Durant des décennies, des rumeurs ont circulé au sujet des tests désastreux de drogues de synthèse pratiqués par la CIA dans les années 1950. Pour tester les effets de ces drogues de synthèse, l’agence américaine n’hésitait pas à administrer du LSD à des cobayes non consentants, et Frank Olson en a payé le prix fort.
UNE EXPÉRIENCE DU PROJET « MK-ULTRA »
En apparence, rien ne différenciait les Olson des autres familles américaines vivant à Frederick dans le Maryland. Mais Frank, le père de famille, menait en réalité une vie secrète : il travaillait au sein de la division chimique de l’armée américaine (SOD) et était chargé de développer des moyens de diffuser efficacement des souches bactériologiques mortelles.
Pendant que Frank Olson s’affairait à dissimuler les substances mortelles mises au point par l’armée dans des tubes de mousse à raser ou des bombes d’insecticide, Sidney Gottlieb, un chercheur travaillant pour le compte de la CIA, mettait au point des armes bien différentes, dans le cadre du programme MK-Ultra , visant à développer diverses techniques de manipulation mentale.
UNE SUBSTANCE HALLUCINOGÈNE INCOLORE ET INODORE
Gottlieb étudiait depuis plusieurs années les effets de différents narcotiques (principalement la cocaïne et la mescaline) sur l’homme afin de pouvoir en tirer avantage en temps de guerre. Au début des années 1950, il s’était notamment tourné vers le LSD, ou acide lysergique, une puissante substance hallucinogène incolore et inodore aux effet secondaires désastreux.
Si les drogues de synthèse développées dans le cadre du programme MK-ULTRA étaient testées dans les universités et les prisons américaines, le LSD était régulièrement dissimulé dans la nourriture et les boissons et administré à l’insu des chercheurs eux-mêmes afin de connaître et d’analyser leurs réactions en cas de prise involontaire.
Si les supérieurs de Gottlieb l’avaient rapidement autorisé à mener ses expériences secrètes sur des civils, ce dernier avait une meilleure idée. Chaque année, les chercheurs du programme MK-ULTRA rencontraient ceux du SOD (parmi lesquels figurait Frank Olson) pour un week-end de brainstormings, et c’était l’occasion rêvée pour tester cette substance.
Il s’agissait d’hommes ayant l’habitude de développer des substances chimiques puissantes, et Gottlieb imaginait qu’il serait tout à fait logique qu’ils testent eux-mêmes les drogues de synthèse qu’ils développaient. À l’occasion d’une réunion organisée le 19 novembre 1953, il offrait un « cocktail au LSD » à tous les participants, et attendait une vingtaine de minutes avant de leur révéler son petit secret.
Moins d’une heure plus tard, Olson commençait à se comporter bizarrement. Frappé par une profonde paranoïa, il hurlait, pleurait et était convaincu que la CIA voulait sa peau. Gottlieb était perplexe, étant donné que c’était la première fois que l’un de ses cobayes se comportait de la sorte.
FRAPPÉ PAR UNE PROFONDE PARANOÏA, OLSON HURLAIT, PLEURAIT, ET ÉTAIT CONVAINCU QUE LA CIA VOULAIT SA PEAU
Si l’ensemble des sujets de l’expérience secrète de Gottlieb étaient « redescendus » le lendemain, ce n’était pas le cas de Frank, qui semblait toujours profondément perturbé et craintif. Ne sachant que faire, Sydney Gottlieb l’autorisait finalement à rentrer chez lui.
Lorsqu’il retrouvait les siens, Frank Olson avait changé. Autrefois mari et père aimant, l’homme était devenu paranoïaque et dépressif, ce qui poussait Gottlieb a l’envoyer chez un psychothérapeute new-yorkais réputé qui avait utilisé pendant des années le LSD sur ses patients pour traiter leurs dépendances.
La situation de Frank Olson ne semblant pas s’améliorer au fil des séances (il entendait des voix et était toujours persuadé que la CIA tentait de le faire disparaître), il était finalement décidé qu’il serait admis en soins psychiatriques.
Mais à la veille de son admission, Frank Olson, qui partageait alors une chambre d’hôtel avec un chercheur de la CIA, traversait la pièce en courant et se défenestrait. Son corps sans vie était retrouvé dix étages plus bas, neuf jours seulement après sa terrible expérience. La CIA choisissait de taire les causes et circonstances exactes de sa mort et sa veuve recevait les deux tiers du salaire de son mari, officiellement décédé d’une « maladie classée secret-défense », comme pension.
LA CIA CHOISISSAIT DE TAIRE LES CAUSES ET CIRCONSTANCES EXACTES DE LA MORT DE FRANK OLSON
Ce regrettable incident ne freinait pas Sidney Gottlieb, qui allait continuer à tester les effets du LSD durant les dix années à venir en l’administrant notamment à des prostituées et des sans-abri « qui ne manqueraient à personne » selon la CIA.
Les causes exactes de la mort de Frank Olson étaient finalement révélées par le New York Times en décembre 1974. Dans un long article, le quotidien levait le voile sur les expériences de contrôle mental menées par la CIA pendant plus de 20 ans, et révélait à cette occasion qu’au moins un des cobayes était mort après avoir ingéré du LSD : il s’agissait de Frank Olson. Suite à ces révélations, la famille du défunt recevait des excuses de la part du président Gerald Ford et obtenait 750 000 dollars en dédommagement.