Pascal Mannaerts est un photographe indépendant qui parcourt les quatre coins du monde armé de son objectif et de son sens aigu de la photographie. Rédacteur sur son site internet, il partage ses aventures toutes plus incroyables et exotiques les unes que les autres. Le Daily Geek Show vous présente à travers ce dossier son magnifique et admirable travail sur les nomades Tsaatan en Mongolie !
Bonjour Pascal et merci de répondre à nos questions. Pour les lecteurs du Daily Geek Show, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Bonjour à tous, je suis photographe et, depuis plus d’une dizaine d’années, je parcours les routes du monde avec mon appareil photo. Une partie de mon travail est présentée sur mon site www.parcheminsdailleurs.com. Je suis entièrement autodidacte, j’ai appris la photographie en voyageant. Au départ de tous ces voyages, il y avait un rêve de grands espaces, d’aventures et de découvertes. A chaque retour, j’ai partagé mes photos et, petit à petit, elles ont commencé à être publiées de par le monde. Par la suite, mes passions pour le voyage et la photographie ont pris de plus en plus d’importance et sont devenues mon activité principale.
Pendant toutes ces années, j’ai eu la chance de me rendre dans une cinquantaine de pays. Dans mon travail photographique, c’est avant tout l’Humain que je mets à l’honneur. L’Humain et son identité, sa diversité, que j’aime présenter à travers des photographies tendant à ouvrir au dialogue, à l’émotion, au questionnement.
Photographe, vous avez choisi de parcourir les routes du monde entier et de ne pas rester en métropole. Vous semblez motivé par la passion du voyage, pouvez-vous nous en dire plus ?
« CE DÉSIR DE VOYAGE RÉPOND CERTAINEMENT À UNE CURIOSITÉ D’EXISTENCE QUE J’AI TOUJOURS EUE. »
Le voyage a toujours fait partie de moi, et cette passion s’est encore davantage affirmée avec le temps, au point d’être devenue essentielle à ma vie. Il traduit également un immense appétit de rencontres, de découvertes, d’inédit. De liberté aussi. Puis, au plus on prend l’habitude de se donner la chance de pouvoir découvrir le monde, au moins on pourra s’en passer. Un autre élément important par rapport à cela est le fait que j’ai progressivement associé ma passion pour le voyage avec ma passion pour la photo. Les deux sont aujourd’hui pour moi étroitement liées. Le partage de toutes ces expériences leur a donné encore davantage de sens.
Mes photographies répondent à ce désir que j’ai de raconter, de témoigner et d’être un vecteur entre des réalités, des rencontres, des découvertes et les autres. A partir du moment où l’on touche les gens avec ce que l’on fait, avec ce que l’on aime faire, avec ce que l’on crée… c’est le bonheur ! Et je ne pourrais pas imaginer ma vie aujourd’hui sans ces processus de découvertes, de créations et de partages.
Pourquoi avoir choisi comme sujet les nomades Tsaatan et en faire un reportage sur votre site en particulier ?
Je me suis rendu en Mongolie pour la première fois en juin 2014 et j’y suis resté cinq semaines. J’avais entendu parler des nomades Tsaatan avant d’atterrir en Mongolie mais j’avoue qu’il me paraissait presque irréel de pouvoir les rencontrer, vu qu’ils habitent dans des régions reculées et difficiles d’accès.
Avec un ami photographe, une amie mongole et un driver, nous avons quitté la capitale Oulan-Bator en jeep, et nous avons parcouru une partie du pays ensemble. Une fois arrivés aux alentours du lac Khövsgöl, dans le village de Tsagaan Nuur, nous nous sommes renseignés et avons fait la connaissance d’un jeune Tsaatan qui nous a proposé de rejoindre ses proches. Après deux jours de cheval à travers les plaines et forêts au départ du lac Khövsgöl, nous y étions.
Quelle a été votre première impression au moment de découvrir et de rencontrer le peuple Tsaatan ?
Un grand moment d’émotion, très certainement. Je me souviens du moment où, après de longues heures de cheval dans les montagnes désertes, nous avons aperçu leur campement au loin. Nous avions froid et étions lessivés par ces deux jours de cheval à travers la pluie, le vent et même la neige en certains endroits. Soudain, nous apercevions leurs tentes à l’horizon, telles de petits points minuscules perdus dans l’immensité.
