Dans les cultures populaires, le rat inspire le dégoût et le mépris. Ces rongeurs sont considérés par beaucoup comme des nuisibles qu’il vaut mieux éviter de croiser. Pourtant, Brandon, un journaliste scientifique, s’est posé quelques questions sur cet animal si détesté et ses conclusions pourraient bien réhabiliter cet animal. Découvrez ces faits étonnants qui vous feront regarder les rats d’une tout autre manière.
Beaucoup de gens vivent et entretiennent une relation affective avec des animaux. On vouerait presque un culte à certains d’entre eux tels que les aigles, les castors ou les lynx. Le fait d’apercevoir ne serait-ce qu’un renard, un ours ou un petit hibou dans son milieu naturel est considéré comme une chance voire un privilège par certains. Mais lorsque l’on vit dans une grande ville telle que New York, l’animal star par excellence est le rat. Depuis bien longtemps, ce rongeur est détesté des citadins. Ces animaux sont souvent définis comme des vecteurs de maladie, pleins de saleté et bons à être exterminés. Cette vermine inonde les métros et effraye souvent les usagés.
Pourtant, même si l’on a horreur de voir ces petites bêtes près de nos pieds, certains ont un respect certain pour elles. Ainsi, le journaliste scientifique Brandon Keim s’est posé quelques questions sur ce rongeur et les conclusions qu’il en tire sont plus qu’étonnantes ! Face au mécontentement général, on se demande très peu comment pensent les rats, ce qu’ils peuvent ressentir. Bien sûr il existe bon nombre de recherches sur ces rongeurs mais celles-ci ne répondent qu’à des questions traditionnelles portant sur leur physiologie ou sur l’effet de certains produits… celles-ci sont un peu plus étonnantes !
Les rats sont capables de s’adapter à notre mode de vie
Ici, rien de très étonnant. Les rats sont en effet capables de s’adapter à nos villes, mais leur cerveau aussi ! Ils sont donc très appréciés dans l’étude de l’évolution et de la cognition. Une adaptation qui se fait depuis des siècles, et qui n’a sûrement pas fini de nous surprendre.
Les rats possèderaient de l’empathie
Il semblerait que l’empathie ne soit pas seulement une caractéristique humaine. Les rats auraient de l’empathie les uns envers les autres. Pourtant, de nombreuses études avaient prouvé que les animaux possédaient des caractéristiques que l’on croyait uniquement réservées à l’Homme. L’être humain a toujours eu du mal à penser que les rats aussi pouvaient avoir des points communs avec nous. Comme le dit si bien Peggy Mason, une pionnière dans la recherche sur l’empathie des rats : « Je suis très heureuse de penser à moi comme à un rat avec un néocortex. »
L’expérience faite à l’université de Chicago par Peggy prouve que les rats sont en effet capables d’éprouver une certaine empathie envers leurs congénères. Dans une boite en plexiglas, un rat blanc et noir est enfermé. Un autre rat, blanc et qui a été élevé en laboratoire, est près de cette boite. Les rats évitent en temps normal les espaces vides, raison pour laquelle on les voit souvent longer les murs rapidement. Pourtant ce rat ne se cache pas dans un coin, mais au contraire se précipite vers la boite. Il sent le rat à l’intérieur et flaire le verre. Il pousse alors la porte et finalement l’ouvre, libérant son congénère. Ils se frottent ensuite l’un contre l’autre. On pourrait croire à première vue qu’un rat a simplement aidé un autre rat. Pourtant du point de vue de Peggy Mason et de son collaborateur, Inbal Ben-Ami Bartal, ces deux rongeurs semblent sympathiser. L’un a semble-t-il reconnu la détresse de l’autre et a donc voulu l’aider. D’après d’autres tests, les chercheurs ont pu constater que leur empathie envers un compagnon en détresse était aussi forte que leur désir de manger du chocolat.
