Après la Seconde Guerre mondiale et durant les enquêtes destinées à punir les coupables et responsables du conflit, de nombreux dossiers horrifiques ont fait surface. Parmi eux, les expérimentations menées par Josef Mengele sur les prisonniers du camps d’Auschwitz, incluant hommes, femmes et enfants dans ses recherches sur la génétique sans égard pour leurs souffrances. Aujourd’hui et avec une certaine ironie, le squelette du docteur est à son tour devenu sujet d’étude.
Pour bien saisir l’importance des études menées sur Josef Mengele, il faut se penchersur son histoire : né en 1911 en Bavière, il rejoint le parti nazi en 1937. Recruté par la Wehrmacht, il entre dans les rangs des bataillons médicaux de la branche SS
avant d’intégrer le « Bureau pour la race et le peuplement » (RuSHA). S’en suit un passage par l’Ukraine où il occupera le poste de médecin dans un bataillon, ce qui lui vaudra d’être récompensé pour l’aide apportée sur le terrain avant d’être déclaré inapte au combat des suites d’une blessure grave.
En 1943, débutent ses années d’études dans le camps d’Auschwitz-Birkenau : c’est dans l’optique de poursuivre ses travaux sur la génétique qu’il accepte de s’y rendre, profitant ainsi des victimes de la guerre comme cobaye à ses recherches.
AUSCHWITZ-BIRKENAU : LE TERRAIN DE JEU DE MENGELE
Pour ce scientifique, le camp était une opportunité en or. Chaque jour, des centaines de déportés arrivaient de toute l’Europe et parmi eux, on trouvait de nombreuses femmes enceintes, enfants, handicapés ou personnes âgées qui ne pouvaient pas abattre la masse de travail forcé demandée : ces derniers, qui représentaient près des trois-quart des déportés, étaient directement envoyés dans les chambres à gaz.
C’est là qu’intervenait Mengele : celui qu’on aurait pu imaginer soigner les blessés, était en réalité chargé de sélectionner les déportés capables de travailler et d’envoyer à la mort ceux qui ne l’étaient pas. C’est dans cette seconde catégorie que le Célèbre Docteur de la Mort choisissait les cobayes pour ses expériences.
Au nom de la science, les scientifiques et les médecins pouvaient alors tout se permettre. Officiellement, les recherches de Mengele devaient faciliter la reproduction des êtres supérieurs, soit des aryens, notamment par la manipulation génétique. Pour le scientifique et ses confrères, la clé de ces recherches se trouvait dans la biologie des jumeaux : grâce au soutien financier de ses pairs, Mengele aura pu poursuivre ses travaux en mettant au point de sinistres expériences scientifiques au sein même du camp, dans le tristement célèbre bloc n°10.
ON L’APPELAIT LE DOCTEUR DE LA MORT
Stérilisation, amputation sans anesthésie, injection de produits chimiques, transfusion de sang entre jumeaux sont quelques-unes de ses nombreuses techniques visant à faire avancer ses recherches. Josef Mengele participe aussi aux études de ses collègues en tuant et disséquant les déportés avant d’en envoyer les membres et organes à ses pairs restés en ville.
Après la guerre et bien qu’ayant la conscience tranquille, Mengele craignait des répercussions. Cité lors du Procès de Nuremberg, le scientifique faisait partie de ceux responsables des horreurs du conflit mais eut tout de même la chance d’être considéré comme mort par les Alliés. Fuyant le pays, il entama un long voyage à travers le monde pour fuir les différents procès réservés aux nazis et éviter ainsi d’être condamné à mort : il traversa notamment le Paraguay, l’Uruguay et enfin, le Brésil.
LA SECONDE VIE DU DOCTEUR MENGELE
Mort en 1979, alors qu’il était exilé au Brésil, Josef Mengele fut exhumé par le pathologiste Daniel Romero Munoz, en 1985, qui identifia partiellement le scientifique nazi avant de confirmer ses informations en 1992, grâce à une analyse ADN. L’opération qui amena à l’exhumation du bourreau découlait des recherches menées par les États-Unis, l’Allemagne de l’Ouest et le gouvernement israélien. À la demande de sa famille, l’Ange de la Mort ne fut jamais rapatrié en Allemagne et resta enfermé durant environ 30 ans entre les murs de l’Institut Médico-légal de Sao Paulo.
L’histoire de Josef Mengele aurait pu s’arrêter là, si Romero Munoz n’en avait pas
décidé autrement : plusieurs années après sa découverte, le pathologiste revint sur ses travaux, trouvant un fort potentiel éducatif dans les restes du médecin allemand. En effet, cet homme à l’histoire si particulière a de quoi étonner, et ce, aussi bien par les actions menées de son vivant que par les traces trouvées sur ses os. Sa vie militaire, ses problèmes de santé et les marques laissées par sa fuite et son exil sont une grande source d’informations pour les scientifiques spécialisés dans l’étude des maladies.
Lors d’une conférence suivant l’obtention de l’autorisation nécessaire à l’étude de ces os, le Dr Munoz a pris soin d’expliquer ses motivations : « Les os seront utiles pour enseigner comment examiner les restes d’un individu et faire correspondre les informations trouvées avec les données liées à la personne. »
LE MÉDECIN FOU EST DEVENU UN SUJET D’ÉTUDES POUR DE NOMBREUX ÉTUDIANTS
Les équipes du Dr Munoz ont rapidement pu faire le lien entre les traces trouvées sur les os de Mengele et les données recueillies sur sa vie : une fracture repérée sur le pelvis a pu être reliée à un accident signifié sur le dossier militaire du médecin bavarois, confirmant que ce dernier avait bien fait une chute à moto dans le camp d’Auschwitz-Birkenau. Cela ne s’arrête pas là : une sinusite, des abcès et bien d’autres informations furent trouvées par les élèves de l’université de Sao Paulo qui travaillent sur les restes du criminel de guerre.
MENGELE : UN SUJET D’ÉTUDE
En plaçant Josef Mengele au cœur de ses études et de son enseignement, le Dr Munoz apporte énormément aux recherches menées sur la Seconde Guerre mondiale, dépassant même la sphère scientifique. En effet, l’historienne Maria Luiza Tucci Carneiro en charge des études menées sur l’ethnicité, le racisme et les discriminations au sein de l’université de São Paulo aura profité des travaux de son collègue pour souligner l’importance d’étudier l’organisation dont a profité Mengele pour mener à bien ses expériences.
En janvier 2017, la professeure déclarait qu’il s’agissait aussi d’enseigner comment des « médecins, psychiatres et scientifiques au service du Reich ont utilisé leurs connaissances pour exclure les groupes ethniques classés comme appartenant à des races inférieures » avant d’ajouter : « Une exclusion qui a culminé en génocide ». Dépassant les limites de l’histoire et de la science, Josef Mengele est aussi un sujet d’étude pour les étudiants en éthique.
Scientifique fou, criminel de guerre et nazi renommé, Josef Mengele aura laissé une importante trace dans l’histoire aussi bien de son vivant qu’après sa mort. Grâce au travaux du Dr Munoz et de ses collègues, les actions de celui qu’on appelait l’Ange de la Mort ne seront pas oubliées.