Cette petite mouche brésilienne n’a pas froid aux yeux et n’hésite pas à s’attaquer à des fourmis dix fois plus grandes qu’elle. Sa méthode est radicale : elle décapite ses proies. Ce n’est que très récemment que les scientifiques ont pu être les témoins de ce comportement surprenant. DGS partage avec vous la vidéo de ces meurtres sauvages entre insectes.
Les entomologistes n’ont pas encore répertorié toutes les espèces d’insectes du monde, loin s’en faut, et même les comportements de la plupart des insectes connus n’ont pas toujours été observés. Les chercheurs connaissaient déjà une mouche brésilienne qui transformait ses victimes, des fourmis de feu, en de véritables zombies, en les infectant avec sa larve, cette dernière dévorant le cerveau de la fourmi encore vivante avant d’en sortir sous la forme d’une mouche adulte une fois la fourmi morte et vide. Pourtant, les scientifiques ont été très surpris par les méthodes de chasse radicales de cette nouvelle venue sur la liste des tueuses de fourmis lorsqu’ils ont pu l’observer dans la forêt amazonienne.
L’entomologiste Ryan Brown et son équipe se trouvaient à Minas Gerais, au Brésil, pour étudier certaines mouches parasites appartenant à la famille des Phoridae. C’est presque par pur hasard que l’une des membres de l’équipe, Giar-Ann Kung, a observé avec surprise une petite mouche s’attacher à une fourmi carnivore blessée et lui couper la tête avant de repartir avec son dû le plus naturellement du monde. « Être témoin d’un évènement pareil, lorsque l’on étudie la faune, surtout une faune aussi petite, c’est une chance extraordinaire, parce qu’il faut être au bon endroit au bon moment », poursuit Brown. « C’était totalement inattendu. »
La mouche cherche sa prise :
Dans la jungle du bassin amazonien, les fourmis représentent une portion importante de la biomasse animale, et le sol ou les arbres en sont généralement couverts. Une source de nourriture bien évidemment exploitée par des prédateurs, parmi lesquels se glissent parfois des chasseurs inattendus, comme cette minuscule mouche du genre Dohrniphora (elle mesure entre 1 et 3 millimètres à l’âge adulte). Aussitôt qu’elle aperçoit une fourmi carnivore du genre Odontomachus blessée ou malade (ce qui évite au prédateur de devenir une proie à son tour) la petite mouche s’accroche à son cou et à l’aide de son proboscis (une sorte de trompe) en forme de scie, la décapite avec application. Il ne lui reste alors plus qu’à repartir avec son butin, la tête, et sucer la nourriture qu’elle contient.
Brian Brown explique : « Les fourmis sont des créatures agressives et coriaces, les combats entre colonies de fourmis sont fréquents et à l’issue des combats les blessées sont abandonnées sans ménagement. Cette mouche profite donc d’une niche écologique très spécifique en s’attaquant aux fourmis blessées, ce qui lui est hautement bénéfique puisqu’elle exploite cette manne alimentaire de manière particulièrement productive. »
Elle commence son travail de décapitation :
Même si cela reste pour l’instant une hypothèse, les chercheurs pensent que les fourmis blessées et inopérantes libèrent un certain type de phéromone, phéromone qui attirerait justement les mouches. Ces dernières arrivent directement en s’accouplant en vol, avant que les mâles ne quittent les lieux du crime et laissent les femelles seules à leur sinistre besogne. Brian Brown poursuit : « Il serait assez improbable que les mouches copulent aléatoirement et soient amenées par hasard à tomber sur un champ de bataille jonché de fourmis mourantes. Peut-être qu’elles ont besoin de nourriture pour développer leurs oeufs. » Ce pourquoi elles se mettraient à s’accoupler dès qu’une source de nourriture serait détectée.
Ces mouches, aussi bien que leurs cousines transformant les fourmis de feu en zombies, appartiennent justement à la famille des Phoridae, des mouches hautement spécialisées vivant toutes en Amérique centrale ou en Amérique du Sud. Certaines par exemple ne se nourrissent que d’un certain type de champignon, ce dernier lui-même ne se développant que sous la carapace de certains scarabées bousiers bien spécifiques. « La biodiversité ne cesse jamais de nous surprendre », conclut Brown.
Une fois la tête coupée, la mouche l’emmène :
Incroyable ! La nature n’a décidément pas fini de nous surprendre. Cette mouche achevant implacablement les fourmis blessées pour s’en nourrir nous a rappelé qu’en général, ce sont plutôt les mouches qui finissent décapitées par d’autres insectes, comme nous le montrait cette vidéo d’une mante religieuse. Et vous, quel camp avez-vous choisi, mouches ou fourmis ?
Par Romain Berthommier, le
Source: live science