Scandale. Suite à une erreur informatique, le Royaume-Uni n’aurait pas transmis les détails de 75 000 condamnations de criminels étrangers à leur pays d’origine et aurait “couvert le scandale par crainte de nuire à la réputation de la Grande-Bretagne dans les capitales européennes”, révèle The Guardian. Cette histoire pourrait véritablement tourner à la crise diplomatique, surtout dans le contexte du Brexit.
UNE ERREUR INFORMATIQUE SCANDALEUSE ET CACHÉE PAR LE ROYAUME-UNI
Une enquête est sur le point d’être menée par Bruxelles. En effet, la coopération judiciaire est censée être obligatoire entre les différents États membres de l’Union européenne. Cette erreur informatique commise par la police nationale est restée indétectable pendant cinq ans au cours desquels un tiers des alertes concernant les criminels, y compris des meurtriers et des violeurs, n’auraient pas été envoyées aux différents États membres de l’Union européenne. En effet, tout ce qui concerne les délinquants étrangers est destiné à être transmis au système européen d’échange d’informations sur les casiers judiciaires (ECRIS).
Les gouvernements des pays de l’Union européenne n’ont pas été informés des crimes commis, ni des peines infligées à leurs ressortissants par les tribunaux britanniques ou du risque que les criminels condamnés représentaient pour le public. Les criminels auraient donc pu retourner tranquillement dans leur pays d’origine sans que les autorités locales ne sachent leur passé judiciaire, ni ne soient informées de leur présence.
L’importance de ce scandale est telle que le ministère de l’Intérieur a choisi de cacher cette erreur aux autres pays de l’Union européenne. L’ACRO, une entité policière responsable du transfert des informations judiciaires, s’était réunie en mai dernier, et son procès verbal fournissait des informations intéressantes concernant cette affaire. Il déclarait : “Le ministère de l’Intérieur est nerveux à l’idée d’envoyer des notifications historiques datant de 2012 en raison de l’impact qu’elles pourraient avoir sur la réputation du Royaume-Uni.” La direction de l’ACRO aurait donc été mise au courant de ce problème remontant à 2015 en mai 2019, mais n’aurait rien fait en réaction. Bien évidemment, ce procès verbal a été supprimé du site de l’ACRO depuis la révélation du scandale par The Guardian.
Le compte-rendu d’une autre réunion tenue cette fois-ci en juin déclare également qu’il « existe encore une incertitude quant à savoir si les fichiers d’activités quotidiennes, envoyés par le ministère de l’Intérieur, seront envoyés aux autres pays, car cela risque de créer une mauvaise réputation au Royaume-Uni« . Le détail de ces 75 000 condamnations n’aurait toujours pas été envoyé aux différentes institutions judiciaires européennes, ont confirmé des sources de The Guardian. L’explication est que plutôt que de régler le problème au plus vite et de transmettre les informations, la Grande-Bretagne a choisi de couvrir le scandale pour ne pas perdre la face devant les autres États membres de l’UE.
LA RÉACTION DU GOUVERNEMENT BRITANNIQUE
Diane Abbott, députée à la Chambre des communes, est elle en faveur d’une enquête complète au sujet de ce scandale. Elle a déclaré au Guardian : « Il est déjà assez problématique d’avoir commis de graves erreurs dans le partage d’informations concernant les criminels, mais il semble qu’il y ait eu en plus une tentative de camouflage. » Elle ajoute que « les ministres doivent faire preuve de franchise. Quand ont-ils eu connaissance de ces échecs, pourquoi ne les ont-ils pas rendus publics et comment vont-ils empêcher toute répétition ? »
Yvette Cooper, présidente de la commission spéciale des affaires intérieures lors de la dernière législature, a qualifié les révélations de « profondément troublantes ». « Nous devons savoir si cette décision de ne pas transmettre immédiatement des informations criminelles a mis en danger la sécurité publique », a-t-elle déclaré. « Le ministère de l’Intérieur doit expliquer pourquoi il n’a pas immédiatement transmis ces informations dès que l’erreur a été découverte. Faire passer leur réputation avant la sécurité publique serait hautement irresponsable et risquerait de saper nos relations (avec les autres pays), cruciales dans la lutte contre la criminalité internationale. »
LES CONSÉQUENCES DE CE SCANDALE À L’ÈRE DU BREXIT
Cette révélation est d’autant plus choquante qu’elle fait suite à des négociations avec l’Union européenne concernant les futures relations de sécurité avec le Royaume-Uni. La réputation de la Grande-Bretagne en tant que partenaire de confiance est donc sérieusement remise en question. Ce travail de dissimulation orchestré par le Royaume-Uni a indubitablement fait chuter la confiance de l’Union européenne envers ce dernier depuis que les détails de cette affaire ont été révélés.
Sophie in ’t Veld, députée néerlandaise de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, a déclaré : « Cette révélation de leur échec à alerter les autorités au sujet des criminels et la dissimulation des faits par la suite a semé de sérieux doutes sur le Royaume-Uni en tant que partenaire fiable. (…) Le but de l’échange d’informations est d’améliorer la sécurité. Si une partie échoue, les gains de sécurité sont nuls et la coopération inutile. »
Au cours des négociations sur la relation post-Brexit, le gouvernement britannique cherchera à convaincre Bruxelles que l’échange de données avec les autorités britanniques devrait se prolonger, puisque à priori le Royaume-Uni ne sera plus membre d’Europol et ses services de police et de sécurité perdront l’accès aux bases de données clés de l’UE à la fin de la période de transition, en décembre 2020.
Par Jeanne Gosselin, le
Source: The Guardian
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