Une étude révèle que la moelle épinière joue un rôle actif dans l’éjaculation et le plaisir masculin, remettant en cause la vision traditionnelle d’un cerveau tout-puissant.

Depuis toujours, on pensait que le cerveau contrôlait seul le plaisir masculin, du frisson à l’éjaculation. Mais une étude publiée dans Nature Communications vient rebattre les cartes. La moelle épinière aurait son mot à dire, et pas qu’un peu. Cette découverte pourrait bien transformer notre manière de comprendre le corps, le désir et les troubles sexuels masculins.
Des souris pour percer les mystères du plaisir humain
Pour explorer les mécanismes de l’éjaculation, les chercheurs ont choisi un modèle surprenant mais pertinent : la souris. Contrairement au rat, son comportement sexuel se rapproche davantage de celui des humains. Elle présente des séquences copulatoires complexes et répétées. Cela permet d’observer avec précision l’évolution de l’excitation jusqu’à l’orgasme.
L’équipe de neurobiologistes, dirigée par Susana Lima et Constance Lenschow, cherchait à savoir si certains circuits nerveux en dehors du cerveau jouaient un rôle clé dans ce processus. Grâce à des souris génétiquement modifiées, ils ont pu rendre fluorescents certains neurones pour suivre leur activité en temps réel. Ensuite, ils ont utilisé des stimulations lumineuses et électriques pour activer ou désactiver précisément ces zones, tout en observant la réaction des muscles.
Une moelle épinière bien plus qu’un simple relais
Traditionnellement, on pensait que la moelle épinière se contentait de transmettre les ordres du cerveau. Pourtant, cette étude raconte une tout autre histoire. Les chercheurs ont stimulé certaines zones de la moelle et observé des contractions musculaires spécifiques, sans provoquer d’éjaculation complète.
Autrement dit, la moelle ne se contente pas d’exécuter, elle coordonne activement. Elle intègre l’excitation, ajuste la réponse corporelle, et orchestre le comportement sexuel en temps réel. Lorsqu’ils ont désactivé certains neurones, les éjaculations devenaient plus lentes, moins efficaces, voire incomplètes. Résultat ? Le rythme sexuel des souris se déréglait nettement.
Une architecture complexe, aux commandes du réflexe éjaculatoire
Cette étude montre que le plaisir masculin repose sur une collaboration étroite entre cerveau, moelle épinière et muscles. La moelle agit comme un centre de décision local. Elle réagit à l’état du corps, au contexte et aux signaux sensoriels.
En clair, le cerveau ne pilote pas tout. Il initie l’excitation, certes. Mais la moelle prend ensuite le relais pour gérer la logistique du plaisir. Elle choisit les muscles, synchronise les contractions et module le bon moment. Ce partage des rôles pourrait expliquer pourquoi certains troubles sexuels résistent aux traitements centrés uniquement sur le cerveau.
Vers une nouvelle approche des troubles sexuels masculins
Ce changement de perspective est fondamental. En révélant que la moelle épinière influence activement le plaisir, les chercheurs ouvrent de nouvelles pistes thérapeutiques. Il devient possible d’imaginer des traitements ciblant ces circuits nerveux précis dans la moelle.
Mais cette étude va encore plus loin. Elle nous invite à repenser notre vision du corps, souvent trop centrée sur le cerveau. Le plaisir, le désir sexuel, l’excitation — tout cela repose sur une intelligence corporelle distribuée, où le système nerveux fonctionne comme un réseau adaptatif.
Pour les chercheurs, c’est une avancée majeure. Pour nous, c’est une occasion de mieux comprendre les rouages du plaisir, avec ses subtilités, ses mécaniques… et ses surprises.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences, Sciences humaines