
Sans le vouloir, l’humanité a modifié l’équilibre de la planète, on vous explique :
Imaginez un ballon parfaitement rond. Posez dessus un poids d’eau énorme, concentré d’un seul côté. Il ne tournera plus pareil. C’est exactement ce que nous avons fait, sans en avoir conscience, avec notre propre planète.
L’illusion du progrès hydraulique : comment nos barrages ont déstabilisé la planète sans qu’on s’en rende compte
Depuis près de deux siècles, nous avons multiplié les barrages à travers le monde. Des milliers d’ouvrages, érigés pour irriguer les cultures, produire de l’électricité ou éviter les inondations. Leur objectif semblait clair : maîtriser l’eau. Pourtant, leur impact va bien au-delà. En stockant des volumes colossaux d’eau dans certaines zones, nous avons modifié la répartition des masses terrestres.
Par conséquent, ce déséquilibre a provoqué un effet inattendu : l’axe de rotation de la Terre a été dévié. Le pôle géographique a glissé, discrètement, mais bel et bien, sur plus d’un mètre. Ce déplacement, bien que minime à première vue, a de véritables implications géophysiques.
Des milliers de barrages construits sans imaginer qu’ils feraient basculer la Terre

Ce phénomène porte un nom peu connu : le déplacement polaire véritable. Il désigne le glissement des pôles provoqué non pas par les forces internes de la planète, mais par des changements à sa surface. Et l’un des plus puissants leviers de ce glissement fut l’activité humaine.
Entre 1835 et 2011, environ 7 000 barrages ont été construits dans le monde. Ensemble, ils retiennent assez d’eau pour remplir deux fois le Grand Canyon. Ce poids hydrique déplacé a non seulement influencé la rotation terrestre, mais il a aussi ralenti temporairement la montée des océans. En effet, en retenant l’eau douce à l’intérieur des continents, ces ouvrages ont retenu une partie de l’eau qui aurait contribué à l’élévation du niveau marin.
C’est donc une réalité que peu de gens soupçonnent : nos infrastructures hydrauliques influencent le mouvement de la planète elle-même. Et cette influence est plus directe qu’on ne l’imaginait.
Ce déplacement révèle l’ampleur insoupçonnée de notre pouvoir géophysique
Le glissement d’un mètre peut sembler insignifiant à l’échelle d’un globe. Toutefois, il incarne la capacité de l’humanité à modifier les équilibres fondamentaux de la Terre. En observant les données historiques, les scientifiques distinguent deux phases majeures dans cette dérive.
D’une part, la première s’étend de 1835 à 1954. À cette époque, les grands barrages fleurissent en Europe et en Amérique du Nord. Leur construction pousse le pôle Nord à dériver vers l’est. D’autre part, la seconde phase, plus récente, voit l’essor des barrages en Asie et en Afrique, ce qui fait basculer le pôle vers l’ouest.
Conséquence directe : le niveau des mers ne s’élève pas de manière uniforme. La géométrie de cette montée dépend du poids d’eau déplacé sur la planète. Chaque réservoir, chaque retenue, modifie la forme même du changement climatique à venir.
Une simple question en suspens : peut-on encore rééquilibrer ce que l’on a désaxé ?

Ce que je trouve fascinant ici, c’est l’effet papillon à l’échelle planétaire. Nous avons construit ces barrages pour nous protéger, pour réguler, pour sécuriser. Et dans cet élan d’ingéniosité, nous avons déclenché une réaction planétaire subtile mais réelle.
Dès lors, si un mètre suffit à faire bouger les pôles, que peuvent provoquer nos prochains projets d’aménagement ? Et comment mesurer ce que la Terre ajuste en retour ?
Il est peut-être temps d’élargir notre réflexion. Non seulement sur les effets du changement climatique, mais aussi sur la manière dont la planète réagit à nos gestes techniques. Nous ne modifions plus seulement son climat ou sa biodiversité. Désormais, nous touchons à son équilibre fondamental.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences, Actualités
« Leur construction pousse le pôle Nord à dériver vers l’est ». Qu’est ce que ça peut bien vouloir dire ? Je n’en sais rien et l’auteur non plus probablement.
Bonjour JLB,
Voici pour vous : La phrase « Leur construction pousse le pôle Nord à dériver vers l’est » fait référence à un phénomène scientifique réel : le déplacement du pôle Nord géographique (ou plus précisément du « pôle de rotation ») sous l’effet des redistributions de masse sur Terre.
Contexte scientifique :
La Terre tourne autour d’un axe, et le point d’intersection de cet axe avec la surface terrestre est appelé le pôle Nord de rotation. Ce point n’est pas fixe : il se déplace lentement, un phénomène appelé migration polaire.
Pourquoi les barrages influencent-ils ce mouvement ?
Les grands barrages (comme ceux sur le Nil, le Colorado ou le Yangzi Jiang) retiennent d’énormes volumes d’eau. Cela modifie la répartition des masses à la surface de la Terre. Or, la rotation d’un objet (comme la Terre) est sensible à la façon dont sa masse est répartie : c’est une question de moment d’inertie (comme dans un patineur qui tourne plus vite en repliant les bras).
Lorsque l’eau est déplacée — par exemple, stockée dans un réservoir artificiel — cela peut suffire à provoquer un léger déplacement de l’axe de rotation, donc du pôle Nord.
Pourquoi vers l’est ?
Entre 1835 et 1954, la majorité des grands barrages étaient construits en Europe et en Amérique du Nord, c’est-à-dire dans l’hémisphère nord et surtout dans l’ouest de l’Eurasie et de l’Amérique. Cela a provoqué un déplacement du pôle vers l’est, car la masse d’eau accumulée a modifié l’équilibre global.
Depuis les années 1960, avec l’essor des barrages en Asie et en Afrique, le pôle Nord a commencé à dériver vers l’ouest, reflétant un nouveau déséquilibre.
En résumé :
La construction massive de barrages déplace de grandes quantités d’eau, ce qui change la répartition des masses à la surface de la Terre. Ce changement modifie très légèrement l’axe de rotation de la planète, entraînant une dérive du pôle Nord. L’orientation de cette dérive dépend de l’endroit où les masses sont déplacées : d’abord vers l’est avec les barrages occidentaux, puis vers l’ouest avec ceux du Sud et de l’Est.