Alors qu’ils étudiaient les processus intervenant dans les couches inférieures de la calotte antarctique, des chercheurs ont identifié une rivière sous-glaciaire de plusieurs centaines de kilomètres de long.
Des lacs sous-glaciaires reliés par de vastes réseaux de rivières
Si les profondeurs d’une énorme masse de glace sont par nature difficiles à sonder, au cours de la dernière décennie, les scientifiques ont obtenu un bon aperçu des canaux reliant les lacs sous-glaciaires de l’Antarctique. Début 2022, une équipe britannique a pu pour la première fois étudier directement une rivière serpentant à la base de la calotte antarctique via une série de forages.
« Lorsque nous avons découvert pour la première fois des lacs sous la glace de l’Antarctique il y a une vingtaine d’années, nous pensions qu’ils étaient séparés », explique Martin Siegert chercheur à l’Imperial College de Londres et auteur principal de la nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Geoscience. « Nous commençons à prendre conscience de la complexité de ces systèmes situés à plusieurs milliers de mètres sous la surface, reliés par de vastes réseaux de rivières. »
La modélisation hydrologique de la calotte glaciaire, complétée par des relevés radar aéroportés permettant d’imager ses couches sous-jacentes, a révélé l’existence d’un cours d’eau sous-glaciaire de 460 kilomètres de long, se jetant dans la mer à des endroits précis. Selon l’équipe, les importantes quantités d’eau douce à haute pression ainsi transportées pourraient lubrifier la calotte et accélérer l’écoulement de la glace dans la mer.
« Grâce aux mesures satellitaires, nous savons quelles régions de l’Antarctique perdent de la glace, et dans quelle mesure, mais pas nécessairement pourquoi », explique Christine Dow, de l’université de Waterloo. « Cette découverte pourrait constituer un chaînon manquant dans nos modèles. »
Une fonte probablement sous-estimée
« Nous pourrions sous-estimer considérablement la vitesse à laquelle le système fondra en ne tenant pas compte de l’influence de ces systèmes fluviaux », estiment les auteurs de l’étude. « Ce n’est qu’en connaissant les raisons de la perte de glace que nous pourrons établir des modèles et des prévisions fiables concernant la façon dont la glace réagira à l’avenir sous l’effet du réchauffement climatique, ainsi que l’ampleur de l’élévation du niveau des mers. »
L’équipe évoque également de possibles boucles de rétroaction qui pourraient amplifier encore davantage la perte de glace, dans une région de l’Antarctique en contenant suffisamment pour élever le niveau global des océans de 4,3 mètres.
« La découverte d’une rivière qui atteint des centaines de kilomètres à l’intérieur des terres montre que nous ne pouvons pas comprendre pleinement la fonte des glaces sans considérer l’ensemble du système : calotte glaciaire, océan et eau douce », conclut Neil Ross, de l’université de Newcastle.
Par Yann Contegat, le
Source: New Atlas
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