Le 9 février 2020 sera peut-être une journée historique pour nos amis suisses. En effet, ce jour-là, ils seront amenés à se prononcer concernant l’élargissement de la norme antiraciste, introduite il y a 25 ans. Cet élargissement interdira les discriminations ou tout type de violence envers les personnes de la communauté LGBTQI. On pouvait en effet auparavant être homophobe sans craindre de faire face à des sanctions par la suite. Ce projet semble heureusement être bien accueilli dans les sondages.
TOUTE FORME DE DISCRIMINATION MAINTENANT INTERDITE
La Suisse est en retard par rapport au reste de l’Europe : elle est l’un des derniers pays qui ne sanctionnent pas les discriminations en raison de l’orientation sexuelle. En effet, si quelqu’un prononce des propos homophobes, ou a un comportement homophobe, il ne sera pas poursuivi. Par exemple, il était jusqu’à présent possible pour des gérants de restaurant, de cinéma ou d’hôtel de refuser des clients au motif de leur identité sexuelle. Mais heureusement, cela devrait changer dimanche prochain, et les actes homophobes devraient désormais être autant punis que les actes racistes, en vertu de l’extension de l’élargissement de la norme antiraciste introduite en 1995. Selon les derniers sondages, les Helvétiques seraient pour la majorité favorables à ces sanctions contre la haine et les discriminations à l’égard des personnes de la communauté LGBTQI.
A ce jour, une personne ne peut être punie que si elle a véritablement eu la volonté de blesser physiquement ou tuer la personne. Or, les partisans de cette extension n’ont qu’un seul objectif : faire reculer l’homophobie. Toute violence, tout appel à la haine ou toute discrimination sera donc désormais interdite. Les déclarations homophobes seront également interdites dans l’espace public et sur les réseaux sociaux. Les personnes discriminant ou faisant preuve de violence ou haine à l’égard des personnes homosexuelles encourront une peine de prison de trois ans maximum, ou bien une amende. C’est Mathias Reynard, le plus jeune député de l’Assemblée fédérale, qui est à l’origine de cette initiative. Le projet de base devait aussi inclure une interdiction des discriminations liées à l’identité de genre, mais cela fut refusé car jugé “trop flou”. Le Parlement suisse a dans tous les cas refusé d’inscrire l’identité de genre (transgenres et intersexes) dans la norme. L’initiative de Mathias Reynard a été acceptée par le Conseil national de Suisse le 14 décembre 2018, et par le Conseil des États.
LES ARGUMENTS DES DÉTRACTEURS
Toutefois, cette loi a de véritables détracteurs, qui sont à l’origine du référendum. On peut supposer que selon eux, le résultat du référendum sera en leur faveur et annulera la loi. Ces détracteurs sont majoritairement issus de l’Union démocratique fédérale et des jeunes de l’Union démocratique du centre. Ils estiment que la communauté LGBTQI ne doit pas être réduite à une minorité qu’il faut protéger puisque actuellement, les sanctions pénales en cas de violence ou de diffamation sont suffisantes. Leur argumentation repose sur le fait que les LGBTQI ne veulent eux-mêmes pas être une minorité ; par conséquent, s’ils veulent être acceptés par la société, ils doivent “atteindre” la normalité. Une loi contre l’homophobie ne ferait que leur rappeler leur sexualité et les stigmatiser, en leur donnant une forme de “privilège” puisqu’ils seraient protégés. Ils ne seraient donc plus normaux car ils bénéficieraient d’une loi qui les protège, contrairement au reste de la population, et comme si on les assumait faibles par nature. Pour les députés de l’UDF et de l’UDC, cela reviendrait à dire qu’ils ne sont pas aptes à se défendre seuls, ce qui les conforterait dans leur statut de minorité.
La tolérance ne pouvant selon eux être contrainte par une loi, ils s’opposent donc à l’initiative de Mathias Reynard qui selon eux représenterait un danger pour la liberté d’opinion, de conscience et de commerce. Cette loi n’est pour eux qu’une loi de censure qui, sous couvert de l’ouverture d’esprit, va bannir certaines opinions du discours démocratique.
Nous pouvons penser que ce type de discours est tout à fait stérile, puisque malgré l’apparence qu’il se donne de vouloir empêcher la stigmatisation de la communauté LGBTQI, il ne fait que la renforcer. En effet, en s’exprimant à sa place (en disant que les LGBTQI ne veulent pas être vus comme des minorités), les détracteurs de cette loi vont à l’encontre du droit à la parole de ces communautés. En outre, ils ne font qu’aggraver ces inégalités, d’autant plus qu’en refusant cette loi, ils nient l’un des droits les plus élémentaires des humains : le droit à la sécurité et à l’intégrité physique aussi bien que psychique.
Finalement, en “refusant” le statut de minorité à la communauté LGBT, ils nient également toutes les difficultés auxquelles doivent faire face les personnes de cette communauté à travers leur existence et pour la simple raison qu’ils sont LGBT. Ce sont des difficultés que eux ne connaitront jamais, car jamais menacés en raison de leur orientation sexuelle. Certes, la communauté LGBTQI souhaiterait ne plus être une minorité, mais pour changer cela il faut lutter contre l’homophobie et non pas nier les difficultés auxquelles elle fait face. Les détracteurs de cette loi devraient pourtant être rassurés : elle ne donnera pas plus de droits à la communauté LGBT, elle va seulement les protéger.
L’IMPORTANCE DE CETTE MESURE
Rappelons bien que toute forme de violence liée à l’identité de genre, à la couleur de peau ou en l’occurence, à l’orientation sexuelle, n’a pas sa place dans nos sociétés d’aujourd’hui. Le Conseil fédéral helvète l’affirme haut et fort : “Nul ne doit être discriminé en raison de sa sexualité”. C’est un droit fondamental. Cette loi n’est pas une loi de censure ; en effet, il est impensable d’invoquer le droit à la liberté d’expression pour mépriser la liberté sexuelle. La liberté d’expression ne doit pas servir d’excuse aux saillies et comportements homophobes, au harcèlement et à l’appel à la haine : ce sont des crimes.
Cette loi est plus que primordiale à l’ère où les réseaux sociaux représentent un outil très prisé par les harceleurs dans les collèges et lycées, et qui peut être très dangereux s’il n’est pas maîtrisé : en effet, beaucoup de jeunes personnes harcelées en raison de leur orientation sexuelle peuvent voir les insultes se déchaîner sur les réseaux, et les mener au suicide. Si la loi interdit ce genre de déferlement, cela les protègera mieux. Ils seront également mieux protégés dans la vie réelle au cas où ils sont victimes de comportements homophobes, ce qui est très important car cette haine et ces violences peuvent avoir un impact énorme chez les jeunes qui cherchent leur identité sexuelle. Notons que le taux de suicide chez les adolescents homosexuels est cinq fois plus élevé que chez les hétérosexuels. Ils sont également plus enclins à consommer des drogues et de l’alcool.
La Suisse peut paraître moins avancée que d’autres pays d’Europe concernant le droit des personnes LGBTIQ : par exemple, contrairement à la France, l’Espagne ou l’Allemagne, le mariage entre personnes de même sexe n’existe pas.
Par Jeanne Gosselin, le
Source: TGD
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