La matière noire est l’un des plus grands mystères de l’astrophysique. Invisible et insaisissable, elle ne se manifeste que par son influence gravitationnelle sur la matière ordinaire et la lumière. Une équipe internationale d’astronomes a utilisé un télescope au Chili pour dresser la carte la plus détaillée de sa distribution dans le cosmos.
Une image inédite de l’Univers invisible
Pour réaliser cet exploit, les chercheurs ont utilisé le télescope cosmologique d’Atacama (ACT), qui observe le fond diffus cosmologique (CMB), le rayonnement fossile émis juste après le Big Bang. En analysant la façon dont ce rayonnement est dévié par la gravité des structures massives qu’il traverse, ils ont pu mesurer la quantité et la répartition de la matière noire sur un quart du ciel et sur plus de 14 milliards d’années d’évolution de l’Univers.
Leur carte, présentée lors d’une conférence au Japon, est la plus précise jamais obtenue pour cette mystérieuse substance, qui constitue 85 % de la matière de l’Univers. Elle confirme également la validité de la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, qui décrit comment la gravité courbe l’espace-temps et la lumière.
Einstein avait raison (encore une fois)
Les résultats de l’étude sont compatibles avec le modèle cosmologique standard, basé sur les équations d’Einstein, qui prédit la formation de l’Univers et son évolution depuis le Big Bang. Ils contredisent les précédentes cartes de la matière noire, qui montraient que le réseau cosmique, formé par les filaments de matière noire et de gaz qui relient les galaxies, est moins dense que prévu.
Cette recherche jette également un nouvel éclairage sur la « crise cosmologique », qui concerne le désaccord entre les différentes méthodes de mesure de l’âge et du taux d’expansion de l’Univers. Selon Mathew Madhavacheril, membre de l’équipe de l’ACT et professeur à l’université de Pennsylvanie (États-Unis), « ce résultat montre la précision que l’on peut obtenir avec les mesures du fond de micro-ondes par lentille gravitationnelle, et la promesse d’expériences futures plus sensibles pour améliorer notre compréhension de la physique de l’Univers ».
Un télescope hors service mais pas obsolète
L’observatoire Simons est une collaboration internationale entre la fondation Simons et plusieurs universités, dont l’université de Pennsylvanie, l’université de Princeton, l’université de Californie à San Diego, l’université de Californie à Berkeley et le laboratoire national Lawrence Berkeley. Il vise à étudier les origines cosmiques de l’Univers avec une sensibilité et une résolution sans précédent.
L’ACT a été mis hors service en septembre 2022, après 15 ans d’observation du ciel. Mais ses données continuent à être analysées et à fournir des informations précieuses sur la matière noire, l’énergie noire, les trous noirs et d’autres phénomènes cosmiques. L’observatoire Simons du site poursuit les observations avec un nouveau télescope plus performant, qui devrait entrer en service en 2024.
Le nouveau télescope sera capable de balayer le ciel presque 10 fois plus vite que l’ACT, et couvrira une gamme de fréquences allant de 27 à 280 GHz. Il permettra de mesurer avec plus de précision les fluctuations du fond diffus cosmologique, ainsi que les effets des lentilles gravitationnelles, des amas de galaxies, des sources extragalactiques et des trous noirs supermassifs. Il contribuera également à préparer la future expérience CMB-S4, qui sera le prochain grand projet de la communauté cosmologique.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Live Science
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