Depuis plusieurs années, les astrophysiciens font face à une bizarrerie persistante : l’Univers ne semble pas s’étendre au même rythme selon la façon dont on le mesure. Une nouvelle étude alimentée par les données du télescope spatial James Webb vient encore complexifier le casse-tête. Et si notre modèle de l’Univers avait un bug ?

Deux approches scientifiques, deux vitesses d’expansion mesurées, et un fossé qui grandit entre les résultats
D’un côté, on a les mesures du fond diffus cosmologique, vestige lumineux du Big Bang, récoltées notamment par le satellite Planck. Elles nous parlent d’un Univers qui s’étend à une vitesse d’environ 67 km/s/Mpc. De l’autre, les observations de galaxies proches et d’étoiles variables comme les céphéides nous donnent une vitesse d’environ 73 km/s/Mpc. Ce n’est pas une petite différence. C’est un écart qui fait grincer les dents de toute la communauté scientifique.
Jusqu’ici, on pouvait accuser les instruments de mesure ou des erreurs systématiques. Pourtant, les données ultra-précises du James Webb viennent de confirmer que cet écart est bien réel. Il ne s’agit pas d’un artefact. C’est la réalité. Et c’est… perturbant.
Ce paradoxe a un nom : la tension de Hubble. Il ne s’agit pas d’un simple détail technique, mais bien d’une faille potentielle dans notre compréhension du cosmos. Si deux méthodes aussi robustes ne tombent pas d’accord, cela signifie peut-être que quelque chose nous échappe… ou que l’Univers joue avec nos certitudes.
Les observations du télescope James Webb confirment un rythme d’expansion plus rapide dans l’Univers proche
L’équipe du prix Nobel Adam Riess, spécialiste des supernovae et de l’expansion cosmique, a utilisé le James Webb pour mesurer les céphéides avec une précision jamais atteinte (2 % d’erreur, contre 8 à 9 % auparavant). Grâce à cette avancée, le résultat est sans appel : 72,6 km/s/Mpc, en parfait accord avec les précédentes mesures du télescope Hubble.
Donc non, ce n’était pas Hubble qui déraillait. Ce n’était pas un bug informatique. L’Univers proche s’étend plus vite que ce que prédit le modèle standard basé sur l’Univers primordial. Cette constatation remet en question nos hypothèses les plus solides sur l’évolution du cosmos. Et pour le moment, personne ne sait pourquoi, ce qui ajoute encore à l’intrigue.
Des hypothèses audacieuses explorent des zones inconnues de la physique moderne
Alors, que se passe-t-il ? Face à ce mystère, les théoriciens se lâchent. Certains imaginent une forme d’énergie noire inconnue, qui aurait joué un rôle prépondérant juste après le Big Bang. D’autres suggèrent une matière noire plus complexe, ou encore des particules exotiques jamais détectées. Par ailleurs, certains vont jusqu’à remettre en question la constance de la masse de l’électron !
Dans un autre coin du labo, certains osent parler de champs magnétiques primordiaux ou de variations locales de la géométrie de l’espace-temps. Autrement dit, les hypothèses sont nombreuses. Mais ce qui est fascinant, c’est que ce mystère pourrait bien nous obliger à repenser les fondations même de la cosmologie moderne.
Ce mystère pourrait révéler un nouvel ingrédient fondamental de notre Univers (ou une erreur bien cachée)
Comme le dit Adam Riess, « plus on creuse, plus le problème semble réel« . Et plus le mystère s’épaissit. Pour y voir plus clair, il va donc falloir accumuler encore plus de données, multiplier les instruments, croiser les méthodes, affiner les modèles et surtout confronter les théories à des observations indépendantes et variées.
On pourrait être à l’aube d’une nouvelle physique. Ou juste au bord d’une erreur qu’on ne voit pas encore. Ce serait un bouleversement colossal, mais aussi une opportunité unique d’ouvrir de nouvelles portes sur la structure même du réel. Ce genre de « bug » a souvent précédé les plus grandes révolutions scientifiques.
Par Gabrielle Andriamanjatoson, le
Source: Live Science
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