Sans grands effets spéciaux ni merchandising démesuré, Prédestination est une perle dans un écrin de série B. Dans ce film, un agent temporel doit remonter le temps pour arrêter le Plastiqueur Pétillant, un terroriste qui sévit dans les années 70. De là part une intrigue qui portera plus particulièrement sur le personnage principal incarné par un Ethan Hawke en grande forme pour un régal de scénario de science-fiction comme on les aime.
La prédestination est une concept théologique ancien apporté par les religions stipulant que la volonté suprême de Dieu serait inflexible. Ainsi nous ne serions pas maître de notre destin et notre droit à la vie éternelle ou notre condamnation seraient établis malgré notre volonté. On entend souvent, au cinéma par exemple, que Dieu a un plan pour chacun d’entre nous. L’intérêt cinématographique réside dans l’influence de cette doctrine sur le principe philosophique de déterminisme et nécessitarisme. On peut donc, suivant l’hypothèse de la prédestination, remettre en cause le libre arbitre. C’est justement l’objectif du film Prédestination, en plus de vous donner mal à la tête.
Prédestination est un film australien écrit, produit et réalisé en 2014 par deux frères allemands, Michael et Pete Spierig. Basé sur la nouvelle de Robert A. Heinlein, ‘All You Zombies’, le scénario aborde plusieurs paradoxes qui nourriront l’intrigue tout au long du film. Il met en scène Ethan Hawke rendu célèbre par son rôle dans Le Cercle des poètes disparus, Sarah Snook, récemment apparu dans le biopic Steve Jobs et Noah Taylor, l’homme qui trancha la main du Régicide Jaime Lannister dans Game of Thrones.
Des paradoxes donc, d’abord temporels puisqu’est abordée l’histoire d’un homme ayant la mission d’arrêter un terroriste en utilisant le voyage dans le temps. Le film commence in media res, au milieu des choses, offrant un point d’ancrage pour la suite de la visite dans le passé et le futur. Dans cette scène nous suivons une personne arborant chapeau et long manteau, transportant une mallette et un étui à violon dans les couloirs d’un immeuble grande classe. Arrivé dans les sous-sols abritant la machinerie, il s’intéresse à un empilement de barils émettant le son caractéristique d’une minuterie.
Oui c’est une bombe. Un dispositif de mise à feu capable de déclencher une explosion s’il s’active au contact des fûts. Sans perdre une minute, notre protagoniste s’emploie à la désamorcer. Seulement, notre méchant Feu Follet, ou Plastiqueur Pétillant suivant les versions, l’attend sur place. Les coups de feu s’échangent et le vilain s’enfuit. Impossible de partir à sa poursuite, le temps est compté. Notre héros décroche le détonateur et tente de le confiner, une seconde trop tard malheureusement.
Son visage est désormais en feu, et il se tord de douleur au sol, tentant d’agripper son étui à violon posé à quelques mètres de là. C’est alors qu’un troisième personnage s’approche calmement et lui apporte la précieuse boite. Un regard s’échange le temps d’un instant, et une combinaison est entrée sur la serrure code de l’étui. C’est le visage bandé et alité que nous retrouvons notre personnage blessé. Sa bouille en bouillie aura nécessité une chirurgie au terme de laquelle il aura pris l’apparence de Ethan Hawke.
Si le synopsis ou le teaser du film ont pu soulever des questions, cette unique scène n’arrange rien du tout. Qui est notre bombeur ? Comment savait-il que quelqu’un viendrait empêcher l’explosion ? Qui est le mystérieux troisième homme et à quoi sert cet étui à violon ? Toutes les réponses sont dans la suite de l’histoire, et il serait bien maladroit de vous en dire plus au risque de vous gâcher tout l’intérêt du film. Il en va de même pour l’autre paradoxe majeur et du principe de prédestination dans le scénario.
Nous voilà ensuite baladés alors de 1945 à 1992 sans jamais savoir où l’on va. Cet agent du temps au visage nouveau enchaîne les actions incompréhensibles et n’exprime jamais le fond de sa pensée. Il nous parait aussi perturbé que sûr de lui et on a bien du mal à savoir où il veut en venir ! Tout se joue sur des sous-entendus, avec des scènes présentant un décalage étrange dans l’attitude ou dans les dialogues.
Ce qui est sûr, c’est que nous ne sommes pas là pour suivre une enquête policière. Nous sommes plongés dans l’histoire d’un homme au destin tragique, coincé dans un paradoxe créé par le voyage temporel. Lui seul peut comprendre ce qu’il voit, ce qu’il vit. Lui seul connait les raisons et les réponses. Pourtant, s’il a un présent et un passé, il aura toujours un futur qu’il ne soupçonne pas encore.
Si vous aimez les films alambiqués, torturés, qui ne vous prennent pas par la main pour vous décortiquer l’image plan par plan et qui vous laissent posé comme simple spectateur jusqu’à la révélation de dernière minute, vous devez regarder Prédestination, ce soir ou au plus vite. Ce genre d’œuvre reste encore trop rare dans le paysage cinématographique pour rester ignorée. En effet, Prédestination n’a pas mérité sa place en salle en France suite à une promotion faiblarde et un succès mitigé et ce malgré plusieurs nominations et quelques récompenses dans les festivals spécialisés.
Je suis sûr que les plus malins d’entre vous auront compris le fin mot de l’histoire avant l’illumination, mais même en connaissant les dessous de l’affaire, voir ce film reste intéressant. La qualité scénaristique et le travail de réalisation méritent notre attention. Le cinéma nous apporte de plus en plus de films fins et prenants où la science-fiction préfère user du scénario pour jouer avec les constantes de l’univers plutôt que de s’affubler d’effets spéciaux hors normes et récits héroïques, à l’image de Prestige ou encore de Looper.
Génial et prenant, le scénario des frères Spierig choque et surprend. La révélation au bout de ces quelque 127 minutes en surprendra plus d’un, suite à une intrigue qui mêle paradoxe temporel et concepts philosophiques. Si Prédestination n’a pas trouvé sa place dans les salles de cinéma françaises, il ne fait aucun doute que le DVD trônera en bonne place dans votre collection de films de science-fiction.
Par Gabriel Pilet, le
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