L’excitation de la découverte, et l’apaisement d’avoir enfin trouvé ceux que l’on était venus rencontrés, étaient poussés à leur comble. Lorsque nous sommes arrivés au campement et que Bayrsaïhan (le jeune Tsaatan rencontré à Tsagaan Nuur) nous a présentés à sa famille, tout s’est fait de la manière la plus naturelle qui soit, à l’image de l’hospitalité inconditionnelle que nous avons rencontrée absolument partout dans le pays. L’hospitalité et l’entraide entre les Mongols font partie intégrante de leur mode de vie, du fait de l’environnement dans lequel ils vivent, et de leur vie nomade.
Je me souviens de tous ces moments de vie quotidienne que nous avons partagés avec la famille Tsaatan qui nous accueillait. Les enfants nous proposaient d’apprendre à traire les rennes, ou encore de courir avec eux après les animaux en fin de journée, pour les ramener au campement pour la nuit. Les moments de cuisine et les repas sous la tente étaient également fascinants et inoubliables ; avec notamment les discussions que nous avons eues sur nos modes de vie respectifs.
Je me souviens de cette soirée où nous parlions à Bolorma, la maman. Elle nous disait avoir déjà visité la capitale Oulan-Bator, mais que la ville n’était pas faite pour elle. Oulan-Bator l’avait complètement effrayée et elle ne penserait jamais quitter les plaines et les montagnes pour mener une vie sédentaire. Sachant par contre bien que la vie en ville pourrait être plus confortable. Nous lui avons demandé ce qui la rendait heureuse au quotidien et je me souviens de son regard et de l’émotion qui se dégageait de son visage lorsqu’elle a répondu, sans hésitation :
« MA FAMILLE ET MES RENNES, JE N’AI BESOIN DE RIEN D’AUTRE, JE SUIS HEUREUSE »
Parmi les photographies de ces nomades Tsaatan, y en a-t-il une qui vous a marqué plus que les autres ?
J’aime tout particulièrement la photo de la maman, Bolorma, qui rassemble ses rennes en fin d’après-midi au campement, en prévision de la nuit. Pour moi, cette photo évoque à elle seule tant de choses de l’univers des Tsaatan, de leur manière de vivre, de notre rencontre et de ce que j’ai ressenti avec à eux. J’aime la force, la détermination et la dignité que dégage Bolorma sur cette photo.
Cette fierté aussi, pendant qu’elle attache ses rennes et qu’elle regarde au loin vers son mari et ses enfants qui ramenaient le reste du troupeau au campement. J’aime aussi l’infinité du décor qui se retrouve derrière elle et qui évoque si bien l’endroit reculé et la rudesse du climat dans lequel ils vivent. J’aime aussi l’impression d’éternité que dégage cette photo. On dirait que le temps s’est comme arrêté.
Vous avez voyagé à travers d’incalculables kilomètres en Mongolie et en Asie. Pensez-vous que ce peuple se démarque des autres peuples nomades de Mongolie, ou au contraire qu’il s’inscrit dans une certaine continuité ?
J’ai de toute évidence ressenti chez les Tsaatan les mêmes valeurs d’hospitalité, de respect et de valeur de la famille que celles que j’ai ressenties partout ailleurs en Mongolie. En parcourant le vaste territoire qui est le leur, les nomades doivent s’entraider, même s’ils ne se connaissent pas. Les voyageurs, eux, savent qu’ils sont toujours les bienvenus sous la ger d’une famille. Les Tsaatan sont aujourd’hui également confrontés aux mêmes dilemmes que les autres peuples nomades de Mongolie, à devoir choisir entre maintenir leur mode de vie nomade et traditionnel, ou le laisser tomber et aller habiter en ville, en optant pour un mode de vie « moderne ».
« LA TRADITION DE L’HOSPITALITÉ EST PROFONDÉMENT ENRACINÉE DANS LA CULTURE MONGOLE »
C’est bien sûr également le cas de nombreuses populations nomades à travers le monde. En Iran notamment, où j’ai eu la chance de pouvoir faire un reportage sur les nomades Qashqai. Ce choix est surtout cruel pour les jeunes générations, prises entre le désir de loyauté envers leurs parents et le fait de poursuivre leur mode de vie traditionnel, alors que d’un autre côté, les jeunes sont souvent attirés par un mode de vie plus « moderne » et donc tourné vers la ville.
Y a t-il une chose que vous retenez, en particulier, de cette expérience ?
La beauté de la rencontre. Le privilège d’avoir passé ces moments de vie avec eux. Leur dignité et cette sincère impression de bonheur que dégageait la famille Tsaatan qui nous a accueillis.
Retrouvez toutes les autres aventures de Pascal Mannaerts sur son site internet, et son Instagram !