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Des astronomes découvrent « l’Oeil de Sauron » qui crache des particules fantômes à travers l’espace

Il pourrait bien être l'un des accélérateurs de particules les plus puissants jamais identifiés dans l'Univers

Image du jet lumineux du blazar PKS 1424+240, un phénomène énergétique observé dans l’espace profond.
Le jet du blazar PKS 1424+240, orienté vers la Terre, amplifie son signal et dévoile de nouvelles informations sur ces objets extrêmes – Source : A&A Volume 700, August 2025

À des milliards d’années-lumière de la Terre, un phénomène céleste intrigue les astronomes. Une galaxie active, baptisée PKS 1424+240, révèle au cœur de son activité un spectacle qui ressemble étrangement à l’« Œil de Sauron » imaginé par Tolkien. Mais il s’agit en réalité d’un blazar, c’est-à-dire une galaxie dont le trou noir central libère des jets de matière et d’énergie à une vitesse proche de celle de la lumière.

Le mystère des jets galactiques

Ce blazar n’est pas un objet ordinaire. Pendant quinze ans, les scientifiques ont scruté son comportement grâce à des télescopes radio de très haute précision. Les images obtenues montrent que ce cœur galactique pourrait bien être le plus puissant accélérateur de particules jamais identifié dans l’Univers.

Les blazars figurent parmi les sources lumineuses les plus intenses du cosmos. Ils sont alimentés par des trous noirs supermassifs qui aspirent la matière environnante avant de la projeter sous forme de jets colossaux de plasma. Ces faisceaux, accélérés à des vitesses vertigineuses, émettent des rayonnements allant des ondes radio aux rayons gamma les plus énergétiques.

PKS 1424+240 intrigue particulièrement les chercheurs. Non seulement il brille avec une intensité exceptionnelle, mais il est également une source confirmée de neutrinos, ces « particules fantômes » presque impossibles à détecter car elles traversent la matière sans interagir. L’observatoire IceCube, installé en Antarctique, a montré que ce blazar était le plus lumineux connu dans ce domaine. Or, la combinaison de neutrinos de haute énergie et de rayons gamma puissants posait un problème. Selon les théories établies, seuls les jets les plus rapides pouvaient produire un tel rayonnement. Pourtant, celui observé semblait étrangement lent.

Une illusion cosmique

La clé de l’énigme est venue du Very Long Baseline Array (VLBA), un réseau de dix antennes radio réparties sur l’ensemble du continent nord-américain. En combinant leurs signaux, les chercheurs ont obtenu un télescope virtuel de la taille de la Terre, capable d’atteindre une résolution sans précédent. Pendant plus de quinze ans, ces instruments ont enregistré des données qui ont permis de reconstituer une image d’une finesse inégalée du jet de PKS 1424+240.

Les résultats ont surpris même les plus prudents des chercheurs. Selon Yuri Kovalev, astrophysicien à l’Institut Max-Planck et principal auteur de l’étude, les images montraient un champ magnétique d’une symétrie presque parfaite, structuré en forme de tore, et orienté directement vers la Terre. Ce détail change tout car l’alignement du jet avec notre planète amplifie sa luminosité par un facteur supérieur à trente. En d’autres termes, ce qui nous semblait être un jet lent n’était en réalité qu’une illusion d’optique causée par la perspective.

Jack Livingston, coauteur de l’étude, précise que ce phénomène est comparable à une supercherie visuelle classique. En observant le jet de face, les mesures donnaient une impression de lenteur, alors que dans sa dynamique réelle, il s’agissait d’un des plus violents accélérateurs connus. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Astronomy & Astrophysics.

Le rôle des champs magnétiques

Outre cette illusion résolue, les observations ont permis de cartographier avec précision le champ magnétique du jet. Celui-ci s’enroule en spirale autour de son axe, une structure capable de jouer le rôle d’un ressort géant. En se comprimant et en se relâchant, ce champ propulse les particules chargées à des vitesses et des énergies phénoménales.

Ce mécanisme n’accélère pas seulement les électrons, responsables des ondes radio et des rayons gamma. Il agit également sur les protons, ce qui explique la production de neutrinos de très haute énergie détectés sur Terre. Selon Kovalev, cette découverte démontre que les noyaux galactiques actifs, en particulier ceux abritant des trous noirs supermassifs, sont à la fois d’extraordinaires accélérateurs d’électrons et de protons.

La percée scientifique autour de PKS 1424+240 marque aussi une victoire pour le programme MOJAVE, une campagne internationale qui suit depuis plusieurs décennies l’évolution des jets galactiques grâce au VLBA. Pour Anton Zensus, cofondateur du projet, ce travail illustre la puissance de la recherche patiente et cumulative. Lors des débuts du programme, relier directement les jets de trous noirs à l’origine des neutrinos cosmiques semblait relever de la pure science-fiction. Désormais, cette hypothèse prend une consistance scientifique solide.

Par ailleurs, ce qu’on observe dépasse l’imagination : cet été, la comète 3I/ATLAS lève peu à peu le voile sur l’un des plus vieux secrets de notre galaxie.

Par Eric Rafidiarimanana, le

Source: ZME Science

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