Une équipe scientifique a franchi une étape majeure : grâce à un algorithme, elle est parvenue à décoder les sons émis par les poissons. Une révolution dans notre compréhension des écosystèmes marins qui pourrait transformer la manière dont nous protégeons les océans.

L’intelligence artificielle prouve que les poissons échangent pour séduire ou défendre leur territoire
Depuis 2007, au large de Porto Rico, une équipe de l’Institut océanographique Harbor Branch (université Florida Atlantic) analyse les sons produits par les mérous rouges, poissons vivant dans les récifs tropicaux.
Grâce à FADAR (Fish Acoustic Detection Algorithm Research), un système d’apprentissage automatique, les chercheurs ont pu traiter plus de 2 000 heures d’enregistrements acoustiques.
Ce travail a révélé deux types de grognements produits par les mâles. L’un, doux et rythmique, sert à la parade nuptiale. L’autre, plus abrupt et intense, marque la défense du territoire. Ces bruits, longtemps ininterprétables, forment donc un langage codifié.
Cette avancée change notre perception des poissons. Loin d’être silencieux, ils échangent en permanence. Grâce à ces outils, les scientifiques peuvent enfin comprendre les dynamiques sociales d’une espèce jusque-là mystérieuse.
Les poissons ont modifié leur comportement vocal au fil des années
L’analyse acoustique révèle aussi l’évolution des comportements dans le temps. Entre 2011 et 2017, les grognements liés à la reproduction dominaient. En revanche, à partir de 2018, les sons associés à la défense territoriale ont triplé.
Ce basculement pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs. Il peut s’agir d’une hausse du nombre de mâles dominants, d’un déséquilibre entre les sexes, ou même d’un déplacement des zones de reproduction. En somme, les sons deviennent des indicateurs de l’état des populations.
Cette méthode d’écoute passive offre un avantage décisif. Elle permet d’observer sans perturber. Contrairement aux méthodes invasives, elle s’intègre dans l’écosystème tout en fournissant une lecture claire des dynamiques naturelles.
Observer sans déranger : la nouvelle frontière de la conservation marine
Cette technologie propose une approche éthique : écouter au lieu de capturer. Elle capte les vocalisations animales de manière continue, sans provoquer de stress. C’est un progrès pour une recherche plus responsable.
Les données ainsi récoltées permettent d’ajuster les politiques de pêche, de protéger les périodes de reproduction, ou de mieux anticiper les migrations. Ce sont des outils de conservation plus précis, basés sur le comportement réel des espèces.
Cette approche pourrait s’étendre à d’autres espèces marines. L’objectif serait de créer une cartographie sonore des océans. Elle aiderait à comprendre et préserver la biodiversité de façon continue.
L’écoute des océans pourrait devenir un outil clé face à la crise climatique
Cette découverte alimente une discipline nouvelle : l’écologie sonore. Écouter les océans permet de suivre leurs bouleversements. À l’heure du changement climatique, cette vigilance devient indispensable.
La montée des températures, l’acidification des eaux ou la pollution sonore modifient profondément les comportements. Grâce aux sons, les scientifiques peuvent anticiper les crises écologiques et ajuster leurs stratégies.
L’équipe de FADAR espère généraliser cette approche. Au-delà de la prouesse technique, il s’agit d’un outil puissant pour écouter, comprendre et protéger les mondes sous-marins. L’océan parle. Nous apprenons, enfin, à l’écouter.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences, Animaux & Végétaux