Suite à l’éveil des consciences suscité par BlackFish, un documentaire réalisé par CNN en 2013 qui dénonçait les effets nocifs de la captivité sur les orques, l’État de Californie a interdit au parc aquatique SeaWorld de San Diego de transférer, vendre ou faire reproduire ses orques. Le 6 Janvier dernier, c’est Tilikum, la tristement célèbre orque tueuse qui, après avoir développé de nombreux problèmes de santé, s’est éteinte au SeaWorld d’Orlando. Alors que le débat sur la légitimité des parcs aquatiques est en plein essor et que les preuves de la souffrance physique et psychologique des orques sous l’effet de la captivité se multiplient, le parc Chimelong Ocean Kingdom en Chine vient d’exposer son projet d’ouvrir une ferme à orques.
L’ouverture d’une ferme à orques en Chine
Situé dans la ville de Zhuhai au sud du pays, le parc aquatique Chimelong Ocean Kingdom ouvert en 2014 s’étend sur 50 hectares et se vante de présenter l’un des plus grands aquariums au monde. Si le parc possédait déjà de nombreux mammifères marins, son ambition a toujours été d’élever des orques en captivité.
Chimelong Ocean Kingdom détient aujourd’hui neuf orques, il faut savoir que ces dernières n’ont pas été achetées à d’autres parcs mais bien capturées dans la mer de Russie, ce qui renforce le caractère contestable de la captivité, les orques ayant été arrachées à leur milieu naturel. Après s’être doté d’une collection de cétacés qui sera présentée en spectacle au public du parc, celui-ci envisage aujourd’hui d’ouvrir un programme de reproduction. Multipliant les orques en captivité, la ferme à orques du groupe Chimelong sera sans conteste très rentable pour le parc.
Un désastre écologique
Les sociétés modernes étant plus sensibles à la souffrance animale perçoivent aujourd’hui ce triste spectacle qui s’est toujours déroulé sous leurs yeux : la captivité a des conséquences catastrophiques sur la santé et le moral des orques.
Rob Williams, biologiste de la conservation pour l’organisation Oceans Initiative à Washington explique que les orques « sont les mammifères les plus sociaux sur la Terre, incluant les humains ». Il faut savoir que les orques vivent dans des groupes multigénérationnels où elles conservent tout au long de leur vie, une connexion très intense avec leur famille. L’orque mâle ne quitte ainsi jamais sa mère. Chaque ensemble dispose d’un langage qui lui est propre et qu’il transmet à sa descendance de génération en génération. En capturant les orques en pleine mer comme le fait Chimelong Ocean Kingdom, on détruit la cellule familiale indispensable au bien-être et à l’accomplissement de toute orque.
Ajoutons à tout cela que les orques en captivité vivent beaucoup moins longtemps que dans leur milieu naturel, les risques de consanguinité, de maladies et de dépression étant très élevées pour une orque forcée à vivre dans un environnement inadapté…
Des incompatibilités fondamentales
La reconstitution de groupes artificiels au sein des parcs aquatiques joue un rôle très important dans la souffrance physique et morale des orques. Si les familles d’orques sont aussi soudées, c’est aussi parce que ces animaux appartiennent à des sous-classes de la race, appelées écotypes, et qui pour certains scientifiques sont tellement différentes qu’elles devraient s’apparenter à des espèces à part entière. En fonction de leurs écotypes, les orques ont des régimes alimentaires très différents et ne peuvent pas toutes cohabiter ensemble.
Dans les parcs aquatiques, les orques sont souvent nourries avec des aliments inadaptés qu’elles n’ont pas l’habitude de manger dans leur milieu naturel, parce que l’institution ne tient pas compte de leur écotype. Cette négligence est aussi responsable de l’hostilité des orques entre elles. En 1989, les orques Corky et Kandu se sont battues au Seaworld de San Diego parce qu’elles venaient de deux océans, explique Naomi Rose de l’Institut du bien-être animal de Washington DC. Le mauvais ratio entre les sexes du groupe peut également entraîner des dérives comportementales dans cette société matriarcale très complexe. En plus d’être agressifs entre elles, les orques en captivité sont susceptibles de s’attaquer aux soigneurs, Tilikum est ainsi connu pour avoir causé la mort de 3 personnes…
Les associations de défense de animaux de la China Cetacean Alliance ont ainsi fait part de leurs inquiétudes quant aux conditions de vie des orques de Chimelong Ocean Kingdom. Certaines photos circulent déjà sur Internet montrant une de leurs orques avec une peau abîmée qui pourrait résulter d’une infection mal soignée…
Conservation Vs Profit
Chimelong Ocean Kingdom est le seul parc chinois à posséder des orques. Il est certain que les spectacles sauront attirer un vaste public avide de voir les ballets aquatiques de ces animaux majestueux, et ainsi générer de nombreux bénéfices pour le parc. Chimelong Ocean Kingdom compte également revendre les orques issues de son programme de reproduction pour rentabiliser ses animaux…
Le groupe Chimelong défend son geste en affirmant qu’il œuvre pour sensibiliser le public à la conservation des orques et améliorer ses connaissances sur les cétacés. Seaworld avançait déjà des arguments similaires pour légitimer la captivité des orques, ayant même proposé de présenter les animaux dans leur habitat naturel pour monter sa bonne foi. Mais le documentaire BlackFish est sans appel, il existe un réel business lucratif qui motive les parcs aquatiques et ce même si certaines institutions souhaitent œuvrer pour la protection des espèces…
Le statut de l’animal en Chine
Un autre argument qui justifie le succès du parc réside dans le fait que le public chinois n’est que peu initié à la souffrance animale… Habitué à pouvoir prendre des selfies devant la cage de Pizza, un ours dépressif exposé dans un centre commercial, ce dernier n’est pas assez sensibilisé à ce nouvel enjeu fondamental que constitue la souffrance des animaux. D’autre part, le trafic de cornes de rhinocéros et de défense d’éléphants fait rage en Chine où l’ivoire peut atteindre jusqu’à 1050 euros le kilo, difficile donc d’éveiller les consciences dans ce contexte…
La nécessité de construire des sanctuaires marins
Selon la fondation Change for Animals, 56 orques sont toujours en captivité à travers le monde, il est important d’agir aujourd’hui pour sauver ces animaux. La plupart des orques ne peuvent retrouver leur milieu naturel du fait de la relation de dépendance qui s’est nouée avec les soigneurs, la preuve en est que le célèbre Keiko, icône du film Sauver Willy, n’a jamais pu se séparer des hommes et retrouver sa place parmi les orques. S’il est très difficile de relâcher des orques en captivité dans la nature du fait de la relation de dépendance qui s’est établie avec les soigneurs, nombreux sont les scientifiques et associations protectrices des animaux qui évoquent la possibilité d’établir des sanctuaires marins aménagés pour qu’ils retrouvent l’illusion de leur milieu naturel.
Par Antoine - Daily Geek Show, le
Source: Konbini
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