Depuis le 30 septembre 2025, la mission Juno, joyau d’ingénierie spatiale et source inépuisable de merveilles scientifiques, pourrait bien s’être tue. Non pas à cause d’un incident technique, d’une collision cosmique ou d’une panne irréversible. Non. La paralysie budgétaire du gouvernement américain empêche aujourd’hui la NASA de confirmer si la sonde fonctionne encore.

Une mission scientifique encore active mais que la NASA n’a plus le droit de piloter
Lancée en 2011, Juno a rejoint l’orbite de Jupiter en 2016. Sa mission initiale de 20 mois s’est prolongée plusieurs fois, tant ses résultats ont bouleversé les connaissances : exploration du champ magnétique, survols rapprochés des lunes Io, Europe, Ganymède, étude des anneaux… Et toujours ces images à couper le souffle, partagées avec la communauté scientifique comme avec le grand public.
Or, depuis le 30 septembre, plus aucun signal officiel. Plus un tweet, plus une donnée, plus un son. L’agence spatiale n’a plus le droit de communiquer à cause des règles strictes du « shutdown ». En effet, seules les missions vitales pour la sécurité ou la vie humaine peuvent continuer à dialoguer avec la Terre. Et Juno n’en fait pas partie.
Une sonde peut-être toujours en orbite, mais coupée du monde faute de techniciens autorisés
Le plus absurde ? Juno tourne probablement encore autour de Jupiter. Elle capte peut-être des images, collecte encore des données, suit sa trajectoire. Pourtant, personne n’est autorisé à lui parler, ni à recevoir ce qu’elle transmet. Autrement dit, tout est suspendu, faute de personnel habilité.
D’ailleurs, Molly Wasser, porte-parole de la division des sciences planétaires, a simplement lâché : « La NASA respecte la loi. » Traduction : impossible de dire si la sonde est encore en vie. Impossible d’interpréter ses dernières transmissions.
Et comme si cela ne suffisait pas, ce silence tombe au plus mauvais moment. Europa Clipper, la prochaine grande mission vers Jupiter, a décollé en 2024. Mais elle n’y arrivera qu’en 2030. Si Juno s’éteint maintenant, on perdra donc cinq années précieuses de données sur le système jovien.
Sans Juno, un trou noir scientifique autour de Jupiter jusqu’en 2030
En somme, ce silence autour de Juno révèle une vérité dérangeante : même les plus grandes aventures spatiales restent vulnérables aux décisions politiques. Et si la sonde a cessé d’émettre, c’est tout un pan de notre exploration du Système solaire qu’on enterre vivant.
Car Juno, c’est bien plus qu’un engin spatial. C’est une épopée collective : des ingénieurs passionnés, des images partagées dans le monde entier, des vocations nées devant la beauté d’un cyclone jovien. Et voilà que tout cela se fige, non pas à cause de l’espace, mais à cause de couloirs administratifs à Washington.
Sauver Juno, ou comment protéger les missions scientifiques de la politique
Heureusement, tout n’est pas perdu. Si le Congrès adopte un budget rapidement, la NASA pourrait reprendre le fil de la mission. Et qui sait ? Peut-être que Juno continuera à livrer ses secrets, comme si de rien n’était.
Mais au-delà de ce cas précis, il faut tirer les leçons. Par exemple, pourquoi ne pas mettre en place un fonds d’urgence permanent pour les missions critiques ? Ou bien revoir la définition des « activités essentielles » pour inclure les projets scientifiques de longue durée ?
Car au fond, si l’on croit à la science comme moteur de civilisation, on ne peut plus laisser nos sondes sombrer dans le silence par simple querelle de budget.
Pour l’instant, on attend. On espère. Et on imagine, quelque part dans l’espace, Juno poursuivant sa course, seule, autour de Jupiter, fidèle à sa mission, même sans réponse.
Par Eric Rafidiarimanana, le