Sous nos pieds, un monde antique refait surface : Véies, cité étrusque jadis en rivalité avec Rome, dévoile aujourd’hui son incroyable réseau souterrain grâce à un robot inspiré des missions martiennes. L’archéologie entre dans une ère robotisée, non invasive, mais d’une efficacité inédite.

Un robot d’exploration inspiré de la NASA cartographie un réseau antique enfoui sous une cité étrusque oubliée
Il aurait très bien pu s’appeler Curiosity. Ou Perseverance. Mais non : en Italie, c’est Magellano qui explore l’inconnu. Ce rover, digne des missions spatiales de la NASA, ne cherche pas des traces de vie sur Mars mais cartographie méthodiquement les galeries oubliées de Véies, ancienne cité étrusque située à une quinzaine de kilomètres de Rome. Son terrain de jeu ?
Un labyrinthe souterrain vieux de plus de 2 000 ans, fait de tunnels, de puits et de citernes. Jusqu’ici, personne n’avait pu s’y aventurer sans risquer sa vie. Aujourd’hui, grâce à ce bijou de technologie, l’archéologie entre dans une nouvelle ère.
Le robot, équipé du fameux système de suspension rocker-bogie qui lui permet de franchir les obstacles sans vaciller, s’est glissé dans les profondeurs de Véies avec une mission simple : dresser une carte complète de ses entrailles. Résultat ? Plus de 23 kilomètres de galeries cartographiés. Une première mondiale pour l’archéologie étrusque.
Une ville antique pensée à deux niveaux : ce que les galeries souterraines révèlent de l’ingéniosité urbaine étrusque
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces galeries ne sont pas le fruit d’excavations désordonnées. Non. Elles témoignent d’une ingénierie urbaine impressionnante, mêlant gestion hydraulique, circulation cachée et espaces rituels. C’est comme si la ville antique de Véies avait une jumelle invisible, construite juste en dessous d’elle.
Les chercheurs ont notamment identifié des connexions précises entre plusieurs secteurs périphériques : le plateau de Campetti, la vallée de Cannetaccio et le Sanctuaire de Portonaccio, site religieux majeur où se dresse encore le temple d’Apollon. Un lieu sacré, au cœur duquel les archéologues ont découvert une vasque de 20 mètres alimentée par ces tunnels, utilisée pour les rites de purification. Et ce n’est pas un détail : cela prouve que les Étrusques associaient l’eau, l’architecture et le sacré dans une même vision de la ville.
Grâce à la robotique spatiale, les archéologues accèdent enfin aux galeries inaccessibles sans abîmer le site
L’exploit est autant archéologique que technologique. Car s’il a fallu attendre 2025 pour accéder à ces galeries, c’est parce qu’elles étaient extrêmement difficiles d’accès pour l’homme. Trop étroites, trop profondes, trop instables. Mais grâce à Magellano, et aux chercheurs du Musée national étrusque de la villa Giulia et de l’université Sapienza de Rome, les données ont été collectées sans danger.
Le rover est équipé de capteurs, caméras, systèmes de navigation autonomes et outils de collecte de données à distance. En clair, le meilleur de la robotique spatiale appliqué à l’archéologie. Et ce n’est qu’un début : d’autres sites italiens, voire européens, pourraient bénéficier à l’avenir de cette approche non invasive, qui respecte les lieux tout en révélant leur histoire cachée.
Que nous racontent ces tunnels ? L’interprétation des galeries commence à peine, mais les découvertes ne font que commencer
Si cette carte souterraine est un immense pas en avant, elle n’a pas encore livré tous ses secrets. Car identifier un tunnel, c’est une chose ; comprendre à quoi il servait, c’en est une autre. Les chercheurs devront encore analyser les matériaux, les typologies architecturales, les objets trouvés pour préciser les fonctions de chaque espace : technique, rituelle, défensive ? Les réponses viendront.
Mais une chose est sûre : cette plongée robotique dans les entrailles de Véies bouleverse notre rapport à l’archéologie. On ne creuse plus. On explore, méthodiquement, numériquement, sans détruire. Comme si, enfin, on tendait l’oreille aux murmures du passé sans leur faire violence.
Par Eric Rafidiarimanana, le