Alors que l’informatique quantique ne cesse de progresser, de nouveaux travaux réalisés par des scientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT) remettent largement en question la viabilité de cette technologie incroyablement prometteuse. Explications.
Un obstacle majeur sur la route de l’informatique quantique
Si la possibilité que le rayonnement cosmique frappant constamment la Terre puisse interférer avec les ordinateurs quantiques et perturber leur fonctionnement avait été précédemment évoquée, cette nouvelle étude menée par une équipe de chercheurs du MIT révèle que ces machines seraient en réalité particulièrement vulnérables à ce type de phénomène. Toutefois, certaines solutions permettraient d’atténuer le problème.
Dans l’informatique traditionnelle, l’information est représentée sous forme de « bits » (0 ou 1). Mais grâce aux règles effrayantes de la physique quantique, les bits des ordinateurs quantiques (connus sous le nom de qubits) sont capables d’exister dans une superposition simultanée de ces deux états. Ce qui permet à ce type de machines d’effectuer de nombreuses opérations en parallèle, et les rend par conséquent beaucoup plus puissantes que les systèmes informatiques actuels.
Mais il existe toutefois un obstacle majeur au développement d’ordinateurs quantiques utilisables : les qubits possèdent des temps de cohérence assez faibles (faisant référence à la durée pendant laquelle ils peuvent rester dans cet état de superposition) en raison de leur sensibilité aux interférences extérieures comme la chaleur, les champs magnétiques et électriques, ou même les radiations de faible niveau qui nous entourent en permanence.
Les radiations naturelles, ennemis invisibles…
Il s’avère que certaines des interférences les plus susceptibles de perturber ce système proviennent de l’espace : les rayons cosmiques et la cascade de particules secondaires qu’ils créent frappent en permanence la Terre, et même si nous ne les remarquons pas, ceux-ci peuvent lourdement endommager les dispositifs électroniques.
Dans cette nouvelle étude récemment publiée dans la revue Nature, des chercheurs du MIT, du Lincoln Laboratory et du Pacific Northwest National Laboratory (PNNL) sont parvenus à déterminer dans quelle mesure les rayons cosmiques sont susceptibles d’impacter les ordinateurs quantiques.
Lors de différents tests, les chercheurs ont placé des disques de cuivre irradié à côté de qubits supraconducteurs afin de mesurer les effets des radiations. Les expériences ont été menées à l’intérieur d’un réfrigérateur à dilution, minimisant les autres types d’interférences en permettant d’atteindre une température environ 200 fois plus froide que celle du vide spatial. Dans un second temps, un deuxième disque de cuivre irradié a été placé à l’extérieur du dispositif afin de mesurer la quantité de radiation à laquelle le système quantique était exposé.
… mais puissants
En utilisant ce dispositif et d’autres simulations, l’équipe a découvert que le temps de cohérence du qubit serait limité à environ quatre millisecondes. Chiffre que d’autres expériences, impliquant de placer ou de retirer un écran anti-radiations entre les disques de cuivre et les qubits, ont permis de confirmer. Si le bouclier offrait une relative protection, la solution la plus pratique se résumait, selon les chercheurs, à un mur de briques de plomb de deux tonnes.
Bien que ces travaux aient montré qu’il était indispensable de doter les ordinateurs quantiques d’un blindage adéquat, ce qui pourrait notamment impliquer de les placer dans des installations souterraines afin de les protéger du rayonnement cosmique, les auteurs de l’étude estiment que d’autres solutions existent.
« Si nous voulons bâtir une industrie reposant sur l’informatique quantique, il serait probablement préférable d’atténuer les effets des radiations en surface », estime le chercheur William Oliver. « Nous pourrions envisager de concevoir des qubits ‘très durs’ et moins sensibles aux quasi-particules, ou développer des pièges à quasi-particules afin d’éloigner ces dernières des qubits. Ce n’est donc pas une fin en soi. »
Par Yann Contegat, le
Source: Massachusetts Institute of Technology
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