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L’écologie au prix du sang ? L’Amérique s’enflamme autour du plan qui prévoit l’abattage massif de chouettes rayées pour en sauver une autre

Le chiffre est glaçant : 450 000 chouettes rayées menacées d’abattage dans les forêts du Nord-Ouest américain. Ce plan fédéral, aussi radical que controversé, vise à sauver la chouette tachetée du Nord, une espèce en danger. Mais entre urgences écologiques, équilibres forestiers et colères morales, l’Amérique se déchire. Ce programme, porté par le U.S. Fish and Wildlife Service, soulève une question brutale : peut-on tuer pour mieux protéger ?

Deux chouettes perchées sur une branche couverte de mousse dans une forêt brumeuse, illustrant le débat sur la gestion des espèces protégées aux États-Unis.
Symbole de sagesse et de nature sauvage, la chouette est aujourd’hui au cœur d’un débat écologique aux États-Unis, où des abattages sont autorisés pour préserver une autre espèce © DailyGeekShow / Image Illustration

Une espèce invasive qui déloge une cousine fragile : la raison d’un abattage massif

Les chouettes rayées (Strix varia), venues de l’Est, ont conquis les territoires de la chouette tachetée (Strix occidentalis), plus discrète et moins adaptable. Plus grandes, plus opportunistes, elles ont envahi les forêts humides de l’Oregon, de Washington et du nord de la Californie, bouleversant l’écosystème.

Pour l’USFWS, il ne reste qu’une solution : un plan d’éradication de long terme, sur 30 ans, qui vise à retirer du paysage les populations de chouettes rayées. Objectif : donner une chance à la chouette tachetée de survivre.

Mais le projet choque. Wayne Pacelle, président d’Animal Wellness Action, juge le plan inhumain et inefficace : « Les chouettes rayées voleront là où d’autres auront été tuées. Cela ne changera rien au fond. »

Conservateurs, militants, tribus : le projet déchire l’Amérique bien au-delà de la question animale

Le paradoxe est total. Les opposants au plan ne sont pas ceux qu’on croit. Côté républicain, des voix s’élèvent contre l’ingérence fédérale dans la nature. Le sénateur John Kennedy résume l’argument : « Le gouvernement n’a pas à choisir quelles espèces méritent de vivre. »

Mais à l’inverse, certains écologistes soutiennent le projet, au nom d’une logique d’écosystème. Tom Wheeler, du Environmental Protection Information Center, le reconnaît : « C’est une position inconfortable. Mais il s’agit de préserver une espèce menacée, pas d’aider l’industrie du bois. »

Quant aux tribus amérindiennes, leur voix est claire. Pour l’Intertribal Timber Council, la chouette rayée met en danger d’autres espèces vitales à l’équilibre de leurs terres. Leur soutien au plan repose sur une vision plus holistique de la biodiversité.

Sauver une espèce ou l’équilibre de toute une forêt ? Le dilemme vert en pleine lumière

Ce projet ne se limite pas à un duel entre deux espèces. Il touche des enjeux bien plus larges. Dans l’Oregon, la présence de la chouette tachetée justifie depuis des années des restrictions strictes sur l’exploitation forestière. Sans action, la tachetée continue de disparaître, et les forêts restent fermées aux exploitants.

Travis Joseph, président du American Forest Resource Council, prévient : « Sans ce plan, les ventes de bois seront retardées, voire annulées. Les conséquences économiques seront majeures. »

Le plan, aussi radical soit-il, révèle surtout les limites du modèle conservationniste américain. Comment choisir entre deux urgences ? Comment trancher sans trahir la nature ? La réponse, pour l’instant, divise encore le pays.

Par Eric Rafidiarimanana, le

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