Depuis des milliers d’années, certaines cultures humaines avaient pour habitude de soigner des maladies en creusant des trous dans leurs crânes. Pourquoi nos ancêtres faisaient-ils cela ?
LA TRÉPANATION MÉDICALE
Des tribus d’Afrique centrale aux peuples marins de Polynésie en passant par les médecins médiévaux d’Europe, la trépanation, ou l’art de creuser des trous dans les crânes humains, est courante et fait même figure de traitement médical. Que ce soit en perçant un trou à l’aide d’un outil appelé « trépan » ou en découpant la chair à l’aide d’instruments tranchants, la trépanation est universelle. Pourquoi donc des gens se perçaient le crâne ?
Selon les recherches actuelles, la trépanation est réalisée à des fins médicales. En effet, il s’agit d’une façon assez archaïque de soulager la pression intracrânienne. Les « médecins » à travers le monde entier, et apparemment de façon totalement indépendante les uns des autres, réalisent cette opération depuis la préhistoire dans le but de soigner des traumatismes crâniens ou encore des maladies neurologiques. Bien entendu, à des époques où la médecine se mêlait à la sorcellerie ou à la religion, une certaine aura mystique entoure cette pratique. Ainsi, l’opération permettait pour certains de laisser sortir les esprits des personnes possédées.
CETTE OPÉRATION EST RÉALISÉE DEPUIS LA PRÉHISTOIRE DANS LE BUT DE SOIGNER DES TRAUMATISMES CRÂNIENS OU ENCORE DES MALADIES NEUROLOGIQUES
De l’Afrique du Nord à la Grèce antique en passant par la Russie ou la Polynésie, cette technique est commune à l’humanité et aurait disparu progressivement pendant le Moyen Âge européen, la médecine se tournant vers des pratiques moins invasives, sauf certaines cultures reculées qui ont continué la pratique jusqu’au début du 20e siècle. Une pratique médicale donc puisque les crânes trépanés découverts par les scientifiques montraient toujours des traces de traumatisme ou de maladie. A quelques exceptions près.
LE RITUEL DE LA TRÉPANATION
En 1997, des archéologues découvrent un site préhistorique près de la ville de Rostov-on-Don, dans le sud de la Russie, près de la mer Noire. Les chercheurs y découvrent les restes humains de 35 personnes, répartis dans 20 tombes séparées. Le site est daté d’environ 5 000 à 3 000 ans avant J.-C., ce qui le place dans l’âge de bronze. Une découverte ordinaire si ce n’est qu’Elena Batieva, l’anthropologue en charge du site, y découvre des crânes uniques.
Dans un tombeau commun, deux femmes, trois hommes, un enfant et une adolescente sont découverts avec pour point commun d’avoir le crâne trépané d’une façon peu ordinaire. Les trous de la trépanation se situent au sommet du crâne, grands de plusieurs centimètres. Seul le crâne de l’enfant semblait intact.
CELA ALLAIT À L’ENCONTRE DE CE QUE PENSAIENT LES CHERCHEURS
Ces trous ont tous été réalisés à un point précis du crâne appelé obélion. L’ouverture du crâne à cet endroit précis est très dangereuse, pouvant causer de très graves hémorragies et s’avérant presque automatiquement létale. Les chercheurs précisent également que moins d’un pour cent des crânes trépanés retrouvés à travers le monde se situent à cet endroit-là.
Encore plus étonnant, seul un autre crâne a été découvert en Russie avec les mêmes séquelles en 1974, justement dans un site assez proche de celui étudié en 1997. Aucun des crânes ne suppose que les victimes de cet acte souffraient de maladie ou de traumatisme, ce qui allait à l’encontre de ce que pensaient les chercheurs.
QUE CHERCHAIENT-ILS À OBTENIR ?
LA RÉGION AURAIT PU ÊTRE UN CENTRE DE RÉFLEXION ET D’ACTION AUTOUR DE LA TRÉPANATION
Au moment de la découverte, l’anthropologue doit encore analyser l’ensemble des tombeaux, et doit donc laisser de côté cette découverte intrigante. Elle effectue malgré tout quelques recherches dans la littérature scientifique et découvre que d’autres crânes similaires ont été découverts dans la région, tous datant de la même époque. Cela indiquait que la région aurait pu être un centre de réflexion et d’action autour de la trépanation, notamment à des vues expérimentales ou rituelles comme le montrent les cas de trépanation au sommet du crâne.
En 2016, Julia Gresky, anthropologue allemande, aidée d’Elena Batieva et d’autres chercheurs, publie un papier qui fait suite aux recherches commencées près de 20 ans plus tôt. On y découvre notamment, selon les indications de Maria Mednikova, chercheuse à l’Académie des sciences de Moscou, experte de la trépanation, que l’opération aurait servi à réaliser une transformation chez la « victime ».
Elle propose l’idée que les trépanés souhaitaient acquérir des aptitudes que les membres normaux de la société ne possédaient pas. De plus, des recherches plus approfondies ont montré que seule une personne sur les cinq crânes découverts en 1997 avait succombé à l’opération alors que les autres avaient survécu pendant plusieurs semaines pour certains et plusieurs années pour d’autres, l’os ayant commencé à cicatriser.
LES TRÉPANÉS SOUHAITAIENT ACQUÉRIR DES APTITUDES QUE LES MEMBRES NORMAUX DE LA SOCIÉTÉ NE POSSÉDAIENT PAS
LE TRÉPANATION AUJOURD’HUI
Si la vérité sur ces trépanations ne sera peut-être jamais découverte, cet acte mystique dans le cadre rituel fait encore l’objet de fantasmes. Ainsi, dans les années 60, quelques figures du mouvement de la Beat Generation s’y sont intéressées. Alors que les drogues hallucinogènes rencontraient un certain succès et pouvaient pour certaines ouvrir l’esprit à un monde spirituel, d’autres se sont intéressés à cet acte plus occulte.
Le cas de Joe Mellen restera dans les annales puisqu’il a pratiqué une trépanation sur son propre crâne en 1970. Aujourd’hui âgé de 81 ans, cet homme a raconté son histoire dans un livre publié en 1970 intitulé Bore Hole.
LE CAS DE JOE MELLEN RESTERA DANS LES ANNALES PUISQU’IL A PRATIQUÉ UNE TRÉPANATION SUR SON PROPRE CRÂNE EN 1970
Il raconte comment cette opération a changé sa vie, dans un but bien plus spirituel d’élever son esprit que de simplement vivre dans « un état de défonce permanent » comme il l’explique lui-même. Les effets de la trépanation resteront pourtant un mystère tant que la science ne s’y intéressera pas dans une autre mesure qu’une pratique barbare aujourd’hui oubliée.