Ordinateurs affamés, données insatiables, modèles toujours plus lourds : l’intelligence artificielle générative pourrait bien être la face cachée de la crise climatique. Entre énergie, eau, métaux rares et pollution invisible, sa croissance exponentielle questionne la soutenabilité du numérique. Et pose une question cruciale : jusqu’où peut-on pousser la machine sans casser l’équilibre de la planète ?

Des requêtes de plus en plus gourmandes en énergie : l’exemple vertigineux de ChatGPT
Derrière chaque question posée à une IA, il y a un coût énergétique bien réel. Selon les chercheurs des universités du Rhode Island et de Tunis, une requête à ChatGPT-3 demande environ 3 Wh. Avec les dernières versions, comme ChatGPT-5, on atteint entre 18 et 20 Wh.
Multiplions cela par les 2,5 milliards de requêtes quotidiennes, et on obtient une consommation équivalente à celle de 1,5 million de foyers américains. Or, un ménage américain utilise en moyenne deux fois plus d’électricité qu’un foyer français.
En France, la situation évolue aussi rapidement. Les data centers consomment aujourd’hui 10 % de la production nationale d’électricité, contre seulement 2 % il y a trois ans. Ce bond spectaculaire soulève une question urgente : combien de temps ce modèle sera-t-il soutenable ?
Un déluge invisible : la consommation d’eau des IA inquiète les climatologues
Les serveurs doivent rester à température stable. C’est pourquoi les centres de données ont remplacé la climatisation classique par le refroidissement par eau. Résultat : un seul data center moyen utilise jusqu’à 1,5 million de litres d’eau par jour. C’est l’équivalent de la consommation de 13 000 foyers.
Ce n’est pas tout. La fabrication des puces nécessaires aux IA réclame aussi des quantités énormes d’eau ultrapure. À Taïwan, TSMC utilise 150 000 tonnes d’eau par jour sur un seul site, soit plus de 10 % de la consommation totale de l’île.
Ainsi, dans des pays comme les Pays-Bas, la pression est telle qu’il n’est plus possible d’y construire de nouveaux data centers. La ressource hydrique devient aussi critique que l’électricité.
Une course à la puissance qui entre en collision avec les limites planétaires
L’IA générative alimente une compétition mondiale. Pour rester en tête, il faut sans cesse augmenter la puissance de calcul, acquérir plus de GPU Nvidia, exploiter davantage de métaux rares, et construire toujours plus de serveurs et de data centers.
Ce modèle inquiète les chercheurs et ONG comme The Shift Project. Leur constat est sans appel : les IA entrent en conflit direct avec les exigences écologiques de la planète. Certains métaux utilisés dans les puces sont aussi nécessaires à la transition énergétique, notamment pour les batteries ou les éoliennes.
Pendant ce temps, les GAFAM misent sur le nucléaire pour combler leurs besoins croissants en énergie. Mais la production mondiale d’électricité ne suit déjà plus le rythme.
Une planification numérique nécessaire : mettre l’IA au service du climat, pas l’inverse
La problématique dépasse la technique : elle est désormais politique. Il faut se poser les bonnes questions. Est-il pertinent de mettre de l’IA partout ? Quels usages sont réellement utiles ? Lesquels relèvent du marketing ou de la surenchère ?
C’est pourquoi The Shift Project appelle à un débat démocratique sur la planification numérique. Il s’agit de définir des priorités, de réglementer certains usages et, si nécessaire, d’en interdire d’autres. En résumé : redonner du sens à l’innovation technologique.
L’IA générative possède un potentiel immense. Mais sans une régulation ferme, elle pourrait devenir un accélérateur du dérèglement climatique, plutôt qu’un outil pour le contrer.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Technologie, Robots & IA
Il n’y a que la Chine à l’heure actuelle qui peut faire face aux besoins énergétiques de l’IA.