Les Français sont friands de productions étrangères et qui plus est, de films américains. D’année en année ils se multiplient sur les grands écrans et avec eux, des titres de plus en plus farfelus. Autrefois simplement traduits en français, ils sont dorénavant transformés de l’anglais, en anglais. Découvrez avec nous les raisons de ces modifications.
C’est devenu courant : une fois arrivés en France, les titres des films sont transformés et ainsi The Boat That Rock devient Good Morning England, The Hangover se transforme en Very Bad Trip et Get him to Greek est converti en American Trip. Plusieurs raisons poussent les sociétés de diffusion à effectuer de telles altérations aux titres de ces oeuvres et la première est liée à l’histoire du cinéma. La France est connue (voire moquée) à travers le monde pour changer les noms des films qu’elle diffuse mais jusqu’au milieu des années 90, on se contentait simplement de remplacer les titres originaux par des titres français et certains étaient plutôt ridicules : Zombie 2 (1979) est devenu L’Enfer des Zombies et The Deer Hunter (1978) fut changé en Voyage au bout de l’Enfer.
Nous ne sommes pas les seuls à traduire les films et certains pays, comme l’Espagne, adaptent toutes les oeuvres étrangères à leur langue. Les Québécois, eux, sont renommés pour leurs traductions littérales : Pulp Fiction devient Fiction pulpeuse, Dirty Dancing est Danse lascive, mais aussi Les Patrouilleurs de l’Espace (Starship Troopers), Tuer Bill (Kill Bill), Film de Peur (Scary Movie), ou encore Le Commando des Bâtards (Inglorious Basterds). Les Français ont toutefois réussi à se distinguer en traduisant les titres anglais en anglais depuis le milieu des années 90.
Ce grand tournant dans l’histoire du titrage est dû à un effet de mode. En effet, la tendance est aux titres anglais et si l’envie de préserver le nom original peut se faire sentir, elle est vite dépassée par l’idée de se faire comprendre. Les Français n’étant pas réputés pour leur maîtrise des langues étrangères, il est bon de leur apporter un titre qu’ils peuvent comprendre. Good Morning ou Very Bad sont de ces termes anglais facilement assimilés par les francophones et au contraire, les mots difficilement prononçables sont effacés. Il en va de même pour l’article « The » qui n’est presque jamais conservé comme celui du film The Avengers qui fut rogné pour aboutir à Avengers et la liste est longue : Shining, Aviator, Monuments Men, Expendables, etc. C’est aussi la raison pour laquelle la plupart des appellations de films pour enfants sont traduites et c’est la même chose pour les adolescents : en reprenant des termes francisés ou assimilés par un jeune public, les maisons de distribution augmentent leurs chances d’obtenir un succès commercial.
Toujours pour viser le jeune spectateur, il arrive qu’un titre soit entièrement changé de manière à ce qu’il ressemble à celui d’un film similaire ayant été une réussite en salles. Ainsi, un bon nombre de films du début des années 2010 ont étés commercialisés sous des noms semblables à Paranormal Activity (phénomène paranormal) ou Very Bad Trip, deux films à succès du box-office. Le dernier avait d’ailleurs eu droit à un traitement de star étant donné qu’un grand nombre de films ont étés renommés en fonction de ce long-métrage, déjà modifié à son arrivée en France : les films Ennemies Among Us et The Other Guy ont tous les deux été traduits par Very Bad Cops.
C’est au sein des boites de distribution et dans leurs filiales françaises que le choix est fait : le titre est retravaillé, puis envoyé à la maison mère avec sa traduction littérale. Si le nouveau nom plaît, il sera appliqué et dans le cas contraire, les créatifs se remettent au travail durant de longues heures de brainstorming pour trouver une dénomination en neuf syllabes maximum. Cette décision réfléchie tient du fait que le titre, à l’instar de l’affiche et de la bande-annonce, joue entièrement sur la promotion du film, la vision qu’en a le spectateur et l’entièreté du marketing lié à l’oeuvre.
Toutefois, tous les longs-métrages ne sont pas traités de la même façon : si les films visant le grand public sont presque automatiquement traduits, ceux ciblant un public restreint, autrement dit les « petits films », sont généralement laissés dans leur état original. Ne promettant pas des grandes rentrées d’argent aux maisons de production, ils ne méritent pas que l’on s’y penche trop longtemps. Il arrive aussi que des longs-métrages n’ayant pas été créés en anglais soient tout de même transposés dans la langue de Shakespeare. C’est le cas de la comédie allemande « Mädchen, Mädchen ! » (Fille, Fille !) renommée Girls & Sex.
Beaucoup considèrent ces modifications de titrages comme la marque du manque de respect des distributeurs aussi bien pour les cinéastes que pour les spectateurs. Les professionnels du cinéma travaillent aussi bien sur le film que sur son titre et il est souvent le fruit de longues recherches supposées aboutir à un nom proche du film et de ce que le créateur du long-métrage avait en tête. En changeant le nom sans plus de considération, les maisons de distribution altèrent considérablement l’oeuvre. De plus, les termes choisis pour le public français sont extrêmement limités et font partie d’une petite liste de mots facilement compréhensibles appelée Goblish. Il s’agit des termes et expressions les plus connus de la langue, utilisés pour se faire comprendre rapidement et cela conduit les personnes chargées du titrage à ressortir les mêmes mots encore et encore sur différents films. C’est la raison pour laquelle il existe de nombreux titres redondants : Sex Intention, Sex Academy, Sex Crime, Sex Friends mais aussi American Girls, Coyote Girls, Girls in America et Dancing Girls.
C’est une recette qui fonctionne : changer des titres de films de l’anglais à l’anglais porte ses fruits et les spectateurs sont toujours plus nombreux à se presser dans les salles de cinéma. Le bon goût du titrage n’est pas toujours au rendez-vous et si la majorité des Français n’en semblent pas agacés, on s’aperçoit aussi d’une certaine lassitude de la part des cinéphiles qui se réfèrent de plus en plus aux noms originaux. Cette technique purement marketing a tendance à amenuiser l’effet recherché par le créateur du long-métrage, voire à ridiculiser son oeuvre. Quelle est la modification de titre qui vous a le plus choqué ?