation qui intrigue. C’est ce que le squelette raconte de l’évolution humaine. Il présente des traits néandertaliens classiques, mais aussi des caractères plus anciens, hérités d’espèces primitives. Les chercheurs pensent qu’il appartenait à une population isolée, vivant loin des grandes migrations du nord.
Ce Néandertalien du sud aurait évolué différemment. Il pourrait représenter un chaînon évolutif oublié, une branche régionale de notre arbre généalogique. Et aujourd’hui, en restant prisonnier de la roche, il devient un témoin clé de notre passé.
Il ne sera sans doute jamais extrait. Mais il nous regarde toujours. Et continue, silencieusement, à réécrire l’histoire.