Les astronomes ont fait un pas de plus vers la résolution d’un mystère cosmique tenace. Les données récoltées par le télescope spatial Hubble ont montré qu’une galaxie naine était en train d’être dépouillée de sa matière noire par une galaxie voisine.
L’exception qui confirme la règle
La matière noire est une caractéristique de la cosmologie depuis les années 1930, lorsque l’idée a été proposée pour la première fois. La vitesse à laquelle les étoiles et les galaxies se déplacent est censée être proportionnelle à leur masse – mais en 1933, l’astrophysicien suisse Fritz Zwicky a observé des amas se déplaçant beaucoup plus rapidement qu’ils n’auraient « dû » le faire, d’après la masse de leur matière visible. Il a alors émis l’hypothèse qu’il devait y avoir d’énormes quantités de matière invisible, s’ajoutant à la masse globale.
Au cours des décennies qui ont suivi, cette idée a été confirmée par d’innombrables observations, révélant que la quasi-totalité des galaxies étudiées se déplaçaient plus vite que ne le permettait leur matière visible. Mais en 2018, les chercheurs ont constaté que NGC 1052-DF2 évoluait comme l’aurait fait une galaxie possédant une quantité très faible de matière noire. L’année suivante, une autre galaxie tout aussi légère, appelée NGC 1052-DF4, a à son tour été détectée.
Si de telles découvertes peuvent au premier abord sembler remettre en cause la théorie de la matière noire, il s’agit en fait des exceptions confirmant la règle. Le principal argument opposé à celle-ci est qu’il s’agit simplement d’une erreur de calcul, mais si tel était le cas, la même erreur devrait s’appliquer à toutes les galaxies. L’absence de matière noire dans deux d’entre elles montre par conséquent qu’il s’agit d’une substance quantifiable, présente en quantités plus ou moins importantes.
Une galaxie « cannibalisée »
Ne restait plus qu’à savoir ce qu’il était advenu de la matière noire manquante. En examinant DF4, une équipe internationale d’astronomes a déterminé que celle-ci était littéralement arrachée par l’influence gravitationnelle d’une galaxie voisine plus massive, appelée NGC 1035. Bien que des simulations antérieures aient suggéré que cela était possible, c’est la première fois que l’hypothèse a été confirmée par des observations.
Dans le cadre de ces travaux récemment publiés dans l’Astrophysical Journal, l’équipe a réalisé une image optique profonde de DF4 à l’aide du télescope spatial Hubble, en examinant sa lumière et la répartition de groupes d’étoiles très denses orbitant en son centre, appelés amas globulaires. La disposition de ces derniers a suggéré que ceux-ci étaient arrachés à leur galaxie hôte, tandis que l’analyse de la lumière a révélé la présence de queues de marée, filaments d’étoiles et de gaz stellaires caractéristiques de cette dislocation.
Plus diffuse que la matière ordinaire, la matière noire serait arrachée en premier. Une fois celle-ci disparue, les astres commenceraient à subir le même sort. « A terme, NGC 1052-DF4 sera cannibalisée par le grand système entourant NGC 1035, avec au moins certaines de ses étoiles flottant librement dans l’espace lointain », conclut Ignacio Trujillo, de l’Institut d’astrophysique des Canaries et co-auteur de l’étude.
Par Yann Contegat, le
Source: New Atlas
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