Des scientifiques ont identifié les caractéristiques génétiques communes aux personnes ayant survécu à la peste noire il y a plus de 700 ans, aujourd’hui associées à une sensibilité accrue à certaines maladies auto-immunes.
L’héritage génétique de l’épidémie de peste noire
L’étude d’ADN provenant de victimes et de survivants de l’épidémie de peste bubonique ayant décimé 50 % de la population européenne au XIVe siècle a révélé que les personnes possédant une version mutée d’un gène appelé ERAP2 étaient largement plus susceptibles d’y avoir survécu. Il se trouve que cette mutation particulière constitue aujourd’hui un facteur de risque de la maladie de Crohn et a été liée à d’autres maladies auto-immunes (diabète, polyarthrite…), ce qui souligne l’influence durable de la peste noire sur notre organisme.
« C’est, à ma connaissance, la première démonstration que la peste noire a effectivement représenté une pression sélective importante pour l’évolution du système immunitaire humain », souligne Luis Barreiro, professeur à l’université de Chicago aux États-Unis et co-auteur de la nouvelle étude, publiée dans la revue Nature.
Barreiro et ses collègues ont examiné plus de 500 échantillons d’ADN ancien provenant d’ossements extraits d’anciens cimetières anglais et danois et de fosses à peste de Londres (qui avaient été utilisées pour des enterrements collectifs en 1348 et 1349). Les échantillons provenaient de personnes décédées avant ou après la peste, ou ayant survécu à l’épidémie.
Un taux de survie 40 % plus élevé chez les porteurs de la version mutée d’ERAP2
Des signes d’une adaptation génétique liée à la peste, causée par la bactérie Yersinia pestis, ont ensuite été recherchés. L’équipe a découvert que le fait de posséder deux copies du « bon » gène ERAP2 permettait aux individus de produire des protéines fonctionnelles (molécules aidant le système immunitaire à reconnaître une infection).
Les chercheurs ont découvert que ces copies du gène ERAP2 permettaient une « neutralisation plus efficace de Y. pestis par les cellules immunitaires », se traduisant par une augmentation d’environ 40 % des chances de survivre à la peste noire.
« Ces travaux montrent que les grandes épidémies peuvent modifier durablement les génomes, avec des gènes ayant fourni une protection contre la peste pendant des centaines d’années aujourd’hui liés aux maladies auto-immunes », avance Hendrik Poinar, chercheur à l’université McMaster et co-auteur de l’étude. « Si un système immunitaire hyperactif a pu être bénéfique par le passé, son impact se révèle bien différent dans l’environnement actuel. »
Par Yann Contegat, le
Source: The Guardian
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