Dans une étude publiée en 2011, les deux chercheurs ont affirmé que des rats pouvaient éprouver de l’empathie. Ils avaient pu observer ces derniers aidant des rats avec qui ils avaient grandi, ainsi que des rats étrangers et mieux encore, des rats d’une autre espèce (si toutefois il avait connu auparavant un rat de cette souche). Ce trait très humain avait déjà pu être constaté chez des animaux tels que les chimpanzés ou les éléphants, et aujourd’hui il est attribué aux rats. Pour Eileen Crist, « nous sommes dans une période de transition en ce qui concerne la façon dont nous voyons les animaux ». Il est vrai que pendant trop longtemps l’être humain a vu le règne animal en dessous de lui. Aujourd’hui, le fait d’attribuer aux animaux des traits caractéristiques humains est un grand pas vers un changement global de la vision que l’on peut avoir d’eux.
Pourtant dans l’histoire, il existe de nombreux ouvrages relatant d’une empathie chez les rats, que ce soit dans des textes naturalistes du 19e siècle ou même de particuliers qui observaient des caractéristiques proches. Malheureusement ces témoignages et observations informelles ne pouvaient faire office de preuves scientifiques. Il est en fait impossible de savoir ce que pense un animal. La science a en effet été lente à adopter le point de vue de Charles Darwin disant que les humains et les animaux partageaient non seulement des racines anatomiques mais aussi neurologiques. Aujourd’hui encore les observations faites par les scientifiques Mason et Ben-Ami Bartal sont sujettes à débat. Pour certains, cette empathie serait en réalité un phénomène appelé contagion émotionnelle. Autrement dit, lorsqu’un rat est en détresse, la détresse se propage aux autres rats, ces derniers ressentent alors une détresse sans pour autant avoir voulu sauver leur congénère, il est alors incohérent de traduire ce sentiment en intention.
Malgré tout, certains chercheurs tentent de défendre une possible empathie chez le rat. Frans de Waal, par exemple est un éthologue de l’université Emory aux Etats Unis. Ce dernier explique sur Facebook qu’il « serait surprenant, dans une perspective darwinienne, que les humains aient de l’empathie et que d’autres mammifères en manquent totalement ». Pour les deux chercheurs, peu importe qu’il s’agisse ou non d’empathie, ils espèrent seulement que leurs observations pourront fournir un système modèle pour étudier la biologie fondamentale de l’entraide chez les animaux.
Les chercheurs n’écartent pour autant l’empathie comme explication de ce comportement. D’après d’autres observations et la neurobiologie évolutive, le cerveau humain et celui des rats ne sont pas identiques mais se chevauchent étrangement. « Nous partageons la même structure neuronale avec les rats, qui nous sert pour nos propres réponses empathiques », explique Ben-Ami Bartal. D’après eux, l’empathie peut prendre différentes formes. L’être humain a tendance à la définir seulement comme la lecture de ce qu’une personne peut ressentir et qui nous fait ressentir à nous-même de la compassion. Pourtant l’empathie peut représenter bien plus, par exemple lorsque nous consolons une personne qui pleure, cette forme d’empathie que l’on pourrait croire unique à l’Homme peut très bien exister chez d’autres mammifères sous d’autres formes. D’autres scientifiques de renom ont mis en évidence que des espèces autres que l’Homme pouvaient se comporter de la même manière.
Les rats peuvent réfléchir sur leur propre réflexion
Les rats auraient une capacité de métacognition. Il s’agit de « la cognition de la cognition » en d’autres termes « penser sur ses propres pensées ». Encore une fois, cette capacité propre à l’Homme pourrait en fait aussi se retrouver chez ces petits rongeurs. Les rats pourraient par exemple « penser, construire des modèles mentaux de leurs mondes physiques et sociaux, s’imaginer dans le passé ou dans le futur, et même communiquer grâce à une langue reconstruite.
« Au cours des dernières décennies, la recherche cognitive comparative a porté sur l’évolution mentale, en tentant de répondre à des questions telles que parmi les animaux lesquels (le cas échéant) possèdent une théorie de l’esprit, la culture, les compétences linguistiques, la planification future », explique Waal. Aujourd’hui, ces questions semblent sur le point de trouver des réponses plus précises. Bien sûr les scientifiques savent que ces capacités ne seraient pas exactement similaires aux nôtres. Mais d’après Mason, « il n’y aucune raison intellectuelle pour laquelle nous ne partagerions pas certaines de nos capacités sous-jacentes de base avec des animaux ».
