En 2016, un événement unique a secoué la biologie marine : un minuscule poisson translucide, jamais vu vivant auparavant, a été filmé dans les abysses. Cette observation inédite, réalisée à plus de 2 500 mètres de profondeur, fascine les chercheurs et relance l’exploration de ces mondes marins inaccessibles.

Un poisson translucide filmé pour la première fois à plus de 2 500 mètres dans la fosse des Mariannes
On pourrait croire à une invention. Pourtant, ce poisson fantôme existe bel et bien. Il appartient à la famille des Aphyonidae, et il n’a été filmé qu’une seule fois, en 2016, à 2.500 mètres de profondeur, dans la célèbre fosse des Mariannes, le point le plus profond des océans.
L’exploit revient à une expédition de la NOAA (l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique), qui a capté ces images uniques grâce à un robot télécommandé. Jusqu’à cette date, aucun individu n’avait jamais été observé vivant dans son habitat naturel.
Le spécimen mesurait à peine 10 centimètres. Semi-transparent, glissant lentement au ras du sol marin, il semblait plus flotter que nager. Sa peau gélatineuse, sans écailles, et ses yeux minuscules lui donnent un air irréel — d’où son surnom de poisson fantôme.
Ce que cette vidéo rare a révélé sur l’anatomie et l’adaptation de cette créature des grands fonds
Les Aphyonidae étaient connus uniquement par des spécimens morts, ramenés par chalutage, souvent endommagés, hors de leur contexte. L’observation de 2016 a donc tout changé : elle a permis de voir pour la première fois un poisson de cette famille vivant dans son environnement naturel.
On sait désormais que ce poisson ne vit pas en pleine eau mais près du fond marin, le long des crêtes rocheuses. Son corps, presque sans ossature, est un modèle d’adaptation à la pression extrême des abysses. Et sa transparence n’est pas un hasard : elle lui permet de se camoufler dans un monde sans lumière.
Ce que l’on voit à travers lui, c’est tout un pan méconnu de l’évolution. Car les Aphyonidae sont des cousins proches des Ophidiidae (les « donzelles »), mais ont suivi une trajectoire d’adaptation radicalement différente : disparition des écailles, réduction des yeux, peau visqueuse… Autant de mutations qui les rendent uniques.
Pourquoi cette observation relance la recherche sur les abysses et leurs écosystèmes cachés
L’observation du poisson fantôme a relancé l’intérêt pour les grandes profondeurs. En effet, les abysses couvrent plus des deux tiers de la surface terrestre… et restent largement inexplorés. La technologie limite encore nos capacités à filmer ou prélever des échantillons à plus de 2.000 mètres sous la mer.
Mais cette unique vidéo de 2016 rappelle une chose essentielle : nous savons très peu de choses sur les formes de vie qui peuplent ces zones. Et chaque nouvelle découverte peut bouleverser nos hypothèses sur la biologie, la résilience, ou l’évolution des espèces.
Certaines de ces créatures vivent à des pressions qui détruiraient instantanément un sous-marin classique. D’autres n’ont pas d’organes visibles, ni pigmentation, ni squelette rigide. Le poisson fantôme incarne cette étrangeté vivante, presque extraterrestre, qui habite les derniers territoires vierges de notre planète.
Une créature rare et fragile qui symbolise l’urgence de mieux protéger les profondeurs océaniques
Ce que cette apparition a aussi révélé, c’est la fragilité de ces espèces. Adaptées à des conditions extrêmes, elles sont extrêmement sensibles aux perturbations humaines : pollution sonore, microplastiques, forage en grande profondeur, etc.
Le poisson fantôme, par son unicité et sa rareté, est devenu un symbole des profondeurs oubliées. Il pousse à repenser nos priorités en matière d’exploration et de protection des océans. Car oui, l’aventure scientifique continue, et parfois, un petit poisson translucide suffit à rallumer l’émerveillement.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences, Animaux & Végétaux