Les rats survivent à presque tout
Jason Munshi-Sud, un biologiste de l’université Fordham, est l’un des rares scientifiques qui étudient la façon dont les rats de la ville évoluent. Afin de récolter des échantillons et informations sur les rats, ce dernier est allé voir l’expert du contrôle des rongeurs à l’école des rongeurs de New York. Ainsi le scientifique a pu découvrir la ville sous un tout nouvel angle, en commençant par le bas de Manhattan, près de l’hôtel de ville. Que ce soit des briques fissurées, des fondations rongées sur les bords ou des petits passages formés, « les signes du passage des rats sont partout ». Les appâts pour dératiser sont aussi là, disséminés un peu partout malgré leur inutilité. D’après le professeur, les rats semblent être devenus au fil du temps résistants à toutes les formes de raticides. Le chercheur a donc tenté d’en savoir plus sur cette résistance mystérieuse des rats. Les rats de chaque quartier descendent-ils de survivants ? Les nouvelles générations se déplacent-elles lorsque les anciens résidents meurent ? Pour Munshi-Sud et comme pour la plupart des New-Yorkais, les rats voyagent à travers les tunnels du métro. Il semble en fait impossible de se débarrasser complètement de ces petites bêtes.
Mais la raison d’une telle résistance est peut-être ailleurs. Les rats survivent sûrement grâce à des habitudes alimentaires, leur taux de reproduction, ou même à leur adaptation à la vie souterraine. Pourtant, certains scientifiques sont persuadés qu’il existe d’autres facteurs tels que l’évolution mentale des rats devenus plus intelligents. Munshi-Sud prévoit donc de comparer les génomes de rats de ville et ceux vivant en laboratoire, afin de connaitre les changements génétiques qui en découlent. Les pistes s’étendent par exemple, à la néophobie, c’est-à-dire la peur des lieux nouveaux. En effet, la curiosité tue le rat, et une mémoire spatiale pourrait leur être très utile. L’empathie pourrait aussi bien les aider. Tout ceci pourrait faire partie intégrante de l’apprentissage social : la capacité d’apprendre grâce aux autres.
Ainsi, l’observation d’un couple de rats dans le métro de Brooklyn fait par Brandon Keim nous montre bien des choses. Il suppose, une mère et son enfant, le plus jeune rat suivait de près le plus gros, comme si celle-ci lui apprenait comment marcher au fil des rails. D’après Frans de Waal, l’empathie est à l’origine des soins maternels, en évoluant les mères sont plus attentives au sort de leur progéniture. Cela pourrait aussi fonctionner dans l’autre sens, l’évolution aurait permis au rat de faire plus attention à leurs aînés. Les mères sont en tout cas très célèbres pour leur dévouement et leur affection auprès des plus jeunes.
La biologiste Emilie Snell-Rood, déclare qu' »étant donné l’importance de l’apprentissage social chez les rats », qui est d’ailleurs primordial lorsque l’on est chassé à tous les coins de rue, « il faut s’attendre à une sélection accrue de cet apprentissage ». L’empathie pourrait donc également faciliter la serviabilité de ces rongeurs, plus solidaires pour échapper à l’exterminateur (l’Homme).
Snell-Rood a pu observer que l’exposition à l’Homme a changé certains mammifères du Minnesota. Il ne s’agit pas d’une étude réalisée sur des rats mais sur d’autres rongeurs urbains tels que les écureuils, les musaraignes et les souris. Elle a pu constater que quelque chose changeait, non pas qu’ils devenaient soudainement plus intelligents mais plutôt que leur comportement et leur sens se modifiaient. « Les sociétés qui incluent le plus grand nombre de membres (les plus sympathiques) s’épanouiront mieux et auront un plus grand nombre de descendants », explique Darwin dans La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe. La survie et la bonne entente entre les membres d’un groupe sont primordiaux et les rats l’ont bien compris. Ils prennent donc soin les uns des autres, à l’image des êtres humains. 😉
Les rats sont pleins de surprises ! A la rédaction, on a été très étonnés de découvrir qu’ils nous ressemblent tant. Cela nous rappelle que les souris aussi peuvent être très appréciées comme nous le prouvent ces photographies attendrissantes de rongeurs. Ces faits vous ont-ils fait changer de regard sur les rats ?
Par Precila Rambhunjun, le
Source